Les banques desserrent la vis sur les crédits

FINANCEMENT La tendance était au resserrement des crédits, mais la situation semble changer. Certains établissements ont desserré l’étau en août, mais pas pour tout le monde.

Selon les indicateurs clés des statistiques monétaires du mois d’août 2013 publiés par Bank Al-Maghrib, les crédits bancaires, à la fin des huit premiers mois de l’année 2013, seraient en hausse de 2,6% par rapport à la même période en 2012. A fin août 2013, un bond de plus de 18 milliards de DH a été enregistré en comparaison à la même période de 2012. Bank Al- Maghrib relève que l’accélération du crédit bancaire en août s’explique essentiellement par la hausse de 1,2% des facilités de Trésorerie et de 1,4% des crédits aux promoteurs immobiliers contre des baisses respectives de 0,8 et de 2% en juillet. Pour ce qui est des autres catégories de crédits, les prêts à la consommation ont ralenti de 2,9 à 2,4% et ceux destinés à l’équipement de 1,2 à 0,7% en relation avec la décélération des prêts accordés aux sociétés non financières publiques de 13,2 à 6,2%. Par agent économique, les concours alloués au secteur privé ont accéléré de 1,2 à 2,5%, suite à la hausse de 1% des prêts accordés aux sociétés non financières privées après une baisse de 1,6% en juillet et à la décélération de l’accroissement des crédits destinés aux ménages de 5,7% à 5%. Quant aux prêts accordés aux sociétés non financières publiques, leur rythme de progression est revenu de 21,8% à 13,3%. «Depuis Janvier, les banques ont durci leurs critères d'octroi de crédits à l'habitat, en raison notamment de la dégradation des perspectives concernant l'activité économique», analyse Alain Cloutier, un expert financier. Et d’ajouter : «Si l'horizon s'éclaircit sur le front de l'habitat, les banques demeurent en revanche plus rigides du côté des crédits à la consommation. Les critères sont restés à leur niveau des mois précédents. Il y a même un accroissement des marges des banques sur les dossiers de crédits à la consommation les plus risqués ».

Toutefois, le même document de Bank Al-Maghrib fait ressortir une explosion des créances bancaires en souffrance. Ces dernières ont en effet augmenté de 12,7% par rapport à fin 2012 et de 12,5% en glissement annuel, se maintenant ainsi au-dessus de la barre symbolique des 5% de l’encours total des crédits pour se situer à 5,5% du crédit bancaire. Pour rappel, la moyenne se trouvait autour de 4,9% ces quatre dernières années. «C’est ce taux aussi significatif des créances en souffrance qui explique le durcissement des conditions d’octroi de crédits », affirme Alain Cloutier. Tous les établissements bancaires ne tiennent pas ce discours. La plupart de ceux que nous avons sollicités, comme la banque populaire, la Société générale, la BMCE …ne signalent aucun changement dans leur politique de sélection des risques. «Les conditions d'octroi n'ont pas changé, et il y a autant d'autocensure et d'attentisme de la part de nos clients, qui hésitent à présenter leurs dossiers, que de prudence de la part de nos conseillers bancaires», analyse Abdellah stitou, responsable d’une agence de la BMCE. Sur le papier, les critères sont donc toujours les mêmes : capacité de remboursement, situation professionnelle et apport personnel. Mais, dans les faits, les banquiers les appliquent avec une plus grande exigence.

Des durées limitées

Le durcissement des conditions d'octroi des crédits est également lié au fait que certaines banques, pour des raisons prudentielles ou de refinancement, ne prêtent plus au-delà de vingt ou vingt-cinq ans. «Cela exclut automatiquement une partie des clients», précise Reda Britel, responsable d’une agence de la banque populaire. Et il rajoute «Les crédits longs présentent en effet un risque particulier pour les banques : sur trente ans, le capital va s'amortir moins vite et, avec des prix de l'immobilier orientés à la baisse, il se peut que le capital restant dû soit égal à la valeur du bien mis à la revente». Mais, si les emprunteurs fragiles sont exclus, les « bons profils », eux, ont toujours droit au tapis rouge. Ils sont même encore plus recherchés qu'avant. Pour eux, les taux n'ont jamais été aussi bas. Notons qu’à fin août 2013, le taux de crédits bancaires enregistrés s’inscrit en légère baisse de 0,1%, comparé aux résultats du mois de juillet de la même année. «Il n'y a aucun signal de hausse d'ici la fin d’année », assure Alain Cloutier, et la concurrence fait rage autour de ces profils très recherchés « les banques ont toutes de grandes ambitions, mais si le marché immobilier n'est pas plus actif que l'année dernière, elles vont se battre pour attirer ces profils particuliers », fait-il valoir. Elles y ont tout intérêt : tout client gagné en période de taux bas est un client captif pour une bonne dizaine d'années. « Elles sont sûres qu'il n'ira pas se faire racheter son prêt par un autre établissement... », fait justement valoir Reda Britel.