Publicité audiovisuelle. Les clichés sexués et les stéréotypes persistent
Latifa Akharbach, présidente de la HACA,

La publicité audiovisuelle au Maroc n'échappe pas à la tendance et la représentation discriminante à l'égard des femmes sévit toujours malgré une certaine évolution. C'est ce que révèle une récente étude de la HACA.

Les clichés sexués et les stéréotypes de genre ont la vie dure et arrivent toujours à se glisser dans les publicités marocaines de ces dernières années. C'est ce qui ressort de l'étude réalisée par la Haute autorité de la communication audiovisuelle sous le thème « la représentation des femmes dans la publicité audiovisuelle ». Présentée lors d'un atelier interactif organisé à Rabat, cette étude a été réalisée à partir d'une analyse pluriannuelle de plus de 750 spots publicitaires diffusés en prime time sur les chaînes de télévision publiques pendant le mois de ramadan des années 2020, 2021, 2022 et 2023.

La pub façonne l'imaginiare 

Pourquoi au juste ce focus sur la publicité ? " Par son omniprésence, sa prolixité, son accessibilité et sa créativité, la publicité contribue au façonnement de l’imaginaire collectif et conditionne les identités, les perceptions et les pratiques sociales " explique la HACA. Consciente du " pouvoir " de la publicité et de son rôle essentiel dans la construction de la figure de la femme dans l’espace public social, " la HACA a réalisé cette étude dans le cadre de son engagement en matière de promotion de la culture de la parité et en tant que signataire de la Déclaration de Marrakech.

Si l’étude détecte certaines évolutions positives en matière de représentation des femmes dans la publicité audiovisuelle, elle note cependant la persistance du traitement discriminatoire de l'image féminine. "Le principal progrès est relatif à la diminution du nombre de publicités contenant des stéréotypes de genre ", note la HACA.

Recul quantitatif

D'après les résultats de l’étude, en 9 ans, la part des publicités non stéréotypées a été multipliée par 5 en passant de 9 % en 2014 à une quote-part de 51 % en 2023. Autre constat positif, une tendance plus prononcée vers plus de mixité et d’équilibre dans la représentation des femmes et des hommes dans les publicités, même si ça reste restreint à certains secteurs.

Une évolution quantitative qui n'est pas forcément qualitative. L'étude note la persistance des clichés sexués qui sont véhiculés par les publicités. Comment ça ? D'après l'analyse de la HACA, la femme continue à être majoritairement assignée à la sphère domestique malgré une augmentation de sa représentation dans la sphère professionnelle. " Les hommes sont plus fréquemment représentés en situation de pouvoir et de contrôle et les femmes plus représentées en subalternes ", note l'étude.

La femme toujours aussi accablée 

Au-delà de cette image stéréotypée, les communications publicitaires comportent des messages et usent de mises en scène légitimant la charge mentale des femmes. Dans les publicités marocaines, ces dernières sont toujours les responsables premières et parfois exclusives du bien-être de la famille, de l’exécution des tâches ménagères, des soins aux enfants… Une vision sexiste qui fait fi de l'émancipation de la femme marocaine et de ses autres rôles dans la société et l'économie nationale.

« La représentation discriminante et stéréotypée des femmes et des hommes dans les médias obère le potentiel des sociétés en matière de développement et de démocratisation " commente Latifa Akharbach, présidente de la HACA, lors de la présentation de l'étude. " Or, au moment où le chantier décisif de la réforme de la Moudawana est ouvert dans notre pays, la consolidation de la culture de la parité, de la diversité et de l’égalité citoyenne apparaît comme une urgence et un atout fondamental pour réussir les réformes et pérenniser les acquis dans ce domaine ", ajoute Akharbach en appelant à une mobilisation collective en faveur d’une représentation juste des femmes dans les médias.

Rappelons que trois articles de la loi n° 77.03 relative à la Communication audiovisuelle, ont introduit, en 2015, des dispositions explicites en matière de promotion de la culture de l’égalité entre les hommes et les femmes et de lutte contre la discrimination et les stéréotypes de genre, y compris à travers la publicité. L’exemple de l"article 2.3 est éloquent. Il intègre dans la liste des publicités interdites celle « portant atteinte à la femme ou comprenant un message de nature à diffuser des stéréotypes négatifs ou une image d’infériorité ou à inciter à une discrimination à l’égard de la femme en raison de son sexe ».