Facebook et Instagram, terrain de chasse préféré des trafiquants d’enfants 
Les enfants sont facilement traqués sur Facebook et Instagram par les prédateurs

D’après une enquête choc du journal britannique « The Guardian », les deux réseaux sociaux seraient devenus le marché privilégié des prédateurs pédocriminels pour vendre et acheter les services sexuels des enfants.



Maya, 12 ans, piégée sur Instagram

Maya Jones n'avait que 12 ans lorsqu’elle a commencé à recevoir des messages sur Instagram de la part d'un homme inconnu. Agé de 28 ans, ce dernier faisait la cour à l’adolescente en lui affirmant qu’elle était jolie et séduisante. Prenant progressivement confiance, Maya commence à discuter avec l’homme qui n’a pas tardé à lui demander de lui envoyer des photos nues. Pour l’encourager, il lui promet de la gratifier moyennant 40 dollars pour chaque cliché. Se sentant valorisée et spéciale, comme elle l’assure à Tina Frundt, la fondatrice de l’association américaine Courtney's House, Maya cède et rencontre « son séducteur ». S’ensuit alors une véritable descente aux enfers pour l’adolescente.

Après l’avoir pris dans ses filets, le proxénète lui demande le mot de passe de son compte Instagram qu’il utilise pour racoler des clients en ligne. Il la pousse à poser nue et vend ses services sexuels en virtuel comme en mode réel dans des motels. Jusqu’au jour où un passant la retrouve inconsciente et à moitié nue dans une ruelle au sud de Washington DC. Maya a été violée collectivement, tabassée et jetée pour morte dans la rue. « Elle était si jeune mais profondément brisée à cause de ce qui lui était arrivé », assure aux journalistes du Guardian, la fondatrice de Courtney's House, l’une des associations américaines les plus actives dans la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants.

Sex Marketplace

D’après l’enquête du Guardian, qui a pris deux ans pour être réalisée, Maya Jones n’est pas la seule enfant à vivre cet enfer. Aux USA et dans le monde entier, ils sont des millions de mineurs à subir des abus sexuels et d’être exploités par des adultes. D’après un rapport de l’UNICEF, « Dans le monde, environ 120 millions de filles de moins de 20 ans (environ 1 sur 10) ont subi des rapports sexuels forcés ou d’autres actes sexuels forcés ».

Une situation qui a empiré avec l’explosion de l’utilisation des réseaux sociaux. L’enquête du Guardian pointe spécialement du doigt facebook et Instagram. Le terrain de chasse préféré des prédateurs, les deux plateformes sont souvent investies par les trafiquants d’enfants pour entrer en contact direct avec leurs proies. Selon un rapport de l’Human Trafficking Institute, Facebook serait l’outil le plus prisé suivi d’Instagram talonné par Snapchat.

Modus operandi

Quant au mode opératoire, les prédateurs procèdent souvent de la même manière : Ca commence par un message envoyé par un homme adulte à une adolescente. De compliment à échange intime, il lui demande des photos dénudées. Pour encourager l’adolescente, il lui jette l’hameçon de l’argent... Et c’est ainsi qu’elle est prise au piège.

Il lui propose aussitôt de se prostituer en se chargeant lui-même de son compte instagram ou facebook, de son « marketing » puis commence à la « vendre » virtuellement et réellement. Une machine bien huilée qui happe rapidement l’existence et l’avenir de milliers de mineurs et les entrainent au cœur d’un trafic tentaculaire... Loin de tout contrôle, comme le confirment les reporters du Guardian.

Meta "trop mou"

Ces derniers ont en effet interrogé plus de 70 sources dont des acteurs de la société civile, des professionnels de la protection de l’enfance, des procureurs et des créateurs de contenus. Tous ces interlocuteurs s’accordent à affirmer que Meta est incapable d’agir efficacement contre les trafiquants d’êtres humains et encore moins ceux des enfants et des mineurs.

D’après les procureurs américains interrogés par The Guardian, Meta manque de réactivité et traîne souvent dans l’exécution des décisions judiciaires en compliquant ainsi le travail des enquêteurs. Pire encore, Meta rejette également les mandats délivrés par les autorités en risquant de retarder le sauvetage de victimes en danger.

Des doléances qui se rajoutent à d’autres accusations émises auparavant contre le géant américain. Le Fonds de pension et d’investissement américains a déposé en mars dernier une plainte contre Meta en l’accusant d’aider et de faciliter les manœuvres de pédophiles, de proxénètes et de trafiquants d’êtres humains.

Incohérence légale

De lourdes accusations réfutées par Meta qui s’en défend en assurant agir « comme il peut » pour lutter contre ces cybercriminels. En chiffres, Facebook aurait signalé plus de 73,3 millions de contenus de nudité et d’abus physique des enfants tandis qu’Instagram en a signalé 6,1 millions contenus. Toujours d’après l’enquête du Guardian, la grande majorité du contenu signalé par Meta relève du matériel d'abus sexuel d'enfants c'est-à-dire des photos et des vidéos de contenu pornographique et non pas le trafic sexuel en soi.

« Contrairement aux images d'abus sexuels d'enfants, il n'y a aucune obligation légale (aux USA) de signaler le trafic sexuel d'enfants » note l’enquête. Cette dernière fustige une incohérence légale qui laisse une large marge de manœuvre aux exploitants d’enfants mais aussi aux plateformes qui ne sont pas légalement tenues de dénoncer ce type de trafic.