Parole de psy : « Les professeurs harceleurs sont des malades mentaux »
Abuser de son pouvoir pour soumettre les étudiantes à leurs fantasmes sexuels ferait des professeurs accusés des malades mentaux

Après le scandale sexuel de l’Université de Settat est venu celui de l’ENCG d’Oujda, révélant la face sordide d’un abus de pouvoir à la sauce universitaire. Comment certains professeurs peuvent-ils tomber aussi bas ? Et quels sont les moyens pour venir à bout d’un phénomène qui ne cesse de s’amplifier ?



Trois jours après l’éclatement du scandale sexuel de l’ENCG d’Oujda, l’Université Mohamed I met à la disposition de ces étudiants un numéro vert et une adresse mail pour dénoncer tout acte d’abus et de harcèlement sexuel. « Une procédure qui préservera l’anonymat des plaignants » s’engage l’université pour encourager les plus réticents.

Accueillie avec soulagement, cette initiative a été largement saluée par les associations féministes. « C’est une très bonne initiative. Vivement sa généralisation dans les différents établissements d’enseignement supérieur. C’est un bon début pour lutter contre le harcèlement sexuel en milieu scolaire et universitaire » commente Bouchra Abdou, Directrice de l’association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté. Même soulagement de la part de Dr Mustapha Massid, psychologue clinicien.

Vous avez dit paraphilie ?

« Dénoncer, libérer la parole est un moyen efficace pour lutter contre ce type d’actes et d’abus », nous explique le thérapeute. Quant aux agissements des professeurs accusés, Dr Massid émet un diagnostic. « Ce comportement frôle la paraphilie qui est une déviance sexuelle » lance le thérapeute. Selon ce dernier les caractéristiques essentielles d'une paraphilie sont des fantaisies imaginatives sexuellement excitantes, des impulsions sexuelles ou des comportements survenant de façon répétée et intense.

« Ceci peut impliquer des enfants ou d'autres personnes adultes non consentantes, des objets inanimés, la souffrance ou l'humiliation de soi-même ou de son partenaire » nous explique le psychologue. Rappelons que dans le cas de l’affaire de l’ENCG d’Oujda, un professeur assistant est accusé d’abuser de son pouvoir et de faire chanter ses étudiantes pour les soumettre à ses désirs sexuels. « C’est cet aspect de non consentement des « victimes » et le fantasme derrière les désirs des professeurs harceleurs qui en font des malades mentaux atteints de paraphilie », ajoute Dr Massid. Des malades psychiques, les professeurs accusés de harcèlement sexuel contre leurs étudiantes ne sont pas pour autant dispensés de poursuites judiciaires. « Tout comme pour la pédophilie ou le viol, les auteurs sont considérés comme des malades mentaux par contre ils sont complètement responsables de leurs actes » soutient le clinicien.

Fantasmes coupables

Si personne ne peut être poursuivi pour avoir des fantasmes de quelle que nature que ce soit, les actes qui en découlent sont par contre condamnables comme l’affirme les spécialistes. Ces derniers définissent les troubles de paraphilie par l'existence de fantasmes envahissants, d'envies irrépressibles ou de comportements sexuels persistant sur une durée de plus de six mois. « Les modèles de désirs sexuels non conventionnels dans les paraphilies ne sont considérés comme pathologiques que quand l'une des conditions suivantes s'applique: Ils sont intenses et persistants. Et ils entraînent une souffrance importante ou des déficits évidents du fonctionnement social, professionnel. Ils nuisent ou ont le potentiel de nuire aux autres ( aux enfants ou aux adultes non consentants) » détaille Dr Massid.

Mais dans ce cas de figure, comment protéger les écoliers et les étudiants de professeurs souffrant de pathologies psychiques et de déviations sexuelles ? « Je l’ai toujours soutenu : l’éducation sexuelle est la meilleure solution et ceci dès le plus jeune âge » note le clinicien. Au sein de la famille et à l’école dès la maternelle, l’éducation sexuelle devrait préparer les enfants à détecter les comportements « louches » des adultes qu’ils fréquentent (parents, membres de la famille, voisins, amis de la famille, éducateurs et professeurs...) comme l'explique le socio-psychologue Mouncif Benzakour.

Education sexuelle, le pare-feu

« Un enfant doit être absolument avisé dès l’âge de 7 ou 8 ans. On doit lui expliquer ce qu'est son corps et son appareil génital. Dès la maternelle, nous devons apprendre aux enfants quelles sont les parties intimes que personne n’a le droit de toucher, y compris ses parents» explique Dr Benzakour en insistant sur la sensibilisation de l’enfant quant à la sacralité de son corps. « Cette sensibilisation doit se faire à la maison, au sein de la famille, à l’école, dans les colonies de vacances et dans toute sorte d’institutions. En inculquant et incrustant ce principe dans les esprits, on fait un important pas dans la protection de l’adulte en devenir» ajoute pour sa part Dr Massid. Armer les enfants d’aujourd’hui pour en faire demain des adultes capables de se défendre et d’affronter tout abus sexuel. « Cette éducation va jouer un rôle primordial dans la libération de la parole qui permettra de dénoncer ce type d’actes », insiste Massid.

Ce dernier note d’ailleurs l’importance d’installer des cellules d’écoute psychologique au sein des universités mais aussi en milieu scolaire. « Il y a eu des initiatives dans ce sens et c’est dire toute l’importance de la psychologie scolaire dans le partage, l’écoute et le conseil des élèves et des étudiants surtout en cas d’abus sexuels » note le clinicien. « C’est un moyen efficace pour limiter l’emprise des professeurs harceleurs. Se savoir protégées est rassurant pour les victimes et les aident à dénoncer leurs bourreaux» affirme le clinicien.

Rappelons que l’ENCG Oujda a été secouée en début de semaine par un scandale de harcèlement sexuel survenant quelques semaines seulement après celui de l’Université Hassan. Les professeurs de la faculté de Droit de Settat accusés sont actuellement poursuivis en justice pour harcèlement sexuel, abus de pouvoir, attentant à la pudeur et risquent d’être poursuivis pour traite d’êtres humains. « Parallèlement au châtiment infligé, il faut prévoir un suivi et une thérapie psychique de ces professeurs, car cela reste une pathologie à traiter » conclut Dr Massid.