Comment monter une affaire d’Etat à partir d’un acte d’adultère ?
Le cas de Mohamed Baassou, la deuxième dimension

Ce n’est pas la première fois que des hommes de religion, donc pieux, ont commis des actes malhonnêtes, dont, offense suprême, l’adultère. Au Maroc, nous avons eu des cas assez cocasses pour alerter l’opinion publique qui interprète ces actes comme la preuve que les religieux se permettent ce qu’ils interdisent et reprochent aux autres. Ils se créent une bulle de probité qui leur permet de s’adonner à tous les plaisirs sans être vus. La pratique peut durer infiniment… jusqu'au jour où, trop confiant, un étourdi oublie de prendre des précautions. C’est là que tout balance. On entre dans une autre dimension.

Chaque fois qu’un islamiste, en théorie irréprochable en matière d’éthique, est pris la main sur la braguette, c’est le branle-bas de combat dans toute la tribu. Et comme la tribu trouve des snipers déjà la main sur la gâchette, on va batte les œufs en neige et monter une grosse affaire qu’on va publier dans des canards acquis à la cause de la tribu.

Le débat peut aller très loin et durer longtemps si on ne reste pas collé aux faits. Et quand il y a des faits, il n’est plus possible de biaiser.

Lorsque le responsable de la secte islamiste d’Al Adl walihsane a été appréhendé en charmante compagnie, dans sa voiture c’était un fait. Il faisaient quoi tous les deux ? Lorsqu’on a trouvé dans son téléphone des messages tendres échangés avec des femmes qui ne sont ni ses épouses, ni ses parentes halal, on ne peut rien nier. Sauf à mentir et là bien sûr on peut tout se permettre en usant de cette belle formule « selon des sources dignes de foi ». Personne ne sait qui elles sont au juste, mais ça donne de la stature au texte.

La stratégie n’est pas vraiment une innovation. Elle existe depuis que les humains ont inventé le mensonge, belle invention dans pas mal de situations, mais pas dans le domaine médiatique. Il s’agit pour les gens de la tribu de sortir du cadre purement factuel et porter la bataille sur un front plus vaste et moins exigent en matière de preuves. On peut se lâcher vraiment.

Donc, concrètement, faire d’un acte adutlérin une affaire d’Etat. Est-ce que cela marche à tous les coups ? Pas évident parce que, comme on a dit, il y a les faits. Même si les membres de la tribu les connaissent, ils ne les verront pas vraiment et parleront de complot.

Du coup, le coupable devient un important opposant que les autorités chercheront à abattre. Même s’il s’agit d’un petit journaliste ou d’un homme de religion que personne ne connaissait avant ses frasques imprudentes. Car, il ne faut pas oublier que dans la plupart des cas, l’affaire ne reste pas confinée au pays d’origine, elle reçoit le petit coup de pousse de l’extérieur, à travers les tribunes médiatiques qui diront toujours qu’elles ne visent rien d’autre que la vérité.

Ok, on peut l’admettre, mais au moins, dans ce cas, il serait utile d’apporter des faits qui contrediront la version officielle. Les lecteurs ne vont pas se contenter d’une pseudo-enquête de bureau basée uniquement sur des déductions et des suppositions. Comme dire par exemple que les journalistes acquis aux autorités sont informés à l’avance sur des faits qu’ils n’auraient pas dû connaître.

Maintenant, il serait peut être bénéfique pour tout le monde de s’en tenir aux faits et laisser la justice faire son travail. S’il y a des preuves irréfutables, le présumé coupable en subira les conséquences, s’il n’y en a pas il rentrera chez lui.

A moins qu’on cherche à torpiller les piliers de la société que sont la police et la Justice. Et dans ce domaine, les tentatives sont quotidiennes. Ce n’est pas l’Etat profond qu’on doit accuser, mais les pulsions profondes. Tu ne fais rien d’illégal, tu ne risques rien, c’est aussi simple que cela.