Immobilier. Une demande en hausse, une offre à la traîne.
Anice Benjelloun, vice-président de la fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI).

Programme d'aide directe au logement, quitus fiscal, nouvelles dispositions relatives aux compromis de vente, législation sur les garanties accordées aux acquéreurs... Le vice-président de la fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), Anice Benjelloun, partage sa vision.

Quel est l'état actuel du secteur immobilier et quelle est votre évaluation du programme d'aide directe au logement ?Le secteur immobilier souffre d'un manque flagrant de données. Actuellement, il n'existe pas d'observatoire immobilier capable de fournir des informations précises sur le nombre de transactions effectuées, ni sur leur typologie. Il est impossible de déterminer si ces transactions concernent des ventes d'appartements neufs ou anciens, ou de savoir quels types de logements sont impliqués, qu'il s'agisse de logements sociaux, intermédiaires ou haut de gamme, ainsi que les prix correspondants.Ce manque d'informations entrave notre capacité à évaluer le nouveau programme d’aide directe au logement. De plus, nous n'avons aucune visibilité sur le nombre d'opérations immobilières lancées en réponse à ce programme, ni sur le nombre de logements qui ont été autorisés. En tant qu’opérateurs, nous ne percevons pas de véritable relance du secteur, car l'offre ne répond pas à la demande croissante.De nombreuses demandes ont été enregistrées sur la plateforme dédiée au programme. Quelles sont les raisons de ce décalage entre la demande croissante et une offre qui peine à suivre ?Pour relancer le secteur immobilier, il est essentiel de connaître le nombre de nouveaux chantiers lancés et les demandes d'autorisation de construire déposées. Les retours des professionnels indiquent une demande claire pour des logements à moins de 300 000 dirhams, témoignant d'un véritable engouement. Cependant, l'offre reste insuffisante. Même pour les logements se situant entre 300 000 et 700 000 dirhams, la demande est présente, bien que le programme soit principalement actif dans les villes de taille moyenne. Dans les grandes agglomérations, cette situation devient problématique, car très peu de promoteurs s'engagent dans ce processus. La rentabilité des projets de logements à moins de 300 000 dirhams est difficile à atteindre, malgré une demande élevée, ce qui entrave le développement du marché.De nouvelles dispositions ont été introduites pour les compromis de vente suite aux récents amendements du Code des droits réels. Qu’en pensez-vous ?Les récents amendements au Code des droits réels imposent un formalisme contractuel strict pour les compromis de vente et les procurations afférentes. Bien qu'ils ne présentent pas d'innovations majeures, ces changements exigent désormais que le compromis soit établi par un avocat ou un notaire, sans introduire d'autres obligations particulièrement contraignantes pour le secteur. La sanction associée à cette nouvelle exigence est la nullité de l'acte.Cela dit, il est toujours possible pour les particuliers de réaliser des réservations et aux promoteurs de recevoir des avances, à condition de fournir des reçus. En revanche, le compromis de vente doit dorénavant être notarié, alors qu’auparavant cela ne posait pas de problème.D’autres mesures ont été aussi introduites comme le quitus fiscal. Quel impact sur la profession ?Les ventes immobilières au Maroc sont désormais soumises à l'obtention d'une régularité fiscale, principalement en ce qui concerne les taxes communales, telles que la taxe sur le terrain non bâti et la taxe d'habitation. Cependant, certains percepteurs ont élargi cette exigence pour inclure un quitus fiscal global, ce qui complique considérablement le processus de vente. En conséquence, de nombreuses transactions ont été suspendues ou n'ont pas pu être réalisées. Cette situation varie selon les villes et dépend de l'interprétation des règles fiscales. Il est donc impératif de clarifier ce processus pour éviter toute confusion et faciliter les ventes immobilières.Qu’en est-il de la nouvelle législation relative à la garantie accordée aux acquéreurs ?L’article 573 du Dahir formant Code des Obligations et Contrats (DOC) a récemment été amendé, offrant aux acquéreurs un délai de deux à cinq ans pour ester en justice en cas de vice rédhibitoire ou de non-conformité du bien immobilier acquis. Cette nouvelle législation renforce la garantie accordée aux clients, mais elle présente des zones d’ombre. Bien que le texte stipule que le promoteur doit fournir une garantie d’au moins deux ans, la date de référence pour ce délai demeure floue, laissant planer le doute quant à savoir si elle commence à compter de la date d'achat, de la date de construction ou du permis d'habiter.De plus, il subsiste une incertitude quant à l’applicabilité de cette garantie aux logements anciens. Parallèlement, il est important de noter que les promoteurs immobiliers font souvent appel à divers sous-traitants, dont les garanties ne dépassent généralement pas un an. Cette situation soulève des questions quant à la capacité des promoteurs à offrir une garantie minimale de deux ans, ce qui crée une contradiction inhérente dans le cadre de la nouvelle législation.