La PME marocaine: Un levier économique encore en panne

Par LOUBNA MOUNTASSIR

ENTREPRENARIAT Le paysage économique et industriel marocain peut être difficilement dissocié de celui des PME qui constituent environ 95% de son tissu productif. L’atonie actuelle dont souffre la croissance économique nationale puise également ses racines dans les difficultés auxquelles font face les PME.

Avec plus de 50% des effectifs employés, 50% de l’investissement, 30% des exportations et 40% de la production, la PME joue un rôle central dans la dynamique économique et sociale du pays en tant que vecteur de la promotion de l’emploi et de la distribution des richesses. Ces données s’inscrivent parfaitement dans la lignée du benchmark établi dans le rapport Doing Business 2013. D’ailleurs, après plus d’une décennie de publication, les économistes de la Banque Mondiale ont décidé de changer la méthodologie de ce rapport afin d’y inclure des critères spécifiques liés au développement des PME dans les pays sondés.

En tout cas, l’une des difficultés qui subsiste à l’heure actuelle réside dans la modélisation économique des profils disparates des PME marocaines, dominées à 97% par les micro-entreprises dont plus de 60% sont occultées dans le secteur informel selon les statistiques du ministère de l’Economie et des Finances en 2010. Il en ressort donc deux types de problématiques. En amont, plusieurs individus, désireux d’échapper à la précarité de leur situation et à la médiocrité de leur rémunération dans le secteur informel, se lancent dans l’entrepreneuriat sans évaluation préalable et du marché et de l’étendu de la demande latente. En aval, la survie de l’entreprise tient de son interaction avec son environnement et son adaptation à un paysage concurrentiel en constante mutation conditionné par un certain nombre de contraintes.

A ce juste titre, le baromètre conjoncturel établi par l’Observatoire Marocain de l’Industrie fait état de ces obstacles matérialisés par une faiblesse des moyens humains et techniques renforcée par une absence de politique managériale incitative et conjuguée à un manque de maîtrise de l’évolution des marchés, de lenteurs au niveau des procédures administratives, d’une faible capacité d’investissement et d’un manque de formation. Autant de contraintes pouvant sembler rédhibitoires lorsque l’on tient compte de l’accroissement des exigences en termes de qualité et de compétitivité des exportations dans une économie libérale.

Laquelle prône une politique d’ouverture régionale et internationale. Ainsi, l’accumulation des facteurs susmentionnés explique largement la sous capitalisation des PME marocaines, leur faible contribution à la création de valeur ajoutée (20% seulement) et leur difficile accès aux financements. Un constat que confirment les chiffres du ministère de l’Industrie : 71% des investissements industriels ont été autofinancés au premier semestre 2013. Les banques constituent la source de financement externe privilégiée des PME à cause des difficultés d’accès aux autres modes de financement disponibles malgré la panoplie de produits financiers proposés tels que le crédit-bail ou plus récemment le capital risque. Concernant le marché boursier, la création du 3ème compartiment dès l’an 2000, aussi ambitieuse qu’elle puisse paraître, n’a pas produit tous les effets escomptés à cause du manque d’adéquation entre les impératifs de communication et de bonne gouvernance dictés par le CDVM et la capacité des PME à répondre aux standards attendus. Force est de constater que les investisseurs, averses de nature au risque, engagent peu ou pas de fonds dans des structures économiques offrant peu de visibilité sur leurs états financiers.

En effet, rares sont les entreprises marocaines qui communiquent spontanément leurs résultats annuels. Les données publiques gratuites sont, quant à elles, livrées avec parcimonie et bien en retard : les dernières statistiques de l’Observatoire de l’Entrepreneuriat, par exemple, datent du 1er semestre 2011. Néanmoins, si les initiatives publiques et privées consenties traitent en profondeur des défis financiers qui fragilisent les PME, d’autres problèmes subsistent fortement et amenuisent la force de frappe des mesures engagées dans le cadre du Plan Emergence. Citer les contraintes causées par les lourdeurs administratives et l’existence d’une fiscalité particulièrement désavantageuses pourraient sembler redondant, car ceci s’applique à toutes les entreprises nationales, indépendamment de leur taille ou de leur secteur d’activité. Les professionnels du secteur dénoncent, quant à eux, des problèmes plus spécifiques liés notamment aux délais de paiement non maîtrisés.

En effet, s’il y a un réel problème qui accentue, compte tenu de la situation réglementaire actuelle, les défaillances des entreprises marocaines, c’est bien la fixation aléatoire et non contractuelle des délais de règlement. Les PME n’en sont que plus vulnérables du fait des délais courts dont elles jouissent comparativement aux entreprises de taille plus conséquente. Par ailleurs, la PME marocaine rencontre des difficultés non négligeables quant à l’accès aux marchés publics du fait de la compétitivité des prix des prestations offertes par les grandes entreprises qui réalisent davantage d’économies d’échelles. En consacrant exclusivement un pourcentage des marchés publics aux PME, l’Etat permettrait de renforcer efficacement et de manière ciblée l’éventail de mesures d’appui financier indirect octroyées. Notons que le programme Imtiaz par exemple, ne couvre, annuellement, qu’une cinquantaine d’entreprises. En somme, il semblerait que le financement ne soit pas le seul enjeu de taille auquel nos PME doivent faire face. Les mesures d’appui financier indirect ainsi que les initiatives d’accompagnement logistique et technique accordées doivent inscrire leur champ d’intervention dans une logique constructive visant à aider les PME à se focaliser sur l’innovation plutôt que de faire de leur survie un but ultime. купить сетевые фильтр