France-Antisémitisme. L’engagement des uns, l’ambiguïté des autres

Une "grande marche civique" contre l'antisémitisme doit s'élancer ce dimanche en début d'après-midi à Paris, en présence d'une bonne partie de la classe politique française, mais sans le chef de l'Etat ni l'opposition de gauche radicale.

Organisée à l'appel des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher, cette marche se veut une réponse à l'explosion du nombre d'actes hostiles aux Juifs depuis les massacres du Hamas en Israël le 7 octobre et la riposte militaire massive qui a suivi.

"Pour la République, contre l'antisémitisme": c'est derrière cette banderole que les présidents des deux chambres mèneront le cortège parisien, qui reliera le palais Bourbon et celui du Luxembourg, à partir de 15H00, au départ de l'esplanade des Invalides.

Des rassemblements sont également prévus en province, notamment à l'appel de l'Association des maires de France. Manifestations où "les postures n'ont pas leur place", a mis en garde Elisabeth Borne dans un tweet dimanche matin, ciblant à la fois la gauche radicale de La France Insoumise dont "l'absence parle d'elle-même", et l'extrême-droite du Rassemblement national dont "la présence ne trompe personne".

La Première ministre, dont le père de confession juive a été déporté, défilera au premier rang du cortège parisien, dans un carré de tête réunissant des personnalités "incarnant" la République, comme les ex-présidents François Hollande et Nicolas Sarkozy et d'anciens chefs de gouvernement, mais "pas de chefs de parti".

Environ 25 ministres devraient également manifester dimanche à Paris et une dizaine en province, selon Matignon. Le président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius, marchera également contre un antisémitisme qui "est l'exact contraire" de la loi fondamentale d'une République "indivisible".

Emmanuel Macron, lui, n'y sera pas. Le président s'est adressé aux Français samedi soir, par le biais d'une lettre publiée par le journal Le Parisien. Il y a déploré "l'insupportable résurgence d'un antisémitisme débridé".

"Une France où nos concitoyens juifs ont peur n'est pas la France", a-t-il écrit, en lançant un appel à l'unité de la France "derrière ses valeurs, son universalisme".

Mais cette marche parisienne et les manifestations organisées en province sont loin de refléter une union nationale. Leur préparation a donné lieu à une féroce bataille politique sur la présence dans le défilé du Rassemblement national (RN) et de l'autre parti d'extrême droite Reconquête.

La participation du RN de Marine Le Pen, "un parti politique créé par les héritiers de Vichy", ce n'est "pas de l'unité mais de l'indécence", a ainsi jugé le porte-parole du gouvernement Olivier Véran dans Le Parisien.

"Est-ce si difficile de faire une pause devant le sujet qui doit nous réunir?", a répliqué la cheffe de file des députés RN, Marine Le Pen, dans un entretien au Journal du dimanche où elle affirme qu'il "ne peut exister en matière d'antisémitisme aucune ambiguïté".

A l'inverse, la France insoumise (gauche radicale) de Jean-Luc Mélenchon, accusé d'ambivalences sur l'antisémitisme, boycotte la manifestation du fait de la présence du RN, même si des Insoumis devraient se ranger derrière d'autres initiatives dimanche, à Paris ou en province.

Le président des Républicains (droite) Eric Ciotti a de son côté demandé à Emmanuel Macron de "clarifier les motifs" qui l'ont conduit à ne pas venir dimanche, estimant que le " en-même-temps n'est définitivement plus praticable".

Un important dispositif de sécurité sera déployé avec "plus de 3.000 policiers et gendarmes" ainsi que "des unités d'élite mobilisées", selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

Les partis de gauche Europe Ecologie-Les Verts, PS et PCF ainsi que des associations de défense des droits humains et des organisations de jeunesse défileront derrière une banderole commune "contre l'antisémitisme et tous les fauteurs de haine et de racisme" dans une démarche de "cordon républicain" face à l'extrême droite.

"On doit montrer qu'on est là (et) qu'on ne leur cède pas la place", a expliqué sur France Inter la patronne des Verts, Marine Tondelier, qui "ne veut pas que (sa) présence soit assimilée à une caution donnée à la légitimité du RN dans la marche".

La manifestation devrait être silencieuse. Aucune prise de parole n'est prévue dans le cortège.

De nombreux représentants des cultes seront aussi présents, mais peu de responsables musulmans.