Les transporteurs maritimes entrevoient-ils le bout du tunnel ?

MARASME Le transport maritime passe par des moments difficiles. Les professionnels du métier naviguent en eau trouble. Toutefois, une lueur d’espoir semble se dessiner dans un contexte plutôt morose.

Les vagues de la crise semblent être devenues un épouvantail pour bon nombre d’armateurs marocains dont les finances sont à sec. Sans doutel’affaire Comanav- Comarit n’y est pas étrangère. Conséquence directe de cet imbroglio, ils sont aujourd’hui peu nombreux à vouloir investir dans ce qui était il y a encore quelques années un domaine porteur, sûr et rentable. Ces chiffres sont édifiants : le trafic maritime des passagers, de et vers les côtes marocaines, avoisine annuellement les 4 millions de passagers et 967 milles voitures. Ce trafic est dominé par le trafic dans le Détroit qui représente plus de 70% du trafic global. Sur le papier, la situation devait être totalement autre. On le sait, le marché des services de transport maritime est caractérisé par la complémentarité entre le trafic de passagers et le trafic des camions TIR. L’organisation du transport maritime international de passagers et véhicules avec les pays européens situés sur la rive nord de la Méditerranée est régie par des accords bilatéraux. Ces accords prévoient une répartition égalitaire et équilibrée dans le trafic maritime bilatéral. Or, dans l’état actuel des choses, la répartition du trafic, toutes lignes confondues, est nettement en faveur du pavillon étranger.

D’où la nécessité de restaurer l’équilibre qui devrait marquer ce trafic à travers une participation plus accrue des opérateurs nationaux et du pavillon marocain. Le ministère de l’Equipement et du transport est convaincu de la nécessité de favoriser la mise en service de plusieurs lignes maritimes de transport de passagers et de transport mixte. Ce département ambitionne de mettre à contribution les opportunités que recèle ce créneau pour rebâtir le pavillon national par l’entremise de sociétés bien structurées. D’ailleurs, le département que dirige Abdelaziz Rebbah vient de lancer un appel à manifestation d’intérêt pour l’exploitation de lignes maritimes. Cellesci concernent le transport de passagers avec ou sans véhicules accompagnés ou encore le transport mixte. Les lignes concernées relient le Maroc à l’Espagne, l’Italie et la France. Ce processus vient à la fin du délai de grâce accordé par le tribunal de commerce à la compagnie Comarit fixé en principe pour le 27 octobre 2013.

Des conditions d’éligibilité jugées draconiennes

Parmi les dispositions phares de l’appel à manifestation d’intérêt, celles relatives au profil des nouveaux opérateurs et à leurs tailles. Ainsi, il a été clairement spécifié que les futures compagnies maritimes devront être de droit marocain avec au moins 50% de leur capital détenu par des personnes physiques marocaines ou des personnes morales de droit marocain contrôlées par des intérêts marocains. Les lignes maritimes qui devront relier les ports marocains à plus de 18 ports européens ont été reparties en cinq lots mais ne pourront être opérées que par un même opérateur. Ainsi, cinq compagnies maritimes seront chargées de se repartir le trafic maritime entre le Maroc et l’Europe. Ce choix vise probablement à éviter le scénario catastrophe de la faillite du groupe Comarit et Comanav Ferry, qui a déjà entraîné l’arrêt de l’ensemble de la flotte nationale dans le transport à passagers.

« Combien de nos armateurs oseront-ils franchir le pas ? Les seuls que compte le marché disposent d’une flotte vieillissante et traversent une crise financière dramatique, quand ils ne sont pas en faillite. De plus, les critères d’éligibilité à l’appel à manifestation représentent aussi, du moins pour l’écrasante majorité, une solide barrière à l’entrée », commente un armateur national qui requiert l’anonymat. D’après l’Association marocaine des officiers de la Marine marchande (AMOMM), « Dans chaque pack, on trouve plus d’une ligne non rentable. Par conséquent, l’investisseur choisi se trouve dès le démarrage pénalisé par des lignes non rentables, ce qui constitue un grand handicap qui rend difficile la possibilité d’honorer le cahier de charge ». A la lecture de l’appel à manifestation d’intérêt, le scénario sera le suivant selon l’Association : Si on prend la desserte TangerMed/Algesiras, par exemple, en respectant la répartition de navires entre l’Espagne et le Maroc (cinq navires opérants du côté Espagnol et cinq navires opérants du côté marocain), les Espagnols opèrent déjà avec Cinq navires, nous avons déjà deux navires opérationnels (RIF et ATLAS) donc, il reste trois services c'est-à-dire trois navires.

Du côté marocain, nous aurons deux compagnies IMTC & la nouvelle Compagnie (au total cinq navires). La nouvelle compagnie aura donc six navires au total : trois pour Algesiras et 3 autres pour la destination de Malaga, Gibraltar et Portimao. Pour la déserte Tanger ville /Tarifa, nous avons déjà deux compagnies FRS Maroc (plus de dix ans d’expérience dans ce trafic) et la nouvelle Compagnie Inter shipping, les deux compagnies opèrent déjà à Tanger Med. Vu que le candidat ne peut soumissionner simultanément à plusieurs lots (clause de l’Appel d’offre), nous ne savons pas comment notre ministère va résoudre ce problème. L’hypothèse la plus probable est que les compagnies marocaines qui sont déjà sur le terrain, autres que IMTC, puissent se grouper en une seule compagnie pour répondre à l’Appel d’offre Tanger Med/d’Algesiras. « Pas sûr que beaucoup de monde se bouscule au portillon ! », lance l’armateur marocain. Verdict le 21 novembre, jour de l’ouverture des plis et peutêtre aurait-on droit à une surprise. On verra bien...