Ouahbi, mais qu'est-ce qui t'a pris donc?
Abdellatif Ouahbi, l'avocat se mange avec du vinaigre

Donc, on reste dans l’avocat. On passe de la tête d’avocat fabriquant de bonheur, à l’avocat du diable qui a ruiné une paix durement acquise. Nous sommes passés en un éclair d’une ambiance d’effort, de bonne volonté et de patriotisme à un marché de dupes ou le puissant nargue les faibles et détruit ce que le pays a construit en plusieurs décennies dans le domaine de la bonne gouvernance.

Quand on ne peut plus garantir que les plus méritants soient récompensés pour leurs efforts et que la réussite s’offre comme un cadeau de Achoura à des resquilleurs, on ne peut plus faire confiance à personne. Que fera un avocat qui a réussi par la triche demain quand il commencera à exercer? La triche. Que fera-t-il quand il accédera à des postes politiques sensibles? C’est là où réside le danger.

Et le ministre de la Justice a tout écrabouillé parce qu’il aurait trouvé qu’il pouvait offrir la réussite. C’est quand même énorme. Il n’a pas discrédité son ministère et une profession, mais il a aussi mis dans l’embarras sa hiérarchie directe, le chef du gouvernement. Bien évidemment, du moment que tout ce que font les ministres, ils le font au nom du gouvernement.

Que fera donc Aziz Akhannouch si l’opinion publique demande la tête de Ouahbi? L’affaire est délicate on le comprend. Ouahbi est le patron d’un parti de la coalition gouvernementale, si le chef du gouvernement le limoge, il devra trouver un autre parti pour compléter sa majorité. Ce n’est pas tellement difficile.



Mais le Parti Authenticité et Modernité (PAM) peut épargner au chef du gouvernement ce casse-tête en décidant de retirer au ministre de la Justice la présidence du parti. Congrès extraordinaire, élection d’un nouveau président... ainsi de suite. D’ailleurs, Ouahbi avait toujours soutenu qu’il n’accepterait jamais de faire partie d’un gouvernement dirigé par quelqu’un d’autre. Eh bien, il paraît que c’est le chef du gouvernement qui ne devrait pas laisser sévir un partenaire qui risque de torpiller tous ses plans.

Jusque’à maintenant, il n’y a pas de réaction du parti, et ce qui vient d’être dit ressemble plus à de la politique fiction. Nous n’avons pas l’habitude de ces mouvements en politique. Chez nous, tout se passe dans le calme.

Encore de la politique fiction? En voici. Le Parlement pourrait décider de constituer une commission d’enquête sur les circonstances du concours des avocats. Le Parlement c’est le peuple, n’est-ce pas? Voici le peuple qui veut des actions. Nous serions ainsi mis devant un choix entre la survie d’une coalition et la primauté des valeurs de la bonne gouvernance sur lesquelles le Roi Mohammed VI insiste dans ses discours.

Imaginons une seconde ce qui se serait passé au Mondial si le coach avait choisi ses joueurs non pas en fonction de leurs capacités, mais parce qu’ils étaient soit de sa famille, soit des familles des copains et des amis des copains. Le Maroc ne serait même pas allé au Qatar.

Or maintenant qu’est ce qui se dit dans le peuple? Que cette affaire ne fait que prouver encore une fois qu’il y a des professions faites de magouilles, de manipulations et de mensonges. Comment répondre au peuple? Certainement pas en disant qu’on est riche et qu’on peut se permettre d’envoyer son fils étudier à Montréal. Mauvaise réponse et mauvaise excuse. Lorsque le ministre affirme qu’il réagi à de la provocation, il se tire une balle dans le pied. Un politique ne cède pas à la provocation.

Juste un dernier mot pour les universités marocaines. Les étudiants marocains qui ont choisi les universités et les écoles étrangères se comptent par milliers. Ce n'est donc pas utile de profiter de cette affaire pour se plaindre du mépris d'un ministre riche. Par contre c'est une occasion opportune pour se poser les bonnes questions, notamment sur le classement international et sur la faiblesse de la production scientifique et intellectuelle. C'est plus productif pour le pays.