Marché du travail. Pistes de réformes
La pyramide des âges se rétrécit progressivement à sa base et la part de la population en âge de travailler augmente.

Défis structurels du marché de travail au Maroc, répercussions de la pandémie...Oxfam dresse un bilan synthétique des principales problématiques de ce secteur et propose plusieurs axes de réforme. 



« Le marché du travail marocain, profondément inégalitaire, est le reflet des insuffisances de la trajectoire de croissance actuelle et d’une société peu inclusive, qui marginalise femmes et jeunes », tranche Oxfam dans une récente publication intitulée : « Le marché du travail au Maroc : défis structurels et pistes de réforme pour réduire les inégalités ». Dans le détail, l’organisation estime que le rythme de croissance du Maroc n’est pas suffisant pour permettre au Royaume de converger vers les pays plus aisés et le pays semble peiner à trouver la voie de l’industrialisation avec un secteur qui ne parvient pas à être un relai de croissance suffisant pour pallier le plafonnement du dynamisme des services.

Des hics à surmonter

Parmi les problématiques relevées par Oxfam : la pyramide des âges se rétrécit progressivement à sa base et la part de la population en âge de travailler augmente. En chiffres, la population marocaine a augmenté de 7,7 millions de personnes entre 2000 et 2020, soit une hausse annuelle moyenne de 383.400 de personnes. Étant donné la pyramide des âges, la population en âge de travailler a crû d’environ 7,5 millions de personnes, correspondant à une hausse moyenne d’environ 370 000 personnes.

Afin d’absorber l’ensemble de la population en âge de travailler non scolarisée, le marché du travail marocain aurait dû créer en moyenne environ 280 000 emplois par an. Seulement 90 000 ont été créés, conduisant une part toujours plus importante de la population à l’inactivité. Un autre hic et non des moindres, les femmes sont largement marginalisées sur le marché du travail.

D’après le rapport d’Oxfam, les conséquences principales d’une mauvaise intégration des diplômés au sein du marché du travail sont de deux ordres. D’une part, cela révèle une inadéquation profonde entre les emplois créés, la structure de l’économie, et les compétences des travailleurs. « Ce décalage est une perte pour la société qui a investi dans la formation de ces individus, et dont l’utilisation des compétences est sous optimale », analyse l’organisation. Concernant les programmes mis en place par les différents gouvernements pour booster l’emploi, Oxfam juge qu’ils ne sont pas suffisamment inclusifs et pourraient bénéficier d’une meilleure utilisation et circulation de l’information sur l’offre et la demande de travail.

Covid aggrave la situation

Les indicateurs du marché du travail se sont particulièrement dégradés lors de l’année 2020. Au premier semestre de l’année 2020, l’économie marocaine a perdu 790.000 emplois, tandis que sur un an, entre le T1 2020 et le T1 2021, ce sont 200.000 postes qui ont été perdus. Le nombre d’actifs a reculé de 600.000 personnes au premier semestre 2020, tout en restant stable entre le T1 2020 et le T1 2021. Dans le même temps, le nombre de personnes au chômage a augmenté de 242 000 entre le T1 2020 et le T1 2021 et de 190 000 au premier semestre 2020. Le taux de chômage a augmenté de 2 points, passant de 10,5% de la population active au T1 2020 à 12,5% au T1 2021 (et 12,7% au T3 2020). Cette hausse a touché femmes et hommes de façon relativement homogène. En revanche, le taux de chômage des 15-24 ans s’est envolé, augmentant de près de 6 points en un an et s’élevant au T1 2021 à 32,5%. Pistes de réformes

Pour l’Oxfam, les indicateurs du marché du travail marocain demeurent aujourd’hui alarmants, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Elle propose plusieurs axes de réformes. Certaines pistes visent à réorienter le modèle de développement du Maroc, lorsque d’autres nécessitent seulement des interventions microéconomiques. Oxfam salue et encourage le chantier de la généralisation de la couverture sociale à l’ensemble des Marocains. Cette réforme doit permettre, selon elle, de pallier l’importance du secteur informel et au nombre trop élevé de travailleurs ne bénéficiant d’aucun système de sécurité sociale. «Découpler l’accès à une couverture sociale de l’occupation d’un emploi est à même de servir l’amélioration des conditions de vie des femmes marocaines », recommande Oxfam qui ajoute aussi que la formalisation des emplois doit être incitée et favorisée. «Le mouvement structurel de formalisation actuellement à l’œuvre doit être accéléré et accompagné par les autorités.

Pour favoriser la participation des femmes au marché de travail, Oxfam note qu’elle requiert d’adopter une approche multifactorielle : intégrer les femmes et le mouvement féministe dans l’élaboration et l’évaluation des politiques de l’emploi ; développer un service public de la garde d’enfants, aménager les horaires de travail pour rendre compatibles vie professionnelle et vie personnelle, accompagner le changement des mentalités pour rééquilibrer les rôles respectifs des femmes et des hommes dans la société, inciter à l’embauche des femmes, ce qui peut passer par des mécanismes de discrimination positive, en réduisant le coût pour les employeurs (réduction de cotisations, prise en charge d’une partie du salaire, etc.).

Pour les jeunes, il est recommandé de mettre en place une formation professionnelle de qualité et gratuite en coopération avec le secteur privé afin de répondre aux besoins réels des entreprises. D’autres mesures pourraient être impulsées comme l’amélioration de la qualité des formations post bac, l’investissement dans les secteurs d’activité pour lesquels le Maroc dispose d’ores et déjà d’une main d’œuvre qualifiée , l’instauration des abattements fiscaux pour les entreprises pour l’embauche de jeunes en CDI...Il s’agit également de proposer des mécanismes de formation professionnelle permettant une spécialisation des compétences et améliorer le système éducatif marocain. En gros, Oxfam appelle met l’accent sur la création d’un écosystème favorable au développement de nouveaux secteurs comme l’écologie, les nouvelles technologies de l’information et de la communication...en favorisant l’entrepreneuriat et le promouvoir comme un axe de développement et incitant l’emploi dans les secteurs innovateurs notamment par des moyens fiscaux.