Recrutement des infirmiers asiatiques. Est ce envisageable?
Le Maroc manque de 65.000 infirmiers et techniciens de santé.

Le Maroc pourrait recruter des centaines d’infirmiers en provenance des Philippines. L’annonce a été faite par l’ambassade des Philippines au Maroc. Qu’en est –il réellement ? Explications  de Mustapha Jaa, secrétaire général du Syndicat indépendant des infirmiers et techniciens de santé du Maroc 

«Il s’agit d’une déclaration unilatérale de l'ambassadeur des Philippines au Maroc Le ministère de la santé ne s’est pas prononcé sur ce sujet », précise Mustapha Jaa, secrétaire général du Syndicat indépendant des infirmiers et techniciens de santé du Maroc, commentant l’annonce faite par l’ambassade des Philippines au sujet d’un éventuel recrutement d’une centaine d’infirmiers en provenance des Philippines par le Maroc. «Il semble qu’il y ait un intérêt à nos infirmières, et nous l’avons transmis à nos autorités aux Philippines », a déclaré récemment l’ambassadeur des Philippines au Maroc, Leslie Baja, à l’agence de presse philippine (PNA) insistant sur la volonté des gouvernements philippin et marocain de conclure un accord de coopération dans le domaine du travail qui protégerait davantage les droits de plus de 4 600 travailleurs philippins au Maroc et ouvrir également le marché aux professionnels souhaitant travailler dans le pays. Pour le syndicaliste, rien de concret pour le moment et il qualifie cela d’une simple propagande.

Un pénurie alarmante

Est-ce que la volonté de recruter des infirmiers asiatiques est là, pour combler le besoin actuel au Maroc dans ce domaine ? «Cela reste une voie aléatoire et une route perdante », juge Mustapha Jaa.

En effet, le nombre d’infirmiers au Maroc ne dépasse pas les 32.000. Et d’après le professionnel, il existe une pénurie estimée à 65.000 infirmiers et techniciens de santé dans le pays. La situation pourrait s’aggraver avec l’augmentation du nombre des départs à la retraite et la migration du personnel vers d’autres pays. Pour combler le besoin, « le Maroc est entrain de former plus de 6.000 infirmiers cette année et 7000 sont prévus pour l'année prochaine. La volonté est d’aller aller jusqu'à 11000 lauréats en 2026 ce qui signifie un total qui dépasse le nombre des postes budgétaires limités à 5.500 postes », fait savoir Mustapha Jaa.

Un exode massif

Aussi, on assiste à un véritable exode massif de personnel de santé marocain vers de nombreux autres pays d’accueil. Selon les chiffres du syndicat indépendant des infirmiers et techniciens de santé du Maroc, chaque année, entre 800 et 1.000 infirmiers décident de tout laisser derrière eux pour tenter leur chance à l’étranger.

Le syndicaliste renvoie cela à de multiples raisons : les conditions de travail qui laissent à désirer, le manque de reconnaissance de la part des responsables, la difficulté d’évoluer dans sa carrière, le manque d’issue pour l’amélioration des conditions de vie, l’injustice, salariale, et les salaires dérisoires versés...

Concrètement, au Maroc, le salaire d’un infirmier licencié ne dépasse pas les 6.200 DH, alors que la moyenne dans les pays d’accueil dépasse les 45.000 dollars voire même les 70.000 dollars par an. Les professionnels évoquent aussi le problème des primes qui ne dépassent pas les 1.400 DH/mois contre 5.900 DH pour les médecins.

Selon Jaa, les Philippines est l'un des premiers pays exportateur des infirmiers au monde alors qu'il connait une pénurie interne estimé à 100 milles infirmiers. Si ces derniers immigrent, c'est à la recherche immigrant, c’est à la recherche de conditions de travail plus avantageuses notamment sur le volet salaires. «Ces conditions ne sont pas disponibles au Maroc qui est considéré comme un pays de départ des cadres infirmiers et non un pays d'accueil. Il n'est pas alors attractif vu le niveau des salaires médiocres et l'absence d'un ordre professionnel et le vide juridique que connaît la profession », déplore Jaa.

Pour le même professionnel, recruter des infirmiers asiatiques n’est pas la solution aujourd’hui. L’idéal serait de répondre aux doléances des infirmiers marocains qui ont choisi de rester à la disposition de leur pays.