Code de procédure civile : Les avocats boycottent les audiences
Les avocats s'accrochent au dialogue jusqu'au bout

Le torchon brûle toujours entre les Robes noires en grogne et le Ministère de la Justice. Face à « l’absence de dialogue », ils passent à la vitesse supérieure et décident de boycotter les audiences des affaires criminelles et de déserter les caisses des tribunaux pendant deux semaines, à partir de ce lundi. Le point avec l'ABAM

Le ton monte d’un cran entre les avocats et la tutelle. L’Association des barreaux du Maroc (ABAM), le porte-bannière des Robes Noires ne lâche pas du lest et annoncent de nouvelles formes de protestation contre le controversé projet de loi sur la procédure civile. En plus du boycott des audiences des affaires criminelles pendant deux semaines, les avocats vont déserter les caisses des tribunaux pour la même durée. Ils comptent également observer, chaque jeudi, un sit-in hebdomadaire d’une heure de 11h00 à midi dans l’ensemble des tribunaux du pays.Une nouvelle escalade mettant la pression sur la tutelle qui « fait la sourde oreille » face à leurs revendications et leurs protestations. « Ce n’est pas une escalade. Nous aurions pu adopter ces mesures dès le début or nous avons opté pour le dialogue. Depuis l’élection du nouveau bureau de l’Association des barreaux du Maroc en mars 2024, nous n’avions de cesse de tenter d’ouvrir et de relancer le dialogue avec le ministre de la Justice Abdelatif Ouahbi et avec la Tutelle. Non seulement à propos du projet de loi sur la procédure civile mais aussi concernant tous les projets de lois à venir », explique à L’Observateur du Maroc et d’Afrique maître Hatim Beggar, membre du bureau de l’ABAM.Plusieurs tentativesEstimant que les avocats sont les premiers concernés de par l’exercice sur le terrain et étant au plus près de la réalité dans les tribunaux marocains, l’avocat nous affirme que l’association a déjà présenté au ministère ses propositions pour améliorer les textes et bonifier la réforme. « Nous avons travaillé en concertation avec les partis politiques et les groupes parlementaires. Nous avons organisé des débats et des rencontres scientifiques animées par des experts et des juristes renommés pour un projet de loi amélioré émanant des professionnels et inspiré par la réalité... pourtant tous ces efforts ont été confronté à la sourde oreille du ministère. Le projet de loi sur la procédure civile a été finalement adopté sans que les remarques et les propositions, concernant la profession, ne soient prises en considération », déplore maître Beggar.Un dialogue quasi-absent et un échange contre-productif comme le qualifie l’ABAM dans un communiqué rendu public, à l’issue d’une réunion tenue jeudi dernier. L’association annonçait alors son nouveau programme de protestation pour faire entendre sa voix. Adoptée par le Conseil de gouvernement en août 2023​, la réforme du Code de Procédure Civile (CPC) est présentée par le ministre de la justice comme une réponse aux mutations socio-économiques du pays. Selon ce dernier, cette initiative vise principalement à simplifier les procédures et constitue un moyen pour lutter contre la lenteur administrative au sein du système judiciaire marocain​.Atteintes aux droits De « bonnes intentions » qui en cachent de graves atteintes au droit des citoyens à un accès équitable à la justice mais aussi à la profession d’avocat, comme le soutient Maître Hatim Beggar. « Ces dispositions représentent une véritable atteinte aux droits constitutionnels des citoyens. Lorsque les discours officiels et le texte de la Constitution insistent sur le droit à une justice équitable, efficace, est-ce qu’on désigne un « délégué » pour assurer la défense du citoyen au tribunal ? C’est un droit fondamental que d’avoir un avocat attitré et professionnel pour être bien défendu au tribunal comme c’est un droit d’avoir un vrai médecin pour se faire soigner », argumente l’avocat.Autre point de discorde, l’article 17 du nouveau code qualifié par l’ABAM d’inconstitutionnel. Cet article stipule qu’un jugement définitif peut être annulé et contesté par le parquet même des années après sans limitation de délais. Un pouvoir accru et élargi accordé par la réforme qui inquiète les avocats à plus d’un titre et spécialement par rapport à la sécurité juridique. « Nous attendons toujours la réponse de la Cour constitutionnelle par rapport à cet article », note l’avocat.Appel au dialogueUn projet de loi « régressif » selon les avocats qui menace les droits des citoyens mais surtout la profession et qui limite largement son champ d’action. « Si la tutelle estime que les avocats n’ont pas un rôle à jouer dans le processus juridique au Maroc, peut être que l’on devrait ôter la Robe Noire », s’insurge Beggar en déplorant l’absence de réactivité et de dialogue.« L’Objectif avec ces nouvelles formes de protestation n’est pas de paralyser les tribunaux qui sont déjà paralysés par les grèves d’autres corps de métiers de la justice. Notre objectif c’est de réclamer l’ouverture d’un dialogue constructif et fructueux pour un texte de loi bonifié et une mise à niveau de la profession d’avocat en général. Jusqu’à maintenant nous n’avons pas reçu de réponse ou de convocation de la part de la tutelle pour dialoguer », ajoute le représentant de l’ABAM.Ce dernier nous apprend que l’association a reçu cependant une invitation pour un dialogue télévisé sur une chaine nationale. Une invitation déclinée par l’ABAM. « Certes nous aimerions éclairer l’opinion publique, mais nous avons un dossier revendicatif qui doit être défendu et discuté en détail avec la Tutelle dans un cadre professionnel », conclut Beggar.