USA : La surenchère démocrate
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Par Vincent Hervouët 

C’était irrésistible et Bernie Senders n’a pas résisté

Le sénateur du Vermont repart en campagne. Il est candidat à la primaire démocrate pour l’élection présidentielle de 2020. Il a 77 ans et demi, mais l’adulation des foules est une drogue, un élixir de jouvence. En 2016, il avait créé la surprise et soulevé l’enthousiasme jusqu’au fond du Midwest où l’électorat populaire qui vote traditionnellement républicain était sensible à son discours social. Bernie Sanders était la vedette « à gauche, toute ! », autant que Donald Trump l’était à droite. Hillary Clinton a fini par le supplanter, mais en trichant.

Qu’importe ! Le vieux sénateur qui fustigeait « les millionnaires et les milliardaires »a gagné la bataille des idées. Il a fait basculer à gauche le centre de gravité du parti Démocrate.

Le sénateur indépendant mais rattaché au Parti démocrate se déclare socialiste «à la scandinave». Dans le Vermont, il y a davantage d’ours, de lacs et de forêts que d’électeurs. On peut se faire des Etats-Unis une certaine idée de la Suède...

Pendant sa campagne, Bernie Sanders proposait une sorte de sécurité sociale, l’université quasi-gratuite, le congé maternité rémunéré, la baisse des budgets militaires et même l’impôt sur la fortune... Autant d’idées exotiques au pays de l’oncle Sam, mais qui font désormais débat. L’ère populiste dont a profité Donald Trump ne laisse personne indifférent. Le programme de Bernie Sanders a été repris par l’aile gauche du parti démocrate. Tout comme son mode de financement de campagne qui fait appel aux petits donateurs via les réseaux sociaux et qui est désormais obligatoire pour les candidats démocrates.

Le vieux mâle blanc hétérosexuel

Bernie Sanders risque pourtant d’être victime de son succès. Il avait créé la surprise, en tenant tête à Hillary Clinton, incarnation vivante de l’oligarchie et des instances du parti. Lui-même apparaît désormais comme le représentant d’une génération dépassée par les évènements. Il a perdu la fraicheur de la nouveauté. Il n’est qu’un candidat parmi trente et pas forcément le mieux placé.

Les élections du. Midterm ont profondément renouvelé le Congrès. Le Parti a misé sur les femmes, les jeunes, les minorités. Avec succès. Alors que Bernie Sanders reste terriblement Wasp (White, Anglosaxon, Protestant). Un « vieux mâle blanc hétérosexuel » aux yeux de la nouvelle aile gauche qui s’est radicalisée. Sur le développement durable, avec le « Green New deal » qui se fixe comme objectif à dix ans 100% d’énergie renouvelable et zéro émission carbonée. Sur le plan fiscal, avec un taux d’imposition à 70% comme le propose Alexandria Ocasio-Cortez, la benjamine de la Chambre des représentants. Elle a 29 ans et cette chipie a chipé à Bernie Sanders sa couronne de chef rebelle. Le paradoxe du parti Démocrate et le danger qui le menace sont dans cette surenchère. Sur le papier, l’avenir est radieux : le parti a pris le contrôle de la Chambre en raflant le vote populaire, notamment dans les banlieues où vit la classe moyenne. Il a renouvelé ses élus et remporté le bras de fer du « Shutdown ». Enfin, Donald Trump est cerné par les affaires qui l’isolent et les critiques féroces de l’administration finissent par entamer son crédit. Mais si l’on y regarde de plus près, on réalise qu’en novembre, les candidats les plus radicaux n’ont pas fait basculer une seule circonscription tenue par les Républicains. Alors que les modérés l’ont emporté dans 23 cas sur 29 ! Être radical est donc un atout pour se faire connaître, mais un handicap pour se faire élire. C’est même un repoussoir efficace quand il s’agit de ratisser large, dans le cadre d’une Présidentielle.

La gauche que la droite adore détester

On peut aussi se dire qu’après quatre ans de véhémence, peut-être que les Américains aspireront à un peu de bienveillance, d’autorité sereine et de modération. Pas à lanouvelle tornade que propose un vieux sénateur gauchiste ou la génération montante qui se tient si loin de l’Amérique profonde. Donald Trump a été l’un des premiers à saluer l’entrée en campagne de Bernie Senders. Il dit qu’il l’aime bien. On peut le croire : cet amour n’est pas désintéressé ! Le Sénateur si facile à caricaturer est le type même d’adversaire que la droite républicaine adore détester.

Leur duel serait un combat épique. Un combat d’un autre âge !

Peut-être que les campagnes électorales devraient être comme les albums de Tintin. Recommandées de 7 à 77 ans, de l’âge de raison à l’âge de la retraite la mieux méritée. Mais il n’est pas sûr que Bernie Sanders ait jamais eu l’âge de raison…