Pourquoi les Marocains mangent-ils peu de poissons ?
90% de la production marocaine de sardines est exportée.

La sardine est l’espèce la plus pêchée au Maroc et la plus exportée aussi. Mais la consommation locale reste en deça du potentiel du marché.



Les chiffres sont éloquents. Le Maroc pêche 1,4 millions de tonnes de produits de la mer dont 850 mille tonnes de sardines. Mieux encore, l’année dernière les exportations marocaines de produits maritimes ont atteint 778 mille tonnes évaluées à 24,2 MM Dhs. Un record, avec une augmentation de la valeur estimée à 15%. Selon le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche Maritime, du Développement Rural et des Eaux et Forêts, la principale exportation de poissons du Maroc reste la sardine en conserve. Celle-ci représentait 53% des exportations totales de produits de la mer en 2021.

Selon, Mehdi Dhaloomal, Directeur Général de la conserverie Midav, l’industrie de la conserve de poissons compte près d’une cinquantaine d’opérateurs et exporte vers plus de 100 pays. «Une boite de conserves de poissons sur deux dans le monde est fabriquée au Maroc » révèle-t-il avant d’ajouter que 90% de la production marocaine de sardines est exportée. En gros, «c’est une production exclusivement tournée vers l’export » résume-t-il.

Si les opérateurs optent pour le marché international afin d'écouler leur production, « c’est parce que les ventes sur le marché local demeurent en deçà des ambitions et que la consommation de poissons par les Marocains reste limitée à des niveaux inférieurs à la moyenne mondiale » explique le Président de la Fédération Nationale des Industries de Valorisation des Produits de la Pêche, Hassan Sentissi. Pour ce dernier, les Marocains ont toujours tourné le dos à la mer. Au Maroc, pays qui se place dans le top 25 de la production halieutique (1er pays africain), la consommation annuelle de poisson est limitée à près de 13Kg/hab/an contre une consommation mondiale estimée à 20,5Kg/personne. «Ce manque d’engouement s’expliquerait par les habitudes alimentaires du Marocain qui préfère les viandes rouges et blanches au poisson » regrette Sentissi. Pour changer la donne, l’expert ajoute qu’une large campagne de communication, dont l’objectif est d’encourager les marocains à manger du poisson, est prévue dans les jours qui viennent.

Le Président de la FENIP évoque aussi le problème de l’intermédiation qui impacte largement les prix de vente sur le marché. «En tant qu’usinier, j’achète la sardine à 3 ou 4 Dhs maximum le kilo. Au moment où le prix au détail, peut dépasser 25 Dhs voire même 30 Dhs le kilo sur certaines villes. C’est anormal dans un pays producteur de poissons comme le Maroc» juge-t-il, notant que cela constitue aussi un handicap majeur face à la croissance de la consommation locale de poisson.

Sentissi remarque par ailleurs que les habitudes de consommation s’orientent de plus en plus vers les produits transformés. Les données d'Euromonitor de l’année 2020 le prouvent. La société internationale d’études de marché souligne que la consommation des produits de la mer transformés a connu une augmentation soutenue durant les dernières années et présente un potentiel de croissance intéressant pour les années à venir. Ainsi, les opérateurs misent sur l’innovation afin d’élargir la gamme de produits disponibles et de mieux répondre aux attentes des consommateurs locaux. Pour atteindre cet objectif, Sentissi, appelle le Ministère de tutelle à doter le secteur de son contrat programme et à faire profiter les industriels d’incitations et d’appuis au même titre que le secteur agricole. «Cela fait 14 ans que nous militons pour ce contrat programme. Aujourd’hui, nous sommes convaincus qu’il ne faut plus perdre de temps. Les pourparlers sont en cours pour réaliser ce projet » confie Sentissi.