Transition énergétique au Maroc. L’innovation clé de voûte de l’électrification durable
Jérôme Fournier

Le Maroc a pris l’engagement ferme d’amorcer sa transition énergétique dans l’optique de réduire de façon conséquente ses émissions de gaz à effet de serre et par la même occasion devenir un pays producteur d'énergie de sources renouvelables, de référence. Jérôme Fournier, Vice-Président du Groupe Nexans en charge de l’innovation, explique à travers cette tribune exclusive les principaux enjeux de cette transition et le rôle de l’innovation dans l’électrification durable.

Le monde traverse aujourd’hui une crise énergétique sans précèdent dont l’issue est incertaine. En Europe par exemple, l’incertitude, le doute et l’inquiétude n’ont jamais été aussi palpables depuis le déclenchement de la crise Russo-Ukrainienne, en raison d’une dépendance certaine de plusieurs pays au gaz russe. Les récents chiffres font état d’une réduction de plus de 80 % des approvisionnements en gaz provenant de ce pays vers l’Europe. Un constat qui effraie, tant cette situation peut avoir des répercussions fortes aussi bien sur les ménages que sur les entreprises. Une conjoncture qui va de pair avec des tendances de fond observées depuis désormais plusieurs années, tels les aléas climatiques ou les besoins croissants en électricité.

Face à cela, nous commençons à assister depuis peu à une prise de conscience, individuelle et collective quant à la nécessité de repenser nos habitudes de consommation énergétique. L’électricité décarbonée s’impose comme l’une des trajectoires majeures à suivre dans la perspective salutaire de réduire l’impact de l’activité humaine sur l’environnement.

À ce niveau, nous ne pouvons qu’être admiratifs face à tout ce qu’a réalisé le Maroc en la matière. Le Royaume est devenu aujourd’hui le 4e pays au monde pour la performance climatique et numéro un mondial en énergies renouvelables indexées au PIB. Ce qui fait de lui l’une des destinations les plus attractives en la matière. Dans la moyenne tension à titre d’exemple, le Royaume consacre aujourd’hui une part de 18% à l’énergie verte au moment où il s’est engagé à porter cette part à 25% à l’horizon 2024, puis à 52% en 2030. Une réalisation qui fera date car c’est la première fois que l’énergie décarbonée est intégrée dans la moyenne tension.

Il convient ici de rappeler que le Maroc dispose d’un inestimable potentiel énergétique naturel qui correspond à titre de comparatif à la production en gaz d’un pays comme le Venezuela. Fort de son savoir-faire acquis et développé localement, et de l’ensemble de son écosystème, le Maroc dispose aujourd’hui de tous les atouts nécessaires à l’accélération de sa transition énergétique. Ainsi, le pays est désormais capable de garantir sa propre sécurité énergétique tout en assurant la compétitivité de son industrie, consolidant de la sorte son positionnement international de pays avant-gardiste en matière d’économie verte.

Pour une transformation énergétique réussie il est toutefois nécessaire de prendre en considération les aspects technologiques liés à la question.

Dans le cas de l’électrification durable par exemple, il est primordial de pouvoir agir de façon tridimensionnelle, à la fois sur l’offre, sur la demande et sur l’acheminement. Le premier enjeu, et non des moindres, consisterait à augmenter « les autoroutes de l’électricité ». Pour cela, producteurs et distributeurs doivent collectivement faire des efforts dans l’augmentation des capacités de transport de l’électricité afin de rendre cette transition énergétique plus effective.

L’autre enjeu est celui de l’accélération de la digitalisation!

Les quatre grandes étapes de l’électrification que sontla production, la transmission, la distribution et l’usage, présentent des zones de fragilité à chaque relais d’une étape à l’autre. Le développement et la modernisation des réseaux électriques passe par leur digitalisation. Une solution innovante, proposée notamment par une entreprise comme Nexans au Maroc réside dans la digitalisation et le monitoringdes transformateurs, qui permet d'augmenter la fiabilité du réseau électrique, d'anticiper les travaux de maintenance d'optimiser la durée de vie des équipementsCe monitoring à distance des transformateurs mais aussi des jonctions et des câbles eux-mêmes est une innovation clé pour la résilience des réseaux alternatif.

Afin d’effectuer un monitoring précis et fiable, la pose et le relais de nombreux capteurs sont cruciaux, avec le même niveau de fiabilité et de précision que ceux qui équipent l'industrie automobile ou aéronautique. Grâce à cette digitalisation, l’écosystème devient prédictif, avec un rapport quotidien qui permet d’anticiper et prévenir les problèmes ... une véritable solution anti-blackout.Cette innovation majeure va permettre d’introduire de plus en plus de données sur la « santé » et les performances du réseau éléctrique, ces données seront analysées par des outils d’intelligence artificielle permettant de monitorer au plus près les lignes posées pour le compte de l’ONEE.

Si je mentionne ici le partenaire historique de Nexans au Maroc, c’est pour m’attarder quelque peu dans les lignes qui suivent sur le rôle crucial que joue le partenariat public-privé dans la réussite d’une feuille de route aux ambitions si fortes. J’ai l’intime conviction que l’écosystème que nous sommes en train de mettre en place doit avoir pour cœur le secteur privé qui a une responsabilité de premier plan dans cette transition, mais ne devrait pas se défaire d’une posture de partenaire à responsabilité égale aux autres acteurs, à savoir le public et la société civile.

Enfin, je ne peux conclure cette tribune sans faire mention d’une variable importante et tout aussi indiscutable dans la réussite de la transition énergétique du Maroc. Force est de constater que depuis quelques années, le Royaume s’est érigé en véritable modèle régional de l’enseignement supérieur. En atteste l’apport qualitatif et considérable de centres académiques de renom tels que l’UM6P, l’Ecole Centrale de Casablanca, ou encore la cité de l’innovation de Settat ainsi quetoutes les grandes écoles d’ingénieur marocaines.

Cette dynamique vertueuse permet à tous les grands groupes industriels opérant sur le Maroc, d’avoir accès localement aux expertises requises, favorisant de la sorte l’intégration des compétences locales. Nous le constatons aujourd’hui ; le niveau des jeunes générations sortant de ces grandes écoles est remarquable. Un vivier précieux qui encouragera les opérateurs industriels à aller encore plus loin dans l’innovation et dans l’interconnexion de l’apprentissage appliqué.

C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’une première initiative a été prise cette année avec l’ouverture du Design Lab de Nexans à Casablanca. Une initiative qui s’accompagne d'une collaboration importante avec l’ONEE, dans le domaine de la formation technique des opérateurs.

cette collaboration fructueuse, cette même envie de progresser permettra la montée en puissance pratique et académique sur tous les métiers de l’électrification durable, dans une logique holistique et inclusive avecla conviction réitérée que l’innovation passe par le partenariat.

*Jérôme Fournier est Vice-Président Innovation, Services et Croissance du Groupe Nexans