Jacques Attali sonne l’alarme sur le déclin de la France et l’Europe
Jacques Attali

«La France, comme le reste de l’Europe, se trouve désormais confrontée à une menace terrible : n’être bientôt plus que la  province oubliée d’un empire en déclin». C’est le constat que vient de publier l’économiste, essayiste et écrivain prolixe Jacques Attali sur son site officiel «attali.com».

En 7 points, Jacques Attali démontre à travers une analyse-alerte qu’il a publiée le 22 septembre que «la France est en train d’être reléguée (par les États-Unis, ndlr) au rang d’une alliée oubliée d’un empire en déclin». Pour lui, c’est là une Situation de «double affaiblissement, la pire en politique».

L’actualité qui a fait sortir de ses gonds Attali est la récente annulation par l’Australie d’une commande de sous-marin français, passée pourtant il y a un an. Un revirement que l’économiste voit «bien plus qu’un contrat perdu à l’autre bout du monde, ou qu’une humiliation passagère par un allié d’une grande impolitesse». Pour lui, ces sous-marin «sont le nom d’un véritable séisme géopolitique, que trop peu de gens veulent voir ; et qu’on ne peut comprendre qu’en le reliant aux tendances lourdes des dernières décennies et à ce qui s’est joué très récemment en Afghanistan». Il estime que ce dernier, «bien qu’en déclin relatif, gouverne donc non seulement par sa puissance économique et politique et par sa domination culturelle, son ’soft power’, mais aussi par le pouvoir de son droit, (son ‘legal power’) qui s’impose maintenant dans une très large partie du monde, y compris en Europe».

Après avoir présenté 7 arguments majeurs pour expliquer le fond de sa pensée, il fait la similitude entre son pays et la Grèce au temps de l’Empire Romain, ou encore l’Espagne au temps de l’Empire Hollandais, voire l’Irlande au temps de l’Empire Britannique. «Rien n’est pire. En gérant leurs intérêts, les États-Unis abandonneraient de plus en plus des alliés dont ils n’ont plus besoin. Des alliés qui croiraient encore naïvement bénéficier de leur soutien.

C’est la mort assurée», tranche-t-il.
Le déclin de la France en 7 points

Jacques Attali résume le déclin de la France et plus largement de l'Europe en ces 7 points

1. Les États-Unis n’ont plus les moyens de protéger l’ensemble de leurs alliés, comme ils le faisaient jusqu’à présent ; alors ils font le choix de se recentrer et de se préoccuper surtout de se protéger de la Chine, dans le Pacifique, en négligeant l’Europe et le Moyen-Orient, puis s’en retirant par à-coup.

2. Pour y parvenir, les États-Unis cherchent à construire au plus vite, quels que soient les dégâts collatéraux, une alliance militaire avec quelques pays de la région Pacifique. En oubliant au passage quelques-uns d’entre eux, dont l’Inde, l’Indonésie et les Philippines.

3. La France n’a pas réussi à faire entendre aux États-Unis qu’elle était, elle aussi, une nation du Pacifique, par sa population, par son armée et par sa zone maritime. Plus généralement, elle n’a jamais réussi à faire entendre, ni même à croire elle-même, qu’elle est une puissance maritime. Plus généralement encore, elle ne réussit plus à faire croire à personne, aux États-Unis, qu’elle est une puissance dont le soutien serait nécessaire et dont l’hostilité serait inacceptable.

4. Bien qu’en déclin, la superpuissance américaine dicte sa loi à tous ses vassaux quand et où elle l’entend, sans limite. Comme elle a imposé aux Anglais les conditions de leur propre départ d’Afghanistan, elle a imposé aux Australiens le système de propulsion de leurs sous-marins (nucléaire et non classique), et piétiné les Français qui se sont trouvés spoliés, sans préavis, de la mise en œuvre d’un contrat majeur, signé il y a plus de cinq ans.

5. Maitresse du fond, par son système de droit, la superpuissance américaine l’est aussi de la forme et ne s’embarrasse pas d’excuse ni de contrepartie, quand elle cause ainsi un dommage majeur à l’un de ses alliés, qui n’a aucun moyen d’être informé à l’avance de ces décisions, d’en discuter, d’obtenir des amendements ou des contreparties ni industrielles, ni financières, ni militaires, ni politiques.

6. La superpuissance américaine impose ainsi partout sa conception du droit, y compris dans les procédures de règlements des conflits : si la France avait demandé un arbitrage, celui-ci aurait été mis en place en suivant des procédures américaines, et jugé selon la jurisprudence du droit américain. Plus que jamais, l’hyperempire américain, bien qu’en déclin relatif, gouverne donc non seulement par sa puissance économique et politique et par sa domination culturelle, son « soft power », mais aussi par le pouvoir de son droit, (son ‘legal power’) qui s’impose maintenant dans une très large partie du monde, y compris en Europe.

7. De plus, la conception américaine du droit ne s’impose pas seulement dans les affaires ; elle s’insinue aussi dans les mœurs puisqu’elle fixe les conditions de gestion des questions de race, de genre, de culture, et de gestion des données numériques, remettant en cause des fondements de l’identité nationale française, aussi essentiels que la laïcité et la primauté de l’universel.

Solution ?

«Parfois, quand on reçoit une gifle, on baisse la tête et on se fait tout petit. Parfois, au contraire, on se redresse et on se bat», schématise Jacques Attali. Il estime que pour redresser la tête «chacun sait ce qu’il faut faire :construire une puissance européenne autonome, ayant sa propre conception du droit, et sa propre stratégie de souveraineté économique et militaire».