Iran. Fin de régime en perspective

Mike Pence, vice-président américain, se préparerait à l’élection présidentielle de 2024. De fait, sa rencontre officielle avec la dirigeante de l’opposition iranienne Maryam Radjavi au quartier général des Moudjahidines en Albanie et son soutien ferme à l’Alternative démocratique (Conseil National de la Résistance Iranienne) laissent entrevoir la perspective de la fin du régime politique en Iran.

Les leçons de l’histoire

D’autant plus quand le vice-président de la première puissance mondiale déclare que « La plus grande preuve de la faiblesse croissante du régime iranien est la récente sélection d’Ebrahim Raïssi en tant que président iranien. Comme vous le savez tous et comme l’histoire l’a retenu, il y a 30 ans, Raïssi était à la tête des escadrons de la mort de l’Ayatollah ».

Le mardi 21 juin, le site Internet du Guide suprême Ali Khamenei a publié le texte des remarques de Khamenei adressées à un certain nombre de nomades soutenant le régime sous le titre : « Congrès des nomades ». Lors de cette réunion, Ali Khamenei a déclaré : « Aujourd’hui, l’ennemi essaie de faire croire aux gens qu’ils n’ont pas d’avenir, que l’avenir est une impasse. Les gens devraient arriver à la conclusion que les responsables du pays ne savent pas comment gérer le pays. »

Si ces propos visent à défendre le positionnement de la république islamique, ils montrent aussi clairement que ce ressenti est partagé par une grande partie du peuple iranien. Et s’il ne fallait qu’une preuve, la fuite des cerveaux d’Iran en est une, conséquente.

La fuite des cerveaux, un mauvais signe persistant

Selon le Fonds monétaire international, en 2009, sous le règne des mollahs, l’Iran se classait au premier rang des 91 pays en développement ou sous-développés du monde. Au cours des trois dernières années seulement, environ 4 000 médecins et 300 000 spécialistes titulaires d’un master ou d’un doctorat, dont 900 professeurs d’université, ont quitté l’Iran. Par ailleurs, 90 des 125 étudiants iraniens qui ont remporté les Olympiades mondiales dans les trios dernières années étudient dans des universités américaines. Enfin, 63 % des étudiants iraniens médaillés aux Olympiades ont émigré d’Iran en 14 ans.

Selon le rapport Shahrvand Online daté du 24 décembre 2021, un quart des médecins iraniens qui ont émigré en Europe et aux États-Unis l’ont fait pour trois raisons ; des revenus insuffisants compte inflation élevée et incontrôlée ; l’insuffisance critique des installations et des équipements médicaux ; l’instabilité politique et sociale au pays.

L’énorme fuite de capitaux d’Iran est une des raisons de l’instabilité économique du pays et de la futilité du gouvernement iranien. Selon les statistiques officielles, 160 milliards de dollars ont quitté le pays au cours des dix dernières années. Le chef de la Chambre de commerce de Téhéran lui-même a fait le constat accablant d’une fuite de 100 milliards de dollars entre 2020 et 2021.

La colère et l’inflation, deux maux irréconciliables

Ces derniers mois et ces dernières semaines, des slogans tels que « Mort à Raïssi » ou « Mort à ce gouvernement de démagogue » ont résonné dans les rues des villes du pays. Les, les retraités, les travailleurs, les étudiants et presque toutes les corporations protestent continuellement contre la cherté de la vie et l’inflation galopante à travers tout le pays.

« Le prix des marchandises sur le marché augmente d’heure en heure », reconnaît Sadif Badri, membre du parlement, le 20 juin. « Les gens sont écrasés par la pression économique due à la mauvaise gestion ».

Depuis l’élection d’Ebrahim Raïssi, Ali Khameneï n’a cessé de le soutenir pleinement, lui et son gouvernement. Car toute attaque contre Ebrahim Raïssi vise en fait le guide suprême. Et d’autant plus que ce dernier a fait le ménage parmi les officiels du régime pour laisser toute la place à son favori. Des officiels comme Ali Larijani, l’ancien président du parlement, en ont fait les frais.

Le choix douteux d’Ebrahim Raïssi



Dans les discours qui ont précédé la dernière campagne présidentielle, le guide suprême ne cachait pas sa préférence pour l’ancien bourreau des moudjahidines. Lors d’une réunion virtuelle avec les représentants de certaines organisations d’étudiants, le dimanche 10 mai 2020, il déclarait : « Il faut faire un choix bon et souhaitable pour quelqu’un qui est croyant, révolutionnaire, compétent, populaire, plein d’espoir, qui croit en la jeunesse et aux capacités internes. » Si le leader de la République islamique n’a pas nommé de candidat spécifique ce jour là, les traits qu’il a énumérés sont ceux utilisés par les groupes fondamentalistes ces dernières années pour faire référence à Ibrahim Raïssi et à ses performances dans le système judiciaire, qu’ils considèrent comme « positives ».

Il a donc tenté d’évincer tous les candidats du gouvernement en faveur d’Ebrahim Raïssi, qui lui est le plus obéissant et le plus fidèle. Ebrahim Raïssi est la dernière option de Khamenei. Pas l’une des options disponibles. Non. La dernière ! Pour tenter d’éviter de nouveaux soulèvements ou de nouvelles émeutes ou les réprimer dans le sang, pour conserver les mains libres dans le programme atomique ou encore pour essayer d’accroître l’influence régionale de la république islamique, Raïssi est le dernier coup joué par Khameneï.

Donner les clés du gouvernement, en ayant nettoyé les résistances internes, à un homme qui, selon les Nations unies et Amnesty International, a été impliqué directement dans le massacre de 30 000 prisonniers politiques lors de l’été 1988, ne signifie finalement rien de plus que l’impasse dans laquelle se trouve Ali Khamenei. Et c’est sans doute pour cette raison qu’Ali Khamenei nie avec une telle intensité l’évidence.



Lors du Nouvel An iranien, le 21 mars 2022, Khamenei avait déclaré que l’arrivée d’Ebrahim Raïssi était « la douceur du Nouvel An iranien ». Apparemment, le sucre d’orge était empoisonné...