Pénurie d'eau. Chaque goutte compte
Le Maroc connait une sécheresse structurelle sans précédent, accentuée par les effets extrêmes du dérèglement climatique.

Le Maroc vient de passer officiellement de la situation de stress hydrique à la pénurie d’eau. L'Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT-Maroc) tire la sonnette d’alarme et organise une semaine mobilisation autour de cette ressource. 

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La semaine eau 2022 est prévue entre le 19 et le 26 mars prochain. Au menu, un programme riche en activités de mobilisation, de débats et d’actions au niveau de plus de 40 villes. L'association des enseignants des sciences de la vie et de la terre (AESVT-Maroc) vise à travers cet événement d’augmenter le niveau de conscience, le pouvoir d’agir des citoyens et le dialogue entre les parties prenantes. L’objectif aussi est de mobiliser les parties prenantes pour soutenir d’avantage les projets de développement et de préservation des ressources hydriques dans les zones vulnérables.

Selon l’AESVT, le Maroc connait une sécheresse structurelle sans précédent, accentuée par les effets extrêmes du dérèglement climatique. Pour faire face à cette crise majeure et ses implications sociales, macroéconomiques et financières, l’association estime qu’il est urgent d’impliquer tous les citoyens, acteurs institutionnels et privés (producteurs, distributeurs et consommateurs) et décideurs politiques nationaux et des collectivités territoriales, de manière continue dans le temps, et d’agir sur tous les leviers : techniques, tarifaires, institutionnels, législatifs, réglementaires, culturels et écologiques.

Agir en urgence

Pour l’AESVT, il est temps d’agir. Elle propose ainsi de mettre en place tous les moyens disponibles pour diversifier l’offre de l’eau via des projets de petite et grande taille, et la réduction de la consommation et de la pollution, en généralisant en aval, les nouvelles technologies d’économie de l’eau, et les procédés de dépollution et réutilisation des eaux usées épurées, car chaque goutte compte. Les professionnels pensent également qu’il est indispensable d’ériger l’efficacité hydrique en priorité nationale, de maitriser la demande et préserver la qualité de l’eau par la mise en place du nouveau business model basé sur l’économie circulaire de l’eau. «L’économie circulaire nous permettra de sortir du modèle linéaire actuel, non soutenable, qui consiste à produire/extraire de l’eau, l’utiliser, la gaspiller (en grande partie), et/ou la contaminer, la polluer et la jeter, entraînant ainsi la pollution d’autres sources d’eau », souligne les experts ajoutant qu’en plus d’une stratégie de conduite de changement, formation, accompagnement sensibilisation, des études financières des coûts supportés par la collectivité et les contribuables pour assainir les eaux polluées, par rapport aux gains réalisés par l’industriel sur ses services et produits, aideront à mieux faire aboutir les efforts de convaincre et/ ou de contraindre.

Autre recommandation phare : l’instauration d’une bonne gouvernance pour que les déchets ne deviennent pas des ordures nuisibles, mais plutôt des ressources réutilisables dans une autre chaîne de valorisation qui permettra à l’ensemble des pays de poursuivre de manière commune l’objectif « Zéro déchet ». Il faudra en parallèle, de l’avis des experts, appliquer le principe pollueur-payeur. «Ce nouveau paradigme apparaît actuellement comme le plus adéquat pour agir sur les flux d’eau entrants et sortants et sur les pratiques des grands consommateurs et usagers (agriculteurs, industriels, unités touristiques, citoyens) », explique le collectif des professionnels qui insiste sur l’importance de responsabiliser et d’impliquer l’ensemble des acteurs dans les initiatives visant à réduire le gaspillage et la pollution de l’eau par des interventions légales et techniques.

Agir en amont et en aval

D’après l’AESVT, il faudrait agir aussi bien en amont qu’en aval. Comment ? «Par le traitement, l’épuration et le recyclage des eaux usées en aval. Et en amont, en agissant sur les causes, à la racine, en appliquant les principes de pollueur-payeur, responsabilité élargie des producteurs, inscrits dans les lois 10.95 puis 36.15 et 99.12, tout en accompagnant les industriels pour appliquer les 7 piliers de l’économies circulaire (avec à leur tête l’éco-conception), et aussi par l’interdiction de toute production, importation et rejet de substances chimiques, qui bloquent ou impactent négativement le fonctionnement des stations d’épuration ou rendent le coût de leurs traitement très élevés », détaillent les experts.

Sur le volet offre, les professionnels préconisent de mettre en place en complément des grands projets de production et de stockage tels que les barrages ou encore le dessalement de l’eau de mer, d’investir fortement pour développer d’une part, les zones humides naturelles et artificielles, les réserves d’eau stratégiques que représentent les eaux souterraines, et d’autre part, les systèmes de captages et de stockages traditionnels et modernes, de chaque goutte de pluie qui tombe, avec différents collecteurs (bassins de collecte, puits, khettarate,..). Et ce, au niveau des maisons, des villages, les établissements scolaires, universitaires, des oasis et des villes ... « Le bilan de ces systèmes de collecte permet d’assurer une épargne importante en eau pour les saisons de crise et pour les générations futures », précisent l’AESVT.

Une gouvernance participative

« La conception et la mise en œuvre des politiques, stratégies, programmes, règles, encadrant la mobilisation et la gestion de l’eau, ne doivent plus être portés uniquement par les organes de l’État, les acteurs privés, les grands consommateurs (agriculteurs, industriels..) et élus territoriaux, mais doivent également impliquer en force et systématiquement les acteurs de la société civile (non bénéficiaires), universitaires, médiatiques, et principalement les citoyens, en tant que premiers affectés par la dégradation et la rareté de l’eau », recommande l’AESVT qui ajoutent que ces mécanismes de gouvernance participative de l’eau, appelés « Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE) », représentent des pratiques ancestrales qui ont fait leurs preuves durant des millénaires par une gestion soutenable de la rareté en milieu oasien.

« Introduite dans la loi 10.95 avec une approche de bassin plus large, l’approche GIRE locale a permis de créer des boucles locales de l’eau, bien traitée et préservée, générant de la valeur territoriale, mais elle n’a pas pu atteindre une partie importante des objectifs, en lien avec la durabilité et l’inclusion sociale, qu’elle s’est fixée », déplore l’AESVT qui mène actuellement un projet ProGIRE au niveau de deux Oasis au sud de Tata (Aguinane) et d’Errachidia (Ferkla), en collaboration avec des acteurs territoriaux, des experts nationaux et avec le soutien de l’Union Européenne, afin de contribuer aux efforts de doter le Maroc d’une approche ascendante allant du niveau local au niveau national.