Mawazine 2024. Le chanteur de Jazz américain Gregory Porter illumine le théâtre Mohammed V
Gregory Porter subjugue le public du théatre Mohammed V- Mawazine 2024.

Réputé pour sa voix chaleureuse de baryton et sa marque terreuse et croisée de Jazz, de soul et de gospel, la légende américaine du Jazz vocal Gregory Porter a livré jeudi soir une performance exceptionnelle et un concert qui restera longtemps dans les annales.

« Je suis très excité de me produire pour la première au Maroc et de jouer devant un nouveau public, surtout en Afrique, nous a confié l’interprète de « There will be no love that's dying here » pour qui « l’Art est une sorte de catharsis et un moyen de guérison qui nourrit les esprits ».

Gregory Porter subjugue le public du théatre Mohammed V- Mawazine 2024.

Dès sa première apparition sur scène, Gregory Porter a conquis le cœur de son audience avec sa voix puissante et ses expressions émotionnelles riches. Accompagné de ses musiciens prodigieux, le chanteur a créé une harmonie parfaite, fusionnant des mélodies jazz intemporelles avec des arrangements contemporains exaltants.

Ses mouvements gracieux et sa présence magnétique ont illuminé chaque coin de la salle, laissant place à une connexion authentique et intimiste avec les amateurs de jazz et de soul.

Les solos instrumentaux ont été particulièrement saisissants. Chaque membre de l'orchestre a démontré une virtuosité remarquable, contribuant à créer une toile sonore riche et dynamique qui a enrichi chaque morceau interprété.

Auteur-compositeur, chanteur et acteur américain, Gregory Porter est influencé par la musique soul de Marvin Gaye et par le jazz de Nat King Cole. En 2010, il sort son premier album « Water » qui reçoit d'excellentes critiques.

Gregory Porter- Mawazine 2024.

En 2013, la superstar internationale du jazz sort son troisième album intitulé Liquid Spirit qui confirme son succès aux États-Unis et en Europe. L’album remporte le Grammy Award du meilleur album de jazz vocal. Acteur de théâtre, il s'est aussi illustré à Broadway, dans la comédie musicale "It Ain't Nothin' But the Blues".

Après un album de concert enregistré en 2018 au Royal Albert Hall de Londres, il a de nouveau présenté son écriture de chansons infusée de R&B avec All Rise en 2020, avant de rassembler des standards, des pièces originales et des duos de stars pour l'album compagnon de 2021, Still Rising.

C’est votre première fois au Maroc. Quel est votre sentiment de vous produire à Mawazine ?

Je suis très excité d’être ici. C’est ma première fois au Maroc, j’aime l’idée de jouer pour un nouveau public, j’ai été un peu partout dans le monde, et c’est toujours spécial pour moi de pouvoir me produire en Afrique, avec toute la beauté de l’histoire de cette terre et les traditions de son extraordinaire musique ; et le fait de faire partie de tout cela, d’y apporter ma petite contribution, c’est super, je suis très excité.

Parlez-nous un peu de votre histoire d’amour avec Nat King Cole ?

Quand j’avais 6 ou 7 ans, c’était interdit pour nous de toucher le tourne-disque et les disques de ma mère, mais il y avait un truc dans ses photos, sur les couvertures de ses disques, qui renvoyait à une image de père pour moi, moi qui n’avais pas de père à cette époque, et fait d’écouter sa musique, « Smile…pretend you’re happy when you’re blue, … », c’est quelque chose qui m’a marqué pendant des années et ce que j’ai appris et retenu avec le temps, c’est d’aimer et d’être aimé en retour. En fait, la musique de Nat King Cole s’apparente à des conseils d’un père, … j’ai écouté ses chansons pendant des années et il demeure une grande inspiration pour moi et sa musique m’a marqué pendant les moments difficiles que j’ai traversé dans ma vie après la mort de ma mère. J’ai écouté en boucle ses disques un après l’autre, pas uniquement parce que c’était la musique que ma mère aimait mais parce que ça me faisait du bien, et ça m’aidait à me sentir meilleur pendant les pires moments de ma vie.

La plupart de vos albums sont personnels. Ça traite d’amour, de douleur, d’injustice et de racisme. Est-ce que la musique est une sorte de catharsis pour vous ?

Sans aucun doute et je sais que tout ce que j’ai traversé dans ma vie n’est pas nouveau, … j’ai réalisé que mes écrits parlent de tout ce qui me touche et qui me tient vraiment à cœur : les gens que j’ai vraiment aimé, les douleurs et les blessures profondes, …je pense que la musique est quelque chose qui nous unit et j’ai appris que grâce à l’art, on peut surmonter plusieurs épreuves et obstacles dans la vie. La musique est un moyen de guérison qui permet d’exorciser tous nos maux et grâce à l’art, on peut se faire comprendre. La musique peut transcender les frontières linguistiques et culturelles, elle est un langage universel de compréhension et de connexion. Je peux véhiculer des messages politiques qui auront un écho dans le monde entier, d’ailleurs, dans n’importe quel endroit où il y a une guerre, je peux chanter « There will be no love that"s dying here » (Il n’y aura pas d’amour qui mourra ici).

Dans vos albums « Rise All » et « Still Rising », il est question d’amour mais aussi beaucoup de contestation. Considérez-vous comme un artiste engagé ? Pensez-vous que l’Art peut changer les choses ?

Je pense que oui. Je pense que ça a toujours été le cas, vous savez, protester contre quelque chose ne signifie pas forcément casser des portes, … vous pouvez avoir un impact sur les gens de manière pacifique à travers l’amitié par exemple, ça peut être la protestation de la compréhension. Aux Etats-Unis, on a des manifestations non violentes où on peut montrer l’humanité des gens de couleurs, des gens pauvres, des gens qui ont touché le fond depuis longtemps, … et quand vous faites cela, vous choquez et réveillez la conscience de ceux qui sont au pouvoir, c’est une protestation calme mais très forte.

Cela fait quoi d’interpréter des chansons devant leurs vrais chanteurs. Par exemple « It’s probably me » de Sting ?

Oui, j’ai eu l’occasion dans ma vie d’interpréter des morceaux de plusieurs d’artistes extraordinaires et Sting en fait partie, tout comme Smokey Robinson, Herbie Hancock, …Tous ces idoles…ça vous émeut et en même temps vous vous sentez fier parce qu’on vous considère artistiquement parlant, et cette reconnaissance par vos pairs vous remplit de joie... Le fait de chanter devant Sting lors de Polar Music Prize était particulier, il y avait de la famille royale, Sting en face, beaucoup d’cônes de jazz, donc j’étais un peu nerveux mais c’était beau en même temps.

Vous avez une idée sur la musique marocaine ?

J’aurais aimé me rappeler des noms d’artistes marocains que j’ai eu l’occasion d’écouter jouer, … en fait, je connais un peu la musique marocaine, j’adore les sonorités et les rythmiques que j’essaie de comprendre, et j’aimerais bien collaborer un jour avec un artiste marocain. J’ai entendu parler de la fusion que Marcus Miller a fait avec un maâlem gnaoui lors du festival d’Essaouira, et je trouve cela génial. Marcus incarne un peu l’Histoire de la musique et son génie a marqué les 50 dernières années de la musique, les frontières de sa musique n’ont pas de limites, c’est un artiste extraordinaire et j’aimerais bien jouer avec lui un jour, je devrais d’ailleurs l’appeler pour qu’il me briefe un peu sur la musique marocaine.