Al Akhawayn University. Faut-il congédier le président? 
Al Akhawayn University. L'esprit des fondateurs

Al Akhawayn était créée pour être un centre d’excellence scientifique. Elle y est parvenue grâce au travail de son top management. Aussi, il ne devrait pas être permis à son management d’entacher sa réputation. Or c'est justement ce qu'a fait son président en ouvrant la porte à un prêcheur salafiste vivement critiqué pour ses positions réactionnaires.

Le salafiste qui a si violemment insulté récemment les femmes artistes qu’on appelle chikhates en les qualifiant de prostituées, a eu hier, 24 avril, du soutien de la part d’un groupe d’étudiants d’Al Akhawayn, membres du club de la culture islamique.

Les membres de ce club se disent fiers d’avoir déjà invité celui qu’ils ont qualifié de «cheikh » au sein d’Al Akhawayn où il avait donné, le 9 décembre 2021, une «conférence» sur «l’identité religieuse dans un monde globalisé».

Solidarité donc, d'autant plus voyante que le président Amine Bensaïd a assisté à la conférence.

Jusque là, on peut dire que les étudiants ont le droit d’inviter qui ils veulent pour leurs conférences, c’est normal. Mais alors, on peut se poser quelques questions légitimes. D’abord, quel est le rôle de cette université? Former les hautes compétences du Maroc ou prêcher? Ce qui n’est absolument pas son rôle, il y a la mosquée pour cela. A moins que les idées prêchées soient en contradiction avec l’islam officiel du pays.

Ensuite, le fait que le président de l’université et ses hauts collaborateurs aient assisté à la conférence est pour le moins consternant. En agissant de la sorte, le président reconnaît une valeur scientifique au conférencier dont le savoir est très limité aussi bien en science qu’en religion.

Les réseaux sociaux sont pleins de ses interventions où il apparaît très clairement qu’il ne connaît pas les hommes de science dont il parle pour les critiquer ou pour puiser dans leur savoir les éléments qui vont renforcer ses «démonstrations».

Son CV? Aussi court que bizarre, une licence en littérature française, rien de plus. Mais ce qui est intéressant c’est qu’il dit être enseignant à la faculté des sciences juridiques économiques et sociales de l’université Hassan II. Renseignement pris, il n’y est que vacataire. Mais avec une simple licence? Comment est-ce possible? Il n’a donc pas étudié la religion? Un self made imam?

Si on suit sa conférence, on s’aperçoit qu’il s’agit plus d'une prestation de coach. Mais un coach porteur d’idées salafistes, qui a du bagout, fait rire le public par des sorties drôles. La seule référence « scientifique » dans toute sa conférence était le film «The Last Samouraï ». Et dire que dans le public il y a de grands universitaires.

En assistant à la conférence, le président d’Al Akhawayn cautionne les idées du salafiste qui s’est dévoilé par sa récente sortie contre la série télé Al Maktoub qui est très bien suivie par les téléspectateurs marocains. Il s’en est suivi une réaction ferme des Marocaines et des Marocains qui ont condamné cette stigmatisation non seulement du métier de Chikha mais de la femme en tant que telle.

Parce que si on suit bien le cheikh, un homme peut chanter, une femme non. Une conception «daeshienne» de la femme, au sein d’une des universités les plus modernes et les mieux dotées du pays.

Al Akhawayn est-elle envahie par l’esprit salafiste? On peut le craindre en effet, à cause de l’attitude du président Amine Bensaid.

La gestion de l’Université est-elle en conformité avec les principes de ses fondateurs qui voulaient en faire un tremplin vers la modernité et l’universalité?

Au-delà de ces considérations, l’université Al Aklhawayn a, au passage, rendu un fier service au «chaikh» qui a ouvert sa vidéo YouTube de la conférence à la publicité, ce qui lui rapporte un joli pécule. C’était donc du business!

Mais un business dangereux. Le salafisme qui veut investir l’élite marocaine, après avoir conquis les classes populaires, ne trouve aucune difficulté à cause ou grâce à des dirigeants qui n’ont aucun sens des enjeux.