Retenue à la source. La grogne des professions libérales
Les professions libérales revendiquent la suppression des dispositions du projet de loi de finance (PLF) 2023 relatives au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Avocats, comptables, architectes, notaires, médecins… les professions libérales font front commun contre le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Ils useront de tous les moyens pour se faire entendre, promettent-ils.

Le nouveau barème d’impôt appliqué aux professions libérales, voté par les députés, ne satisfait pas ces dernières. Pharmaciens, dentistes, opticiens, kinésithérapeutes, comptables agréés...organisent un sit-in ce mardi 15 novembre devant le parlement. Les architectes, eux, comptent faire de même le 17 novembre. Les médecins, eux, entendent procéder autrement et appellent le gouvernement à faire marche arrière. Celui-ci lui, campe pour le moment sur sa position. Pour Nadia fettah , ministre de l’économie et des finances, il s’agit d’une mesure qui permettra de faciliter la gestion pour les professionnels. Néanmoins, la plupart des économistes regrettent l’absence d’explications convaincantes de la part de l’exécutif qui devrait défendre ses propres choix.

La colère monte

La semaine dernière, les représentants de huit instances professionnelles, représentant les notaires, les architectes, les géomètres-topographes, les vétérinaires, les experts-comptables, les comptables agréés, les médecins et les chirurgiens-dentistes, ont décidé de former un front commun contre les dispositions du PLF 2023. Les professionnels ont décidé de s’organiser pour appeler notamment à supprimer des prélèvements à la source de l’impôt sur les revenus.

Le collectif devrait mener au cours des jours à venir plusieurs actions, dont des protestations régionales devant les sièges des administrations relevant de la Direction général des impôts (DGI).

Pour Mohammed Zerhouni, président de l’Organisation professionnelle des comptables agréés (OPCA), le prélèvement à la source de l’IR que le gouvernement compte introduire constitue une «entorse juridique». «Nous rejetons ces dispositions puisqu'elles posent un problème juridique. L’impôt est en principe calculé sur le résultat comptable, alors que cette nouvelle mesure constitue un impôt payé en avance et calculé sur le chiffre d’affaires», explique-t-il.

De son côté le président du conseil national de l’ordre des architectes, Chakib Benabdellah estime que les nouvelles dispositions fiscales apportées par le dit projet comportent des exigences fiscales inéquitables pour les professions libérales. Il insiste également sur l’impact négatif de ces dispositions et leur contradiction avec le concept de justice fiscale prescrite par la constitution.

Même son de cloche de la part du président du Syndicat national des médecins libéraux, Ahmed Benboujida qui assure par ailleurs que les professionnels libéraux sont bien disposés à s’acquitter de leurs impôts et à supporter les charges publiques, mais à condition que ce soit dans des proportions justes et équitables»

L’alerte des médecins du privé

Concernant spécifiquement les médecins du secteur privé, Benboujida exprime son désarroi face à de nombreuses injustices. Il explique que les médecins libéraux paient des impôts en tant que personne physique à la hauteur de 38 % du revenu (versus 20 % pour des sociétés commerciales ayant les mêmes revenus), en plus d’autres taxes : taxe professionnelle, taxe urbaine...Cette année, ils sont obligés de payer 1000 DH mensuellement pour les cotisations CNSS de la couverture médicale, un montant dépassant de loin celui imposé aux autres professions libérales. L’année prochaine, ils paieront les cotisations pour la retraite. En gros, avec les dispositions du PLF 2023, les médecins se sentent lésés. «Nous ne sommes pas une banque organisée sur le plan comptable pour soustraire 20% à la source. Nous sommes des prestataires de service qui ne disposent pas de la logistique nécessaire pour mettre en place ce prélèvement à la source », fait savoir Benboujida alertant sur le risque d’exode encore plus grave des médecins à l’étranger. «Cette année, 300 médecins marocains sont partis ailleurs. Alors que seulement 20 médecins sont rentrés au Maroc après l’appel lancé par le pays. la situation risque de s’aggraver au moment où nous sommes en pleine mise en œuvre du chantier de la couverture sociale généralisée », alerte le professionnel qui ajoute que 85% des cabinets médicaux ne réalisent pas de chiffres d’affaires importants. Aussi, Benboujida insiste que la définition du médecin au Maroc. «Il y a un double dialogue. Selon la loi, nous sommes des médecins qui avons une mission à caractère sociale. Avec cette loi de finances, nous sommes considérés plus comme des commerçants. Et nous refusons cela », déplore-t-il.

Le patient risque de payer le prix fort de ce système d’imposition. «Cette imposition aura des conséquences sur la facture que va payer le patient. Avoir des charges aussi lourdes pour un médecin va se répercuter automatiquement sur le patient », prévient Benboujida qui appelle à l’ouverture d’un dialogue constructif avec le gouvernement afin de se pencher sur la situation de l’exercice de la médecine au Maroc.