Les textiliens espèrent toujours…

CONJONCTURE Jusqu’à quand les professionnels marocains du textile tiendront-ils ? Une question qui continue à peser de tout son poids sur un secteur en proie à de nombreuses difficultés internes et externes. Pourtant, les opérateurs tentent tant bien que mal de voir le verre à moitié plein.

Après 8 années d’activité, Omar Naciri un jeune casablancais qui a choisi d’investir toutes ses économies pour monter son petit atelier dans le domaine de textile a fini par mettre la clé sous le paillasson. Aujourd’hui, il a carrément changé de métier et compte ouvrir «un snack». «Je ne pouvais résister à l’évasion des produits asiatiques et turcs. J’ai été obligé de baisser mes prix pour pouvoir vendre. Je travaillais à perte. En plus, je dépendais des clients européens. Avec la crise, les commandes ont chuté de 70%. Et même les 3 ou 4 clients avec lesquels je travaillais, me demandaient de rallonger les délais de paiement. Je ne pouvais continuer à tourner à perte», déplore l’ex-textilien. Jusqu’à quand les textiliens marocains tiendront-ils ? Le secteur est-il réellement en crise ? En marge d’une rencontre tenue à Casablanca récemment pour annoncer les grandes lignes des deux prochains événements du secteur, Maroc in Mode et Maroc sourcing, les responsables de l’Association marocaine de l’industrie du textile (Amith) en ont profité pour faire un tour d’horizon du secteur. Et tout porte à croire que les perspectives pour les trois prochains mois sont plutôt rassurantes. «Nous restons optimistes car le secteur se bat.

Nous espérons terminer l’année 2013 sans baisse», espère Mohamed Tazi directeur général de l’Amith. Et d’ajouter: «Au regard du contexte et de la consommation au sein de nos marchés, l’activité du secteur peut être qualifiée de positive. A l’export, la consommation textile a enregistré dans la zone euro une croissance ces trois derniers mois (3% en Juin, 2,5% en Juillet et 1,5% en Août». Toutefois, la dernière note de conjoncture de Bank Al-Maghrib au titre du mois d’Août, basée sur un sondage des entreprises du secteur, révèle en effet que la plupart des patrons parlent d’une baisse de leur production. «75% des entreprises déclarent une baisse de la production en août contre 21% en juillet et 59% en août 2012. Le taux d’utilisation des capacités s’est établi à 53% contre 70% le mois précédent», peuton lire. S’agissant des ventes, 73% des entreprises déclarent la baisse de celles expédiées à l’étranger et 71% pour celles réalisées sur le marché local. Quant aux commandes reçues en août, elles auraient diminué par rapport au mois de juillet selon 41% des industriels et stagné selon 31% et leur niveau serait normal selon 52% des entreprises et inférieur à la normale pour 48%. Pour leur part, les stocks de produits finis se seraient maintenus à leur niveau normal selon 68% contre 84% le mois précédent et 86% en août 2012. Pour les trois prochains mois, 69% des entreprises anticipent une hausse de la production et 71% s’attendent à une amélioration des ventes. L’espoir est de mise pour que la rentrée permette au secteur de se relever. A ce niveau, il y a lieu de préciser que les statistiques du mois de juillet de l’Office des changes font ressortir une légère accentuation de la baisse des écoulements à l’export pour ce secteur.

Ainsi, alors que les exportations de textiles et habillement limitaient leur baisse à 3% au terme du premier semestre 2013, les données à fin Août font ressortir un recul de 3,4% induit principalement par la chute des écoulements des articles de bonnèterie (-12,3%) contre une baisse limitée à 1,4% pour les vêtements confectionnés. Ces deux catégories ont généré pour le Maroc 800 MDH de chiffre d’affaires à l’export en moins. L’espoir fait vivre Ce qui fait craindre aux industriels marocains une nouvelle récession en Europe qui se répercutera forcément sur leurs carnets de commandes. Mais pour les professionnels, tout n’est pas perdu. Loin de là. Selon une analyse menée par l’Amith, la crise a des impacts différenciés et il y aura toujours du potentiel à gagner sur le marché européen. Ainsi, les segments du moyen et haut de gamme, les vêtements pour seniors et les produits à faible sensibilité à la mode continueront d’enregistrer de bonnes performances. Idem pour certaines enseignes dont les chiffres des ventes resteront toujours en hausse tirés par les ouvertures massives de nouveaux points de vente. En revanche, les principales difficultés résident dans deux faits majeurs. D’un côté, l’érosion des marges à cause de la hausse des coûts d’approvisionnement qui n’a pas toujours pu être répercutée par les enseignes sur les prix des ventes et la multiplication des promotions en magasins.

De l’autre côté, les donneurs d’ordre habitués à acheter de grandes quantités à long terme (généralement en Asie) se retrouvent aujourd’hui avec des stocks importants, ce qui les obligera forcément à réduire leurs prochaines commandes. Devant une telle conjoncture, les industriels marocains ne perdent pas pour autant leur optimisme. Et encore moins à quelques jours de la grand-messe du secteur, Maroc In Mode et Maroc Sourcing, qui s’est tenu à Marrakech les 24 et 25 octobre à Casablanca. Les professionnels fondent beaucoup d’espoir sur ce double événement pour contrecarrer la crise.Quelques 300 entreprises ont pris part à cet événement, dont beaucoup de donneurs d’ordre européens ainsi que des équipementiers du pourtour méditerranéen notamment de Turquie et d’Espagne.