Cryptomonnaie. Ce que pourrait gagner le Maroc
Cryptomonnaie. Coût-avantage favorable

Malgré les interdictions, la cryptomonnaie séduit de plus en plus de Marocains. Le ministère des finances avec Bank Al Maghrib étudient l'intérêt d'un éventuel encadrement de l’usage. Rien de concret pour le moment. Les experts eux, estiment que le pays pourrait gagner beaucoup à travers cette légalisation.



Le Maroc est classé au 24e rang du classement 2021 de l’indice d’adoption globale des cryptomonnaies de la société américaine de recherche Chainalysis. Triple A, une plateforme de recherche en cryptomonnaies, estime qu’environ 0,9 million de personnes, soit 2,4 % de la population totale marocaine possèdent actuellement des cryptomonnaies. Des statistiques qui, d’après l’expert en cryptomonnaies et cofondateur de la start-up Mchain, Badr Bellaj, montrent l’engouement des marocains pour ce mécanisme, pourtant interdit d’usage dans le pays depuis 2017. D’autres chiffres révélateurs : le Maroc a enregistré un volume d’échange de bitcoins de 6 millions de dollars US, le plus élevé d’Afrique du Nord. Le pays se place même en 4ème position sur le continent africain, derrière le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Kenya. «Chaque semaine, les marocains font des transactions de 2 millions de DH en cryptomonnaies sur un seul site », note Bellaj ajoutant que le pic a été atteint en avril 2021 avec un volume d’échanges de 2,5 MDH.

Les raisons d’un engouement

S’il y a une ruée vers l’usage de la cryptomonnaie au Maroc, comme ailleurs, c’est pour plusieurs raisons. «La cryptomonnaie séduit bon nombre de marocains, surtout les jeunes. Pour eux, c’est un moyen qui leur permet de consommer des services sur internet facilement. Ils peuvent acheter vendre, échanger, faire des investissements pour améliorer leur situation financière...d’autant plus que ce mécanisme est accepté dans de nombreux pays », détaille Bellaj

Côté usage : « il suffit d’avoir un smartphone, et une connexion pour ouvrir un compte sur l’une des plateformes dédiées, l’alimenter en cryptomonnaie et le jeu est facile », explique l’expert ajoutant aussi que « la fluctuation attire les chercheurs d’opportunités. Là où il y a de la fluctuation, il y a forcément un profit ». Une étude sur l’usage de la cyptomonnaie réalisée auprès de 10.000 marocains, et dont les résultats détaillés seront dévoilés bientôt, montre comme nous le confie Bellaj que la crytomonnaie est utilisée pour l’achat et la vente de bitcoins, pour le trading, et surtout pour les transferts transfrontaliers. «Le transfert d’argent coûte cher. Et donc beaucoup optent pour la cryptomonnaie pour effectuer ces opérations », reconnait-il. Le recours à la cryptomonnaie s’explique aussi, selon le même expert, par le problème de la non convertibilité du Dirham, la complexité des services proposées par les banques aux jeunes...

Qu’en pensent les pouvoirs publics ?

En gros, l’interdiction n’empêche pas l’usage. Et les pouvoirs publics semblent être conscients de l’enjeu. La preuve, dans une séance des questions orales à la Chambres des représentants, la ministre de l’économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui a annoncé que le gouvernement travaille avec ses partenaires pour étudier l'intérêt d'un cadre légal pour ces cryptomonnaies. Bank Al-Maghrib avait indiqué en 2020 la constitution d'un comité chargé de la gestion d'un projet de monnaie digitale de la banque centrale. De son côté, le wali de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri a révélé récemment que le projet est à un stade très préliminaire et permettrait de contourner les aspects négatifs des cryptomonnaies, notamment le non adossement à une monnaie centrale et la traçabilité des transactions. Pour les experts, dont Bellaj, il ne s’agit que d’annonces à caractère purement politiques.

Et pour argumenter, il souligne «le pays n’est pas prêt pour adopter ces mécanismes de paiement et d’échanges qui ne sont pas contrôlables. Et donc les autorités craignent que ces moyens soient utilisés pour des fins illicites. Ils ont une mauvaise perception de cette cryptomonnaie et donc le moyen le plus facile pour eux, est de l’interdire ».

Plus de gains que de risques

Pour Badr Bellaj, le Maroc pourrait bien gagner plus qu’il ne peut risquer en légalisant les cryptomonnaies. Comment ? «Au niveau mondial, on assiste à la naissance d’une industrie de monétique cryptographique. Le Maroc pourra se positionner sur ce créneau et devenir même un hub régional pour attirer les investissements dans ce domaine », estime Bellaj. Il ajoute par ailleurs que le fait de légaliser le concept via des textes de lois et donner des licences à des plateformes spécialisées en vente de cryptomonnaie permettra d’avoir une visibilité sur la clientèle et contrôler donc le robinet. Autres avantages évoqués : «la possibilité de taxer cette industrie et tirer profit de l’usage au lieu d’encourager l’informel et rendre cette activité plutôt un moteur de l’emploi pour les jeunes »