3e anniversaire du Hirak. L’Algérie sous haute tension  
Déploiement de dispositifs policiers surréalistes en Algérie

Il y a trois ans, jour pour jour, les Algériens ont entamé leur «révolte du sourire». Après avoir évincé Bouteflika, ils ne cessent de réclamer un «Etat civil et non militaire». Pour les faire taire, la répression s’est intensifiée, sans jamais parvenir à éteindre les flammes de la colère populaire.



Tebboune et ses donneurs d’ordre tremblent. Si ce n’était le dispositif policier surréaliste qu’ils ont déployé, un nouveau séisme populaire aurait fait trembler les murs du palais d’El Mouradia ce 22 février, date anniversaire du Hirak algérien. Après avoir évincé Bouteflika du pouvoir en avril 1999, ce Mouvement s’est poursuivi pour chasser son remplaçant, Abdelmajid Tebboun et faire revenir aux casernes les militaires qui l’ont "présidentialisé".

Aujourd’hui encore, des vidéos montrent des Algériens, jeunes et moins jeunes, manifestant leur colère face à des policiers qui les brutalisent. Même cette vieille dame n’a pas été épargnée par cette répression.


«Dès les premières heures de la matinée de ce mardi 22 février, de nombreuses unités de la Police algérienne ont été déployées à Alger-centre et au niveau de plusieurs entrées de la capitale sur les routes qui la relient à Boumerdès, Tipaza ou Blida», constate Algérie Part Plus. Ce média révèle que le même dispositif a été déployé un peu partout dans le pays. C’est ce qui a engendre des «embouteillages monstrueux» qui «se sont produits aux portes d’Alger provoquant ainsi le malheur de plusieurs milliers d’automobilistes», souligne le site électronique en rappelant que l’objectif de ces dispositifs policiers est clairement affiché : «surveiller et empêcher tout potentiel mouvement de foules à l’occasion de la célébration du 3e anniversaire du Hirak».
Surveiller et empêcher la volonté de tout un peuple ? Jusqu’à quand ?

« Terreur d’État »

La vague répressive du régime algérien ne fait pas taire les voix des protestataires. C’est ce que confirme l’appel lancé, ce 22 février, par les forces du Pacte de l’Alternative Démocratique (PAD). Ce collectif réunissant plusieurs partis politiques, personnalités et représentants de la société civile en Algérie, a sommé les autorités algériennes de cesser leur répression et d’annuler toutes les décisions et les lois liberticides.

«Loin de tout apaisement, le pouvoir de fait intensifie la répression à la veille du 3ème anniversaire du mouvement populaire révolutionnaire du Hirak de février 2019», lit-on dans un communiqué du PAD. Les partis crient d’une même voix, qu'entre temps, les pressions policières et judiciaires s’accentuent sur l’opposition démocratique. Le collectif estime que dans ce «contexte de terreur d’Etat», le pouvoir de fait annonce la suspension de quelques taxes qu’il venait de décider dans la loi de finances 2022 et la mise en place d’une allocation chômage. Il explique qu'au-delà de l’effet d’annonce, ces mesures sont loin de répondre aux exigences économiques et sociales de l’Algérie et sont particulièrement insuffisantes face à une dégradation historique du pouvoir d’achat et des conditions de vie des Algériens.

«Aussi, elles sont contradictoires avec le maintien de la suppression des transferts sociaux et des subventions des produits de base dans la même loi de finances», fait observer le PAD.

Dans ce communiqué, les forces du PAD considèrent que la politique du «bâton et la carotte» est dépassée par l’Histoire et par les revendications politiques et sociales légitimes du peuple algérien qui s’est exprimé par millions durant les deux années du Hirak.

«Il n’est plus possible de se maintenir au pouvoir par la répression, les passages en force et l’autoritarisme. Il n’est plus possible de se maintenir au pouvoir contre la volonté de tout le peuple qui a rappelé clairement son rejet du régime par sa désaffection massive lors des différents simulacres électoraux», insistent-elles.

Elles ajoutent qu'il ne sera plus possible de se maintenir au pouvoir en infligeant au peuple algérien une crise politique qui n’a que trop duré avec un bilan économique et social désastreux.

La persistance de cette impasse politique, économique et sociale du régime mènerait l'Algérie vers une situation d’instabilité dangereuse qui pourrait menacer la cohésion sociale et l’unité nationale, mettent-elle en garde.

Le PAD rappelle à cette occasion les exigences légitimes du peuple algérien proclamées pendant le Hirak, pour un "changement radical du régime", considérant que la seule issue à cette impasse est l’alternative démocratique et sociale qui permettrait au peuple algérien de se doter enfin d’un Etat de droit et de recouvrer la plénitude de sa souveraineté.
Elles réitèrent leur appel pour une transition démocratique indépendante dans le cadre d’un processus constituant permettant au peuple algérien de décider librement de sa Constitution, de ses institutions, de ces choix économiques et sociaux et de tout le projet de société qu’il souhaite bâtir démocratiquement dans la fraternité et l’égalité entre toutes ses composantes.

Selon les forces du PAD, la voie d’une solution à la crise politique du pays passe par la soumission du pouvoir de fait actuel à la volonté du peuple algérien et à ses exigences démocratiques et sociales et ce, par la promulgation, dès maintenant, de mesures politiques qui pourraient constituer un prélude à l’ouverture d’un débat national démocratique et sans exclusif permettant la participation de tous les courants politiques et l’expression de toutes les opinions citoyennes du peuple algérien.

Dans ce sens, elles appellent à la cessation de la répression et l’annulation de toutes les décisions et les lois liberticides, la libération de tous les détenus politiques et d’opinion et leurs réhabilitation, le respect et la consécration des libertés démocratiques et syndicales, notamment les libertés d’expression, de manifestation, d’organisation, de réunion et le droit de grève, ainsi que l’ouverture des médias aux citoyens et à tous les courants politiques sans exclusif.

Les forces du PAD réitèrent, par ailleurs, leur appel pour la convergence de toutes les forces et les énergies dans un large front contre la répression, dont la proclamation est très proche, pour la libération de toutes et tous les détenus politiques et d’opinion et pour le respect de l’exercice effectif des libertés démocratiques.

Des ONG algériennes et internationales montent au créneau

Une vingtaine d’organisations algériennes et internationales ont appelé, ce mardi, au respect des droits humains et à la fin de l'«escalade répressive» en Algérie.

Dans un appel commun, ces organisations ont exprimé leur «vive inquiétude face à l’intensification dangereuse des manœuvres répressives pour museler le mouvement citoyen pacifique et étouffer les voix de la société civile en Algérie».


Les arrestations des défenseurs des droits humains Zaki Hannache et Faleh Hammoudi respectivement les 18 et 19 février – ce dernier ayant été condamné le 20 février à trois ans d’emprisonnement en première instance – sont les derniers exemples de ces manœuvres répressives, ont-elles noté.

Dans ce sens, les signataires de ce document ont appelé le gouvernement algérien à "mettre fin de toute urgence à la criminalisation systématique de l’activisme pacifique, du journalisme indépendant, du syndicalisme autonome et de la dissidence et à la libération immédiate de tous les individus emprisonnés arbitrairement".

«Alors que le nombre de prisonniers (ères) d’opinion a atteint un nouveau record (340 au 9 février 2022, dont sept femmes), la multiplication de lourdes poursuites arbitraires pour terrorisme et les actions en justice sans précédent contre des organisations civiles et politiques sont particulièrement préoccupantes», ont-elles dénoncé. Dans ce qui semble être une action de représailles, cinq d’entre eux ont été agressés physiquement tandis qu’au moins 23 ont été transférés arbitrairement dans d’autres prisons, ont regretté ces organisations.

Elles expliquent que les autorités algériennes tentent d’étouffer ce qu’il reste encore d’espace civique, menaçant le multipartisme et la survie même de la société civile dans toutes ses composantes.

En réponse à cette nouvelle vague répressive, douze organisations algériennes, européennes et internationales ont renouvelé leur volonté de mobilisation collective pour la défense des droits humains en Algérie à travers la création d’un groupe de travail dédié le 11 février 2022, ont rappelé ces Organisations non gouvernementales.

«Alors que la possibilité de poursuites judiciaires en Suisse contre l’ancien ministre algérien de la Défense le général Khaled Nezzar pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité semble se concrétiser, nos organisations soulignent l’urgence de lutter contre le manque d’indépendance de la justice algérienne», lit-on dans le même document.