PLF 2024. La classe moyenne en péril
Le PLF 2024, un coup dur pour la classe moyenne?

Le Projet de Loi de Finances 2024 suscite une vive polémique. Entre l'augmentation des taux d’imposition sur certains produits jugés vitaux et le lancement du chantier de la décompensation, le coup est rude, en particulier pour la classe moyenne.

Les avis convergent : le PLF 2024 représente une sérieuse menace pour la classe moyenne et risque de précipiter une grande partie de cette catégorie de la population dans la précarité. Dans le projet de loi de finances 2024, la classe moyenne, généralement considérée comme le moteur de l'économie, est non seulement marginalisée, mais elle est également sacrifiée et pénalisée. C’est le cas également pour tous les programmes sociaux », souligne l’économiste Rachid Sari.

Cet avis est partagé par Mohamed Rahj, qui estime que ce projet de loi ne propose aucune mesure favorable à cette catégorie, dont le pouvoir d’achat se détériore année après année. Il déplore que ce soit toujours la classe moyenne qui devra supporter la charge fiscale au nom de l'équilibre budgétaire.

Ces mesures qui fâchent

Les économistes pointent du doigt certaines mesures. En effet, le gouvernement a décidé d'augmenter progressivement le taux de la TVA pour l'eau et les services d’assainissement, atteignant 8% à partir du 1er janvier 2024, 9% en janvier 2025, et 10% au 1er janvier 2026. En ce qui concerne l'électricité, la taxe passera à 16% dès l'année prochaine, contre 14% actuellement. Le gouvernement propose ensuite un taux de 18% en 2025, avant d'atteindre 20% en 2026. De plus, le gouvernement prévoit d'appliquer une TVA au taux de droit commun de 10% pour les voitures économiques et de porter la TVA sur le transport de marchandises et de voyageurs de 14 à 20%. Il est également prévu de porter le taux de la TVA de 2,5% à 30% de la valeur des droits d'importation applicables à certains produits finis de consommation, notamment les petits appareils électriques tels que les rasoirs, les tondeuses, les sèche-cheveux, les fers à repasser, les fours à micro-ondes, et les postes téléphoniques d'usagers, y compris les smartphones. À cela s'ajoute la réforme de la caisse de compensation, qui doit être mise en œuvre à partir d'avril 2024.

Une réforme difficile

L’économiste Abdelkhalek Touhami remarque que ce projet a pris en considération les directives royales pour accorder une attention particulière aux personnes défavorisées. De nombreuses mesures ont été prises en leur faveur. Cependant, en même temps, d'autres mesures sont prévues qui vont à l'encontre de cette démarche. Certaines personnes bénéficieront d'amortisseurs sociaux, tandis que d'autres, en dehors du cadre de la protection sociale, subiront négativement les conséquences. En ce qui concerne la réforme de la TVA telle qu'elle est proposée, l'expert ajoute que la démarche n'est pas favorable pour  la classe moyenne. « La classe moyenne risque de subir des pertes considérables. Nous pourrions même créer de nouveaux démunis, et la classe moyenne pourrait se retrouver dans une situation plus précaire », met-il en garde.

Pour sa part, Mohamed Rahj explique que le projet ne comporte pas de mesures visant à améliorer le pouvoir d'achat. En principe, pour atteindre cet objectif, il aurait été nécessaire d'ajuster les salaires en fonction des taux d'inflation, ce qui n'a pas été fait. Aucune modification n'a non plus été apportée du côté de l'impôt sur le revenu.

Des exonérations insuffisantes

Le gouvernement a également envisagé de supprimer la TVA sur quatre produits, à savoir les médicaments, les fournitures scolaires, le beurre et les conserves de sardines. Selon Sari, à l'exception des médicaments, les autres produits ne sont pas considérés comme essentiels. Il qualifie cette décision de simple illusion.

Mohamed Rahj, de son côté, met en avant le cas des fournitures scolaires. Pour lui, il s'agit d'une forme de tromperie. L'exonération s'accompagne de la mention "sans droit à déduction". Ainsi, lorsque le fournisseur achète ces articles, il paie la TVA à son propre fournisseur, mais comme il facture cela "sans droit à déduction", il intègrera dans le prix de revient toutes les TVA non récupérables. De manière insidieuse, le consommateur finira par payer indirectement la TVA.

Interrogé sur les mesures que devrait prendre le gouvernement pour préserver le pouvoir d’achat de la classe moyenne, Mustapha Baitas, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement, a mis l’accent sur l’aide au logement de 100 000 DH accordée pour tout achat d’un bien immobilier dont le prix oscille entre 300 000 et 700 000 DH. Selon lui, cela constitue une forme de soutien. Il a également promis que le gouvernement se pencherait sur la situation de la classe moyenne l'année prochaine.

En attendant, les économistes sollicités ne cachent pas leurs craintes quant à un possible conflit social qui pourrait éclater si les mesures du PLF 2024 ne sont pas revues ou accompagnées de solutions équitables.

Lekjaa rassure

Devant la commission des finances et du développement économique à la chambre des représentants, le ministre délégué chargé du budget, Fouzi Lekjaa, a tenté d’apaiser les inquiétudes. Il a affirmé que l'augmentation de la TVA n'aurait qu'un impact modéré sur le pouvoir d'achat des marocains. En ce qui concerne la facture d'électricité, selon lui, 66% des ménages ne verront qu'une augmentation d'un dirham en 2024, et de deux dirhams par la suite. Pour 17% des citoyens, l'augmentation sera de deux dirhams et 30 centimes, tandis que les 17% restants, en raison de leur consommation très élevée de 500 kilowatts, subiront une hausse importante.

Pour la TVA sur la consommation d'eau, Lekjaa a assuré que 59% des ménages marocains ne verront qu'une légère augmentation de leur facture, ne dépassant pas 16 centimes. Quant aux 28% appartenant à la deuxième tranche, leur facture n'augmentera que de 60 centimes. Toutefois, les 13% restants, qui consomment de grandes quantités d'eau, devront faire face à des hausses beaucoup plus significatives en raison de leur consommation excessive. Le ministre a noté également que l'augmentation de la TVA sur l'eau et l'électricité permettra à l'État d'encaisser environ 160 millions de dirhams.