SAHEL - Macron, seul contre tous
Mireille Duteil

Par Mireille Duteil

Le Sahel sera-t-il l’Afghanistan de la France ? On n’y est certes pas. Fin février, ce ne sont « que » 5100 soldats français qui seront arrivés dans cette immense région désertique vaste comme l’Europe. C’est peu pour combattre les groupes djihadistes qui ont fait 6700 morts civils et militaires depuis 2013 et des centaines de milliers de déplacés. C’est beaucoup à l’échelle de l’armée française alors que Paris peine à convaincre les Européens d’entreprendre à ses côtés des opérations pour ramener la paix dans les trois principaux pays du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) mis à mal par les groupes armés.

Convaincu que la stabilité de l’Europe se joue aussi dans cette région, Emmanuel Macron est donc contraint, au Sahel, de partir seul ou presque au combat. Ses alliés européens trainent les pieds pour s’engager dans cette guerre asymétrique et fuyante – des combattants en Toyota voire à moto mêlés aux villageois face à des soldats dotés de matériels sophistiqués – dont l’issue semble incertaine. Alors Paris augmente le nombre de ses militaires sur le terrain tandis que la victoire semble de plus en plus hors d’atteinte. En janvier, le président français annonçait l’envoie de 220 hommes supplémentaires, ils seront en fait 600 dans quelques semaines dont certains accompagneront au combat les soldats du G5 Sahel. Une soixantaine de forces spéciales de la Tchéquie – et éventuellement des hommes si le Parlement tchèque y consent - viendront en renfort. Un bataillon tchadien devrait renforcer le dispositif dans la région des trois frontières : Mali, Niger, Burkina-Faso, tandis que Paris tente de convaincre les Américains de rester en Afrique.

Car au Sahel, la situation est critique. Il est loin le temps, 2012, où seul le nord du Mali connaissait une insécurité suscitée par les Touaregs. Les djihadistes ont prospéré sur leurs revendications identitaires. Depuis 2019, ils étendent leur contrôle vers le sud jusqu’au nord du Bénin et englobe le tiers du Burkina Faso (700 morts et 500.000 déplacés). Les attaques djihadistes sont plus nombreuses, l’année passée ayant été particulièrement sanglante, les djihadistes étant mieux organisés et plus coordonnés. Cette escalade inquiétante prouve que la France, seule, a une capacité d’action limitée. Paris a perdu 41 militaires en six ans.

Un engagement international plus important aurait-il plus de succès ? Rien n’est moins sûr. L’Afghanistan et ses vingt ans de guerre sont là pour le démontrer. Au Sahel, la violence a de multiples visages : guérilla des groupes armés, conflits inter- communautaires entre éleveurs et sédentaires appauvris par les sécheresses à répétition, rivalités pour le contrôle des zones riches en hydrocarbures, mines d’or, uranium..., ou la mainmise sur les voies de passage qui traversent le Sahara l’ouvrant aux multiples trafics (drogue, armes...). Dans ce kaléidoscope de la violence, nul besoin d’être religieux pour rejoindre un groupe armé. Nombre de combattants y viennent poussés par un besoin de protection familiale, communautaire, voire par souci de vengeance.

Seul le retour des Etats et leur renforcement sur les terrains qu’ils ont déserté pourra mettre fin à cette situation chaotique. C’est un problème autant politique que sécuritaire. Les Occidentaux n’ont pas la clef de la solution.