Déconfinement. Les risques selon la méthode choisie

 

Le HCP publie les scénarios du déconfinement. Généralisé, large ou restreint, quelque soit l’option choisie, une chose est sûre, la population est appelée à respecter les mesures de sécurité exigées. 

 Dans sa dernière étude, le HCP est catégorique : les mesures préventives, notamment la fermeture des frontières et des écoles ont contribué à la chute du nombre de reproduction de 2,7 à 1,36 entre le 14 et le 20 mars. Et le confinement sanitaire a contribué à la diminution du nombre de reproduction à un niveau à peine au-dessus de 1, le 6 Mai, ce qui tend vers le seuil de maîtrise de la pandémie. Cette tendance baissière du nombre de reproduction serait maintenue en supposant une observation continue des mesures sanitaires : distanciation physique, autoprotection, tests et isolement.

Selon le HCP, avec près de 36 millions d’habitants, la population au Maroc est relativement jeune, enregistrant un âge moyen de 31,9 ans et composée de 7,4% d’individus âgés de 65 ans et plus.  La population active occupée s’élève à 10,7 millions d’individus. « La population qui serait la plus à risque d’hospitalisation ou de décès par rapport à la pandémie s’élève à 8,4 millions. Il s’agit de la population âgée de 65 et plus (2,6 millions, dont 1,7 millions souffrant au moins d’une maladie chronique) et de la population âgée de moins de 65 ans et souffrant d’au moins une maladie chronique (5,8 Millions) », estime le HCP qui ajoute que si on se limite à la frange de 15 à 64 ans, 18,6 millions d’individus ne présentent pas de maladie chronique et sont considérés à moindre risque.

Dans son analyse des différents scénarios pour le déconfinement, le HCP s’est basé sur deux hypothèses : le maintien des mesures d’autoprotection et de test/isolement ou plutôt relâchement et non respect des mesures d’autoprotection.

Scénario de référence d’évolution naturelle

Ce scénario est un cas d’école qui suppose une évolution naturelle de la pandémie sans aucune barrière qui s’étend ainsi à la majorité de la population jusqu’à ce qu’une immunité collective éventuelle soit acquise. « Ce scénario aboutirait à un pic de l’épidémie qui est atteint tôt avec un nombre très élevé de cas infectés induisant une forte pression sur le système sanitaire et un taux de létalité élevé. Ce scénario se traduirait à terme par une contamination d’environ 80% de la population », prévient le HCP.

Scénario tendanciel

Ce scénario prolonge la situation actuelle toutes choses étant égales par ailleurs, c’est-à-dire toutes mesures déjà prises étant maintenues. La simulation de la poursuite du confinement grâce au modèle mathématique utilisé aurait abouti à un nombre total d’infectés cumulés à 7800 cas vers le début de juillet et un nombre d’infectés cumulé actifs aux alentours de 3200 cas avec une tendance dégressive vers un chiffre faible à fin juillet. Par ailleurs, du point de vu épidémiologique, « tant qu’il n’y a pas un vaccin ou une immunité communautaire acquise, le SARS-COV2 continuera à se propager avec un risque de rebond. Dès lors, il est nécessaire d’envisager des scénarios de déconfinement à impact économique et social positif mais tout en contrôlant d’une part les risques de transmission et d’autre part la pression sur système de santé national », analyse le HCP.

Scénario de déconfinement ‘’généralisé’’

Ce scénario envisage le déconfinement de l’ensemble de la population âgée de moins de 65 ans, non atteinte de maladie chronique (27,5 Millions). Ce scénario déclenché suppose un nombre 2000 cas infectés actifs au moment du déconfinement. Une fois cette population déconfinée, le nombre de contacts par jour augmente d’une amplitude  estimée via  le modèle mis en place de +64%, ce qui situerait  le R0 à 1,248 en supposant le  maintien des mesures d’autoprotection. Une simulation sur cette base aboutirait à l’infection de 8% de la population en 100 jours.  Le système sanitaire serait ainsi submergé en 62 jours avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs.

En cas de non application des mesures d’autoprotection, cela  aboutirait après 100 jours, à un nombre d’infectés cumulés qui approcherait les 50% de la population. Le système sanitaire serait submergé en 28 jours avec seulement un taux d’hospitalisation de 10% des cas actifs. Ce cas de figure est de même nature que le scénario "évolution naturelle".

Scénario de déconfinement ‘’large’’

Ce scénario de déconfinement de la population active occupée âgée de moins de 65 ans et de la population âgée de moins de 15 ans, non atteinte de maladie chronique (16,7 Millions) a pour objectif d’ouvrir l’économie avec en même temps un retour progressif des activités sociales. Il suppose également un nombre de 2000 cas infectés actifs au moment du déconfinement. Ce dernier augmenterait le nombre de contacts par jour des sujets infectés de 24% et par conséquent accroîtrait le nombre d’infections portant le R0 à 0,94 dans le cas du maintien des mesures  d’autoprotection. La simulation donnerait dans cette situation  31.663 cas confirmés positifs en 100 jours avec un pic de 3200 cas infectés actifs. Ce qui se traduirait par un besoin maximal de 3200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation), de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et aboutirait à 1266 décès (4% des infectés cumulés).

Sans application des mesures d’autoprotection, o atteindrait après 100 jours, un nombre d’infectés cumulés de plus de 844.000 cas. Avec ces chiffres, la capacité nationale de réanimation serait submergée en 50 jours. En 100 jours, le système sanitaire ne pourrait accepter en hospitalisation que 7% des infectés actifs.

Scénario de déconfinement ‘’restreint’’

Ce scénario suppose le déconfinement de la population engagée dans l’économie représentée ici par la population active occupée âgée de moins de 65 ans non atteinte de maladie chronique (7,9 millions). Il a pour objectif d’ouvrir l’économie sans compromettre la population qui présente un  risque élevé de développer des complications vis-à-vis de cette maladie. Ce scénario suppose 2000 cas infectés actifs au moment du déconfinement. Dans ce cas de figure le nombre de contacts par jour des sujets infectés augmenterait de 13% avec un R0 de 0,864 et par conséquent accroitrait le nombre d’infections. Ce scenario aboutirait à un niveau de 18.720 cas confirmés positifs cumulés en 100 jours avec un pic de 3200 cas infectés actifs. Ce qui engendrerait un besoin maximal de 3200 lits d’hospitalisation (100% d’hospitalisation des infectés actifs), et de 160 lits de réanimation (5% des infectés actifs) et arriverait à 748 décès (4% des infectés cumulés). Une variante de ce scenario sans application des mesures d’autoprotection donnerait après 100 jours, un nombre d’infectés cumulés qui monterait à plus de 155.920 cas. « Dans ce cas, en se basant sur la capacité nationale en termes de lits d’hôpital (7765) et de réanimation (854), il est ainsi estimé que la stratégie nationale d’hospitaliser 100% des cas infectés actifs atteindrait ses limites en 75 jours », alerte le HCP.

« Dans tous les cas, la grande leçon mise en évidence par les scénarios envisagés dans le présent essai qui, nous semble-t-il, mérite une insistance particulière, est d’abord cette importance vitale de l’effort qu’il revient à chaque citoyen pour scrupuleusement respecter les pratiques de distanciation physique, de gestes barrières, de port de masques et de toutes les dispositions individuelles ou collectives d’autoprotection, pour que chacun assume sa part de responsabilité dans la protection de la nation », note le HCP avant d’ajouter qu’à défaut de cette discipline individuelle de part de chacun de nous, la pandémie pourrait, en moins de 100 jours, comme l’estime, l’un des scénarios de déconfinement les plus plausibles, multiplier par 8 le nombre des cas touchés par l’infection, doubler les besoins de lits de réanimation et mettre en échec la politique nationale d’hospitalisation des cas actifs.