Comment la police lutte contre la violence numérique
Acteurs institutionnels, société civile et fournisseurs de services Internet doivent fédérer leurs efforts

Le rôle de la police et des acteurs instutionnels dans la lutte contre la cyber-violence basée sur le genre au centre du débat organisé par l'ATEC à Casablanca. Eclairage sur l'aboutissement et le traitement de ce type de plaintes par les services spécialisés.

" Les stratégies de l'acteur institutionnel dans le domaine de la lutte contre la violence numérique basée sur le genre ", c'est le thème choisi par l'association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté pour son premier Colloque national tenu mardi 11 juillet à Casablanca. Un événement qui rentre dans le cadre du projet " Stop violence numérique " lancé par l'ATEC en partenriat avec le Centre danois de recherche et d'information sur le genre, l'égalité et la diversité (KVINFO).

Personne n'est à l'abri

" L'utilisation élargie des nouvelles technologies, des applications et autres réseaux sociaux a permis à la violence numérique de s'immiscer d'une manière insidieuse dans la vie d'une grande partie d'utilisateurs. Les femmes et les jeunes filles sont particulièrement touchées par le phénomène ", lance d'emblée Bouchra Abdou, directrice de l'ATEC. Un constat que les chiffres confirment d'une manière éloquente.

D'après le dernier rapport du Haut Commissariat au plan consacré à la violence électronique, cette dernière touche près de 1,5 million de femmes. Via e-mails, appels téléphoniques ou SMS ou messageries sur les réseaux sociaux, ces la cyber-violence représente désormais 19 % de toutes les formes de violence à l'égard des femmes.

Un pourcentage que les associations féministes recommandent de revoir à la hausse à cause de l'omerta régnant sur ce type d’affaires et empêchant les victimes de dénoncer leurs agresseurs. Ceci dit, les filles âgées de 15 à 19 ans restent les plus touchées par ce type de violences avec un taux de 34% tandis que les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans le sont à 28%.

Service dédié

" L'administration et la gestion des plateformes numériques et des réseaux sociaux telles qu'elles sont conçues restent incapables de gérer et de limiter le danger. Il est donc de notre devoir et de celui des institutions d'en protéger les utilisatrices ", tranche l'activiste féministe.

Versant dans le même sens, commissaire Mehdi Raziq, chef de la Brigade de lutte contre la cybercriminalité de la Police judiciaire de Casablanca, a affirmé qu'un service spécialisé est dédié à ce type d'affaires. " La DGSN a consacré une cellule spéciale qui prend en charge les plaintes de violence numérique ", note le responsable.

Un service qui réunit des compétences spécialisées traitant dans l'immédiat et en toute urgence les plaintes de cyber-violence, ajoute Raziq. Ce dernier reconnait toutefois que le net reste un " espace peu sécurisé qu'il faut appréhender avec méfiance tout en se protégeant au maximum ", recommande le responsable sécuritaire.

Des femmes à l'écoute

Insistant sur l'aspect délicat des plaintes portant sur les abus et les violences cybernétiques, Mehdi Raziq a expliqué par ailleurs que ces affaires nécessitent en général un traitement en tout urgence. " Nos éléments sont formés pour être à jour et pour pouvoir traiter ce type particulier de violences tout en prenant en considération l'intérêt des victimes ", note le responsable.

Des cellules d'acceuil des femmes victimes de cyber-violence sont en effet mises en place dans les différents commissariats du Royaume. Leur rôle ? " Recevoir les victimes, les écouter, les orienter et les accompagner tout au long de l'enquête. Ce sont des femmes policières qui s'en chargent pour mettre les victimes à l'aise et éviter toute gêne ", détaille Raziq.

Une approche plutôt humaniste et bien placée vu le lourd impact de la violence numérique sur les victimes. Une étude réalisée en 2019 par l'Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté nous apprend que 87% de ces victimes ont exprimé leur désir de se suicider. Une lourde menace pesant sur la sécurité et la vie de milliers de femmes, la violence cybernétique nécessite selon Bouchra Abdou la fédération des efforts.

Fédérer les efforts

« Le rapprochement, la coordination et le partenariat entre les agences gouvernementales, les acteurs institutionnels concernés, la société civile et les fournisseurs de services téléphoniques et Internet restent un besoin urgent », matraque la militante.

Zahia Aâmoumou, avocate et activiste féministe, insiste de son côté sur " le renforcement des compétences des cadres de justice, de gendarmerie et de police spécialisée dans la lutte contre la violence numérique pour une lutte efficace et un accompagnement adapté et fructueux », indique l’avocate.

Rappelons que l'ATEC a lancé le 23 mai 2023, la deuxième étape de son programme " Stop violence numérique ". L'association s'y focalise sur l’amélioration des diverses interventions face à ce type de violence pour une lutte efficace contre le fléau au niveau local, régional et national.