D. Melyani : «Nous voulons ériger le Maroc en tant que hub digital et technologique de référence au niveau africain »
Mohammed Drissi Melyani. Directeur Général de l’Agence de Développement du Digital (ADD) 

Rencontré en marge de la conférence internationale sur la transformation digitale, le directeur général de l’agence de développement du digital (ADD) a expliqué comment l’agence qu’il pilote œuvre pour faire face aux nouveaux enjeux de la transformation digitale.

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : Les économies mondiales s’efforcent à surmonter les défis posés par les caractéristiques économiques et technologiques des marchés numériques. Chaque pays a sa propre vision autour de la question. Qu’en est-il pour le Maroc ?

Mohammed Drissi Melyani : Depuis le début des années 90, le Maroc n’a cessé d’entreprendre des initiatives et mettre en place des politiques publiques visant l’ouverture des marchés à la concurrence et la libéralisation de plusieurs secteurs d’activités. Ce mouvement d’ouverture à la concurrence de l’économie a coïncidé avec l’avènement de la révolution numérique et de la transformation digitale qui affectent non seulement les agents économiques aussi bien publics que privés mais également les consommateurs. Le défi est de savoir comment utiliser le digital pour promouvoir la concurrence mais aussi pour avoir une régulation effective et efficiente. Le sujet de transformation digitale entre régulation et compétitivité, est un sujet d’actualité qui nous interpelle tous et l’idée est d’en mener une réflexion approfondie. Nous avons débattu lors de la conférence internationale organisée conjointement par le conseil de la concurrence, l’ADD et l’ANRT autour de la question. Nous avons compris les enjeux et les différentes facettes de ce sujet.

Aujourd’hui la réflexion est lancée, et très prochainement, il y aura des recommandations qui permettront de définir une feuille de route pour tirer profit du digital et accompagner le pays dans différents secteurs.

Quel regard portez-vous autour de l’égalité d’accès à l’information ?

L’information est devenue le nerf de la guerre économique et son rôle se renforce de plus en plus grâce au développement de nouveaux outils de collecte et d’analyse que permet la transformation digitale. Ceci dit plusieurs questions se posent quant aux conditions d’accès des concurrents et des consommateurs à l’information. L’égalité d’accès à l’information peut constituer un avantage concurrentiel, un obstacle à la concurrence et dans certains cas elle favorise des catégories d’entreprises, notamment les multinationales et les grandes plateformes digitales aux dépens des PME. Cette asymétrie de l’information est un exemple concret qui illustre dans quelle mesure l’absence de l’égalité d’accès à l’information pourrait entraver le jeu de la concurrence et constituer ainsi une pratique anticoncurrentielle nécessitant l’intervention des régulateurs à travers des obligations de régulation ex ante et des mesures ex post en vue d’établir un ordre économique et de garantir une concurrence effective.

L’égalité d’accès à l’information devient donc une condition sine-qua-none pour le développement de la compétitivité, l’équilibre et la transparence du marché. Parmi les chantiers de l’ADD en relation avec l’accès direct à l’information, il y a le développement et le lancement d’une plateforme d’interopérabilité dédiée à l’échange de données entre administrations de manière sécurisée et fiable. Cette plateforme facilitera l’accès aux usagers citoyens et entreprises notamment par rapport au traitement des décisions administratives et simplification des démarches y afférentes contribuant ainsi à promouvoir l’égalité d’accès à l’information pour tous, selon des règles et standards internationaux.

Qu’en est-il de l’Open data ? Quelles avancées sur ce chantier défini parmi les axes stratégiques prioritaires de l’ADD ?

L’Open data est un levier qui a été identifié aujourd’hui par l’ADD, comme étant un moyen pour accompagner les acteurs de l’écosystème notamment, les administrations, le secteur public et le citoyen à avoir accès à l’information. C’est un levier qui va permettre aux startups et TPE d’avoir des données et donc ils pourront développer des solutions à forte valeur ajoutée pour le marché marocain à profit des citoyens. Il permettra aussi à l’administration de structurer ses données, mettre en place une stratégie de gouvernance dans ce domaine et définir les données qui pourront se partager avec le grand public, avec le secteur et l’écosystème et celles partagées uniquement avec le système administratif. Ce chantier s’inscrit dans le plan d’actions de l’agence qui a réalisé d’ailleurs en 2020, en partenariat avec la banque mondiale, une étude portant sur l’open data visant à résoudre les défis liés à ce sujet et maximiser l’impact de l’ouverture des données publiques au Maroc. Les recommandations dégagées portent essentiellement sur 4 volets : juridique et réglementaire, technique, organisationnel et usage des données.

Aussi, nous avons lancé en 2021 la nouvelle version du portail national de l’Open Data. Cette plateforme a enregistré depuis, une réelle augmentation du nombre de jeux de données publiées de plus de 194% et une croissance importante en termes d’adhésion des organismes et institutions publics producteurs de données de l’ordre de 106%.

Quelles sont les autres chantiers sur lesquels travaille actuellement l’ADD ?

L’ADD a fixé parmi ses priorités dans le cadre de sa note d’orientations générales pour le développement du digital à l’horizon 2025, le développement d’une économie compétitive grâce aux gains de performance amenés par le digital et au développement des secteurs technologiques. L’objectif est d’ériger le Maroc en tant que hub digital et technologique de référence au niveau africain. Actuellement, l’ADD est en train d’agir sur trois axes stratégiques pour préparer l’environnement propice pour le développement. Il s’agit d’abord de l’administration digitale qui consiste à utiliser le levier du digital afin de rapprocher le citoyen de l’administration et rendre le citoyen au centre des préoccupations de celle-ci. Ensuite, il y a tout ce qui porte sur l’économie numérique. Et là on va utiliser le digital pour développer des sociétés et startups qui vont servir le marché national et rayonner, pourquoi pas, à l’échelle internationale et continentale. L’autre axe consiste à assurer une inclusion sociale à travers le digital. Pour réussir , nous sommes en train de mener des chantiers prioritaires sur les trois axes et aussi participer avec le gouvernement comme étant une force de proposition pour mettre en place les piliers nécessaires en terme de développement digital à savoir la réglementation, la préparation des ressources humaines, de l’infrastructure et la mise en place d’une vraie stratégie de conduite de changement.