Inflation. Recettes pour amortir le choc
Ahmed Reda Chami, président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE).

Le Maroc subit depuis 2021 les répercussions d’une montée inflationniste incessante qui a provoqué des pertes significatives en termes de pouvoir d’achat. Ce que recommande le CESE pour atténuer les effets.



« La part des personnes qui estiment que le coût de la vie a connu une forte augmentation est passée de 55% en 2021 à 97% pendant les premiers mois de 2022 », révèle le CESE sur la base d’une enquête de terrain qu’il a réalisé auprès de 1007 personnes. en effet, l’inflation moyenne durant le dernier trimestre 2021 s'est établie à 2,5%, avant d’atteindre 3,1%, 3,6% et 5,3% respectivement en janvier, février et mars 2022. Les perspectives de l’inflation pour 2022 laissent entrevoir une hausse plus accentuée, soit 4,7% en moyenne selon BAM, avant de revenir à 1,9% en 2023.

Le CESE explique qu’il s’agit d’une inflation essentiellement importée. N’empêche qu’il y a des effets amplificateurs au niveau interne d’autant plus que lors des trois derniers mois de 2022, les augmentations des prix ont été diffusées vers des produits non-échangeables. Parmi les facteurs internes, le CESE met l’accent sur la problématique du manque d’organisation des marchés des produits agricoles et la multiplicité des intermédiaires. Concernant le marché domestique des hydrocarbures, le conseil pense que l’accélération des travaux d’investigation au niveau du secteur est de mise, afin de statuer explicitement sur l’existence ou non de pratiques anticoncurrentielles de la part des opérateurs.

Le CESE reconnaît que les pouvoirs publics ont pris des mesures spécifiques de court terme, afin d’atténuer les effets des pressions inflationnistes. « Toutefois, et eu égard à la poursuite de la hausse des prix, la situation actuelle requiert d’engager des mesures directes à plus fort impact », ajoute le conseil qui propose une série de recommandations dans ce sens.

La recette du CESE

S’agissant des actions à caractère immédiat, le CESE préconise d’envisager la distribution d’aides ciblées aux catégories les plus vulnérables, le maintien des droits de douane sur certains produits de base importés à des niveaux bas, ainsi que le renforcement du contrôle du respect de la concurrence dans les différents secteurs, en particulier ceux relatifs aux biens de première nécessité et produits de base, avec des sanctions suffisamment dissuasives en cas d’infractions.

A moyen terme, et dans l’objectif de contenir les futures phases de flambée des prix, le CESE propose d’accélérer la mise en place du registre social unifié (RSU) pour un ciblage optimal des aides aux plus défavorisés. «La mise en place de cet outil questionne la pertinence des critères de ciblage retenus et surtout le sort de la classe moyenne au cas où celle-ci serait exclue du ciblage, alors qu’elle subit de plein fouet le renchérissement des produits énergétiques et de base », insiste le CESE qui appelle par la même occasion à étudier la possibilité de création d’un fonds permanent de stabilisation face aux chocs majeurs qui servira, entre autres, à garantir le pouvoir d’achat des catégories vulnérables lors des périodes de renchérissement excessif des produits de première nécessité.

Autres recommandations phares : créer une instance de régulation du secteur des hydrocarbures afin de contrôler les comportements de marges excessifs nuisibles au pouvoir d’achat, investir davantage dans les capacités de stockage internes des produits énergétiques et envisager les modalités possibles d’une mobilisation des capacités de stockage de la SAMIR. Le CESE propose également de procéder à la réforme et à l’organisation des espaces de commercialisation des produits agricoles et d’étudier la faisabilité de création d’une compagnie nationale de transport maritime de marchandises avec la mise en place d’un observatoire des prix et des marges des produits de base et de première nécessité.