Leïla Slimani ou l’art de décortiquer l’ambiguité des sentiments
La romancière franco-marocaine Leila Slimani.

Engagée depuis des années dans des questions sociales et politiques, principalement les droits des femmes et l'immigration, la romancière franco-marocaine, prix Goncourt 2016, membre du jury du FIFM 2023, présidente de l'International Booker Prize 2023, et initiatrice du collectif 490 « Hors la loi », se distingue par son talent à raconter des histoires captivantes et son écriture littéraire qui va au plus près des sensations et des corps pour dévoiler la violence dissimulée dans ses personnages.

Née le 3 octobre 1981 à Rabat, Leila Slimani est une écrivaine et journaliste franco-marocaine. Diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris, elle est engagée au magazine Jeune Afrique en 2008 et y a traité des sujets concernant l’Afrique du Nord.

Elle décide par la suite de s’affranchir des contraintes du réel pour se consacrer à l’écriture de roman.

En 2014, elle publie son premier roman aux éditions Gallimard, Dans le jardin de l’ogre, remarqué par la critique et proposé pour le Prix de Flore 2014.

Son deuxième roman, Chanson douce (Ed. Gallimard), a obtenu le prix Goncourt 2016 et le Grand Prix des lectrices Elle 2017. Il é été vendu à plus d’un million d’exemplaires et traduit dans une quarantaine de langues, et a été adapté au cinéma en 2019, avec Karin Viard et Leïla Bekhti. Son écriture précise se rapproche au plus près des sensations et des corps pour dévoiler la violence cachée dans ses personnages. Cette violence qu’on retrouve dans tous ses livres qui représentent la famille tel un microcosme où se jouent tous les bouleversements à l’œuvre dans la société qui l’entoure.

Dans ses romans mais aussi ses essais et articles, l’écrivaine n’hésite pas à aborder des sujets polémiques et tabous (féminisme, sexualité des femmes, colonialisme), tout en revendiquant sa « vraie » double nationalité marocaine et française, « une vraie double appartenance ». Elle représente le président français au Conseil permanent de l’Organisation internationale de la francophonie.

Une écriture clinique

La romancière qui place « le corps au cœur de ses combats politiques » estime que « Le but de la littérature n’est pas de résoudre les problèmes …Mais les récits ont une force extraordinaire, bienfaisante ou diabolique. Vous pouvez les utiliser pour soulever des troupes et mener des guerres, ou pour sauver le monde. Les écrivains peuvent décrire : ce n’est pas grand-chose, ça ne paraît rien mais, en même temps, il n’y a rien de plus important que cela ».

Réputée pour son talent à décortiquer l’ambiguïté des sentiments, Leila Slimani séduit par son écriture clinique et sa rage dans son combat en faveur des Marocaines. Sa forte personnalité solaire se confronte à ses angoisses les plus intimes, puisqu’elle déterre les sujets les plus sinistres tels que : le regard odieux sur la libido des femmes ou l’infanticide…

Avec « Le Pays des autres » (Grand Prix de l’héroïne Madame Figaro 2020), premier volet d’une trilogie familiale, elle dénonce « l’hypocrisie de la société marocaine ». Roman personnel, il retrace ses origines, le sentiment d’être étranger dans une société étriquée, ne laissant aux femmes et à la littérature qu’une petite part de liberté.

Invitée en 2021 à passer une nuit blanche, seule, dans le musée de la Pointe de la Douane à Venise, Leïla Slimani se trouve face à des oeuvres qui lui parlent peu. De cette impasse, elle raconte les hauts et les bas de la situation d’écrivain, ainsi que l’enfermement et la liberté procurés par l’écriture dans Le parfum des fleurs la nuit. Un exercice littéraire qui dévoile tout le talent de sa plume. Elle publie un volume très personnel dans la série « Ma nuit au musée » (Stock), Le parfum des fleurs la nuit, ainsi qu’un roman graphique illustré par Clément Oubrerie, À mains nues (Les Arènes) sur la vie de Suzanne Noël, pionnière de la chirurgie esthétique.

Elle sort par la suite « Regardez-nous danser » le deuxième volume du "Pays des autres", sa fresque familiale, où les personnages évoluent dans un Maroc pris entre son désir d'émancipation et un monde en pleine révolution sociétale.

Initiatrice du collectif des « Hors la loi »

Fervente défenseure des droits des femmes, elle est aussi l’initiatrice du collectif des « Hors la loi » avec la réalisatrice Sonia Terrab. Le collectif qui s’insurge contre l’article 490 du Code pénal marocain punissant d’un mois à un an d’emprisonnement -« toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles »-, a remporté le prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes 2020.

Lorsqu’on lui demande son avis sur le prochain code de la famille qui sera bientôt dépoussiéré, elle se dit « optimiste » car c’est un sujet pour lequel elle « milite depuis des années, à travers le collectif, …Le Maroc, comme pays africain, arabe et musulman occupe une place à part, et dans le monde, les gens posent un regard bienveillant sur ce pays, ils sont optimistes, ils veulent que ce pays soit à la hauteur de la modernité qu’il incarne aujourd’hui ».

Leila Slimani se consacre aujourd’hui principalement à l’écriture et est également l’autrice de récits, d’essais et de bandes dessinées.