MALI Pour IBK, les ennuis commencent
Mireille DUTEIL

Lorsque le roi Mohammed VI, aux côtés d’une dizaine de chefs d’état, avait assisté à l’intronisation du nouveau président malien, Ibrahim Boubacar Keita, c’était pour lui apporter leur soutien dans les difficultés qu’il ne manquerait pas de rencontrer. IBK comme l’appellent les Maliens, n’aura pas eu longtemps à attendre pour voir de graves problèmes ressurgir. Au point de devoir rentrer précipitamment, le 1er octobre, de Paris où il était en voyage officiel. Première source d’inquiétude : la question touarègue. Les mouvements touaregs ont rompu les négociations avec les autorités, les accusant de ne pas respecter les accords de Ouagadougou signés en juillet. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) revendique à voix basse l’indépendance, et à voix haute, une large autonomie dans un cadre fédéral. IBK refuse les deux. Kidal, « capitale » de la région touarègue, à l’extrême nordest du Mali, où leurs troupes sont cantonnées mais non désarmées, est une cocotte-minute.

Dimanche, elle a explosé à la suite d’un incident. Touaregs et armée malienne se sont affrontés à la mitrailleuse lourde tandis que les soldats français (ils sont 100 à Kidal) et les Africains de la Minusma (Mission des Nations unies) tentaient de les séparer. Il ne sera pas facile de calmer les combattants du MNLA et des autres groupes touaregs, de leur faire accepter l’administration malienne dans leur zone et de reprendre les négociations. Deuxième problème, et pas des moindres : l’armée. Samedi passé, de jeunes sous-officiers du camp de Kati dirigé par le capitaine putschiste Amadou Sanogo, ont pris les armes contre leur chef. Ils lui reprochent de les avoir oubliés dans la récente distribution des grades. Ils ont même pris en otage son directeur de cabinet, un colonel, envoyé comme médiateur. Cet été, le capitaine Sanogo avait été promu général de corps d’armée par le président par intérim, Diacouda Traoré. Peu de temps après avoir été chargé de diriger la commission de refonte de l’institution militaire. C’était mettre le renard dans le poulailler, mais aussi le moyen d’obtenir sa neutralité.

IBK s’est ensuite efforcé d’obtenir son soutien pendant sa campagne électorale. Le problème de fond est que l’armée n’existe plus depuis sa débandade contre les djihadistes en 2012. La France et l’Union européenne se sont attelées à la formation des troupes. Dernier problème : les djihadistes. Ils se sont réorganisés au sud de la Libye et le 29 septembre, ont organisé un attentat kamikaze spectaculaire à Tombouctou, à l’intérieur de la caserne de Tombouctou, tuant 14 militaires et 2 civils. En outre, ils disposeraient d’un « centre d’entraînement » de futurs kamikazes, non loin de la frontière malienne. Un attentat était à craindre depuis la nomination officielle par Abdelkader Droukdel, émir d’Aqmi, de deux nouveaux chefs de Katibate au Sahara/Sahel en remplacement de ceux qui avaient été tués en février lors de l’opération Serval. L’un, l’Algérien Saïd Abou Moughati remplace le fameux Abou Zeïd ; l’autre, le Mauritanien Abderrahmane alias Talha, a rejoint Aqmi en 2006. En 2012, c’est lui qui dirigeait les djihadistes qui occupaient Tombouctou. Il avait peut-être gardé des accointances dans la ville des 333 saints.