Maroc-Israël. Pourquoi l’Algérie se sent-elle visée?
Benny Gantz, le ministre israélien de la défense en visite au mausolée Mohamed V.

La grande préoccupation du régime militaire d’Alger est de pacifier le pays. Les citoyens qui se sont révoltés contre l’ancien président Abdelaziz Bouteflika se sont retrouvés avec le même régime. Celui-ci tente de leur expliquer que leur pays est en danger. Le Maroc et Israël menacent leur stabilité et leur prospérité.

Que pense le président du Sénat algérien Salah Goujil (90 ans) de la visite de Benny Gantz au Maroc? « Aujourd'hui, les choses sont claires avec la visite du ministre de la Défense de l'entité sioniste au Maroc», a-t-il déclaré avec la conviction de celui qui voit surgir la confirmation de ce qu’il a toujours voulu.

Qu’est-ce qui est donc claire? « "Les ennemis se mobilisent de plus en plus pour porter atteinte à l’Algérie ». L’Algérie est visée », précise-t-il.

Même si cela veut en fin de compte dire que ce n’était pas clair avant, mais qu’importe, ce n’est pas l’essentiel.

Pourquoi l’Algérie se sent-elle visée par les accords maroco-israéliens?

Là, il faut sortir de la doctrine traditionnelle de la défense, on parle de sécurité globale. Il ne s’agit plus de défendre seulement un territoire contre d’éventuelles menaces. Autrement dit, ce n’est plus une question militaire, même si celle-ci demeure importante.

Une évidence, pour renforcer la défense, il faut d’abord avoir quelque chose à défendre. Israël et le Maroc ont beaucoup de choses à défendre. Les deux pays accueillent des investissements stratégiques, aussi bien nationaux qu’internationaux qui font partie de chaînes de valeur stratégiques. Un exemple? Les industries technologiques avancées. Quand on parle de semi-conducteurs ou de puces électroniques, on parle de composants stratégiques qui entrent dans la fabrication de presque tous les produits aujourd’hui, automobiles, électroménager blanc ou brun, télécommunications, énergies propres... Une simple rupture dans les approvisionnements peut causer des dégâts économiques énormes, chose que nous avons constaté avec la pénurie de semiconducteurs que vit le monde actuellement.

Ainsi, les investissements doivent être sécurisés, de sorte que toute la supply chain le soit aussi. Aujourd’hui, les pays dépensent autant pour la défense économique que pour la défense territoriale, d’où l’importance du renseignement qui correspond, en médecine, au traitement préventif.

Le Maroc et Israël, qui doivent faire face à des menaces prouvées de la part de régimes autoritaires, comme l’Iran, se sont trouvé des intérêts communs, de là découle leur coopération. Ce n’est pas aussi compliqué qu’on veut le montrer.

C’est donc plus grand qu’une question de territoire. Avec cette nouvelle conception de la sécurité, on ne voit vraiment pas où réside le danger pour l’Algérie. Le Maroc et Israël se sont associés pour protéger leurs acquis stratégiques mondiaux. L’Algérie ne représente aucune menace économique pour le Maroc et encore moins pour Israël. Sa seule nuisance consiste à armer, équiper et planifier des petits coups pour le Polisario. Mais là, le Maroc est déjà bien outillé du côté renseignement aussi bien humain qu’électronique.

N’empêche l’Algérie insiste, elle est visée. Cette réthorique destinée plus à la pacification interne de la société qui se révolte contre le régime militaire, résiste au temps, ce qui n’est pas difficile étant donné l’âge des dirigeants.

Les médias aussi ajoutent aussi leur grain de sel: "Ce pas de plus dans la compromission (...) ouvre la voie au Mossad israélien pour poser les deux pieds à la frontière ouest de l'Algérie, avec tout ce que cela suppose comme menace sur la sécurité du Maghreb », analyse le quotidien L’Expression. Bien sûr, il faut citer le Mossad, pour dramatiser encore plus, ça ne rate pas. En tout cas, on apprend que le Mossad a deux pieds. Et ça on ne le savait pas.

Quant à la menace contre le Maghreb, les Algériens tentent de rallier les autres pays de la région à leur « cause », dans le but évident de créer une sorte de coalition contre le Maroc « normalisateur avec Israël ». On retrouve ici la volonté de certains dirigeants maghrébins, tunisiens est algériens surtout, qui appellent à la construction d’un Magreb « arabe » sans le Maroc. Initiative inutile, puisque le sort du Maroc ne dépend en rien du Maghreb. Aucun autre pays d’ailleurs. Le Grand Maghreb est encore aujourd’hui une simple indication géographique. L’actualité montre qu’il va le rester encore très longtemps.