Prix de l'essence et du gasoil. Le "verdict" du Conseil de la concurrence

La hausse des prix de vente des carburants enregistrées au Maroc serait-elle liée à des facteurs exogènes ou résulterait-elle plutôt de pratiques interdites par la loi ? C’est de cette grande question que s’était saisie le Conseil de la concurrence dans le cadre de ses compétences consultatives et non contentieuses. Voici ses conclusions.

Très attendu, l’avis du Conseil de la concurrence rendu lundi 26 septembre est un document de référence qui montre un flagrant écart entre les problématiques réelles du marché de l’essence et du gasoil et celles virtuelles parce que relevant juste d’une mauvaise perception .

Avec la méthode didactique qui est la marque de fabrique du Conseil de la concurrence de l’ère Rahhou, l’avis A/3/22 foisonne de données puisées à la source permettant de lever certaines équivoques dont la plupart sont sciemment entretenues par certaines voix intéressées.

La première est celle relative à une supposée entente sur les prix. Le rapport du Conseil de la Concurrence casse ce préjugé en montrant, chiffres à l’appui, que les prix diffèrent d’une enseigne à l’autre.

Le rapprochement entre les tarifs affichés s’explique, selon le Conseil, par le fait que «la structure et le fonctionnement concurrentiel des marchés de l’essence et du gasoil sont restés pratiquement identiques à ceux hérités de l’époque où les prix étaient fixés par les pouvoirs publics».

Et le gendarme de la «concurrence» d’ajouter : «l’analyse menée dans le cadre du présent avis a permis de constater qu’à l’exception de la libéralisation des prix de vente, ces marchés continuent de fonctionner selon le même schéma administratif de régulation, avec le même cadre légal et réglementaire, les mêmes intervenants et presque, le même mode de détermination des prix de vente et les mêmes procédures». L’autre raison expliquant le statu quo constaté pourrait est «le niveau de rentabilité financière très élevé que cette activité permet de générer et qui n’incite pas les opérateurs à une rivalité concurrentielle par les prix sur ces marchés, du moment qu’ils sont assurés, ou presque, de la réalisation de résultats positifs quelle que soit la conjoncture ou le nombre d’opérateurs».

A qui profite le statu quo ?

Winxo se distingue par le taux de rentabilité financière le plus élevé, soit 60% entre 2018 et 2021, suivie de Vivo Energy Maroc avec un taux élevé se situant entre 44 et 52% pour la période 2018-2021, constate le Conseil de la Concurence.

Sur la période 2018-2021, les sociétés Vivo Energy Maroc et Winxo dégagent les marges les plus élevées (segment du gasoil), soit respectivement 1,16 DH/l et 0,95 DH/l contre seulement 0,79 DH/l de marge pour Afriquia SMDC. La somme de ses résultats nets pour 2018-2021 de cette société sur le segment du carburant (gasoil et essence) aboutit à un total de 966 MDH, ce qui représente près de la moitié seulement du résultat enregistré par TotalEnergies Marketing Maroc et se positionne ainsi, en quatrième place sur ce registre.



De son côté, Petrom a affiché un résultat net total sur cette période de 696 MDH et cède sa place de 4e opérateur du marché en termes de parts de marché à Winxo (1,095 MMDH) qui fait mieux même par rapport à Afriquia SMDC.

L’analyse par opérateur a conduit à constater l’existence d’écarts significatifs entre leurs marges nettes. En effet, Winxo est la société la plus rentable enregistrant les meilleures marges nettes, soient 0,37 DH/l et 0,68 DH/l, talonné par TotalEnergies Marketing Maroc avec une marge nette entre 0,2 DH/l à 0,45 DH/l. A l’inverse, Afriquia SMDC est la société dégageant les marges nettes les plus faibles des sept opérateurs, fluctuant entre un minimum de 0,07 DH/l en 2021 et un maximum de 0,16 DH/l en 2019.



Inversement aux fortes marges brutes enregistrées en 2020, et à l’exception des sociétés Vivo Energy Maroc et Winxo, les marges nettes de l’ensemble des autres opérateurs en 2020 étaient inférieures à celles dégagées durant les trois autres années, à savoir 2018, 2019 et 2021. Cette conclusion montre d’une part que ces sociétés ne profitent pas de la flambée des prix à l’international, comme on a tendance à le faire croire. L’institution souligne, à titre indicatif, que le leader en termes de parts de marché (Afriquia SMDC) a réalisé en 2020 un montant d’investissement de l’ordre de 266 MDH dont 151 MDH dans le développement des infrastructures de stockage et 115 MDH dans le réseau de stations- service, alors que Winxo n’a mobilisé que près de 134 MDH (69 MDH dans le stockage et 65 MDH dans la distribution), soit presque la moitié du montant d’Afriquia SMDC.

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Sur toute la période 2018-2021, Afriquia SMDC a investi 319 MDH tandis que Winxo n’a mobilisé que près de 185 MDH. Là encore c’est presque la moitié du montant d’Afriquia SMDC. Pour sa part, Vivo Energy Maroc a investi 285 MDH.

L'autre grand gagnant : L'Etat

L’État est le premier gagnant des marchés de l’essence et du gasoil. Il faut décortiquer la structure du prix de ces matières pour se rendre à cette évidence. Le Conseil de la concurrence relève qu’entre 2018 et 2021, le prix de vente est composé dans le cas du gasoil à hauteur de 51% en moyenne des coûts d’achat des produits raffinés importés et de 43% en moyenne pour l’essence. Les taxes (TVA et TIC) sont de l’ordre de 35 % en moyenne du prix de vente d’un litre de gasoil et de 45 % pour l’essence.

Pour ce qui est du coût d’achat du gasoil et de l’essence, celui-ci est réparti entre le prix d’achat calculé d’après les prix de référence, qui représentent plus de 95% de sa composition, les 5% restants se partagent entre les frais d’approche (2,3%), les frais du fret (2 %) et les droits et taxes portuaires (0,7%).

Quant aux marges des sociétés de distribution (gros), celles-ci représentent 9 à 10% du prix de vente à la pompe par litre, détaille le Conseil, ajoutant que la marge des stations-service représente, quant à elle, 4 à 5% du prix de vente au consommateur final par litre.

Il ressort aussi de l’avis du Conseil que les marges des stations-service sont presque invariables sur la période observée et fluctuent entre 0,35 et 0,5 DH/l et ce, quel que soit l’évolution des cotations à l’international et les prix de vente sur le marché national.

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