Entretien :  "La création d'une banque d'investissement de l'Etat spécialement destinée aux TPE est une nécessité."

Après une longue attente, les TPE peuvent enfin bénéficier d’un crédit spécial pour le redémarrage. Détails du mécanisme, impacts du covid-19, campagne de dépistage…le président de la confédération Marocaine des TPE-PME fait le point.

L’Observateur du Maroc et d’Afrique : vous avez annoncé qu’une ligne de financement pour les TPE va être lancée prochainement. Plus de détails…

A partir de 15 juin, deux lignes de crédits seront lancées. Il s'agit d'une ligne de crédit spéciale TPE que nous avons réclamé à plusieurs reprises au Chef du gouvernement et au président du Comité de veille économique durant cette crise du coronavirus. Concrètement, il s’agit du crédit « Relance TPE » destiné spécialement aux TPE qui réalisent un chiffre d'affaires de moins de 10 MDH. Plafonné à 1 MDH, ce crédit sera garanti à hauteur de 95% par l’État (à travers la CCG) est sera équivalent à 10% du chiffre d’affaires des TPE  avec un taux d'intérêt de 4% HT sur 7 ans avec un différé de 2 ans. La deuxième ligne de financement « Damane Relance » vise les PME et le montant peut aller jusqu'au 20MDH sur une durée de 7 ans aussi avec 2 ans de différé et 4% d'intérêt HT.

Quand cela a été décidé est ce qu'il y a eu des rencontres virtuelles avec les départements concernés ?

Ceci a été annoncé par la CCG. Les banques ont déjà reçu les informations sur ces deux lignes de financement et elles commencent à communiquer auprès de leurs clients. Notre Confédération Marocaine de TPE-PME organisera ce vendredi 12 juin un Webinaire qui sera diffusé en direct avec le « Directeur Général de la CCG »,le président de « BANK ASSAFA », le directeur du marché des TPE du « groupe Attijariwafa Bank », DG délégué de la « Finéa » et le chef de division management de l’Innovation, Informatisation à « Maroc PME » pour parler de la relance des TPE-PME et Auto-entrepreneurs et spécialement le volet financement.

Est ce que cela suffira pour relancer les TPE après cette crise?

Ceci ne suffira pas et comme nous l'avons demandé au chef du gouvernement et au président du CVE: il faut accompagner les TPE-PME et Auto-entrepreneurs en crise pour leur faciliter l'accès aux financements mais aussi et surtout l'accès aux commandes publics. L'Etat doit jouer son rôle de catalyseur pour dynamiser l'économie du Maroc en lançant des commandes publics adaptées aux TPE-PME et Auto-entrepreneurs.

Selon vos projections, combien de TPE pourrait aujourd’hui bénéficier de ces lignes de financements ?

On parle d'une enveloppe de plus de 50 milliards de financement pour financer cette  relance. Reste à savoir si les banques vont jouer le jeu. Si non, il faut d'urgence penser à d'autres alternatives comme la création d'une banque d'investissement de l'Etat spécialement destinée aux TPE.

Après trois mois d’arrêt d’activités quel a été  l’impact réel sur les TPE ?

Dès les premières semaines du covid-19, notre confédération a réalisé une étude entre le 18 mars et le 6 juin  pour mesurer les effets de la crise économique causée par Coronavirus sur les TPE-PME, auto-entrepreneurs et coopératives. Les résultats ont montré que 83% des TPE-PME ont été en arrêt total et juste 17% en arrêt partiel. Aussi, presque touts les secteurs ont été touchés notamment les services, le commerce&Négoce& Distribution, l’industrie, le Bâtiment& Matériaux de Construction, l’agroalimentaire, le tourisme, l’artisanat, l’éducation &Formation, le transport & Logistique, etc …

Après plus de 3 mois de confinement, les trésoreries des TPE-PME sont à sec et les entrepreneurs n'arrivent plus à subvenir à leurs besoins même les plus élémentaires. Malheureusement, on n’a pas de visibilité et on ne voit pas l'avenir d'un œil optimiste. D’autant plus, que les initiatives prises par le CVE n’ont pas pris en considération les TPE-PME et les auto-entrepreneurs. On n’était même pas représenté alors qu’une petite minorité de PME ne pourra pas parler au nom des TPE-PME qui constituent plus de 95% de du tissu productif avec plus de 4 millions d'entreprises.

Une large campagne de dépistage a été lancée dans le secteur privé. Qu’en est-il des TPE ?  

Nous ne sommes pas concernés par cette compagne massive de dépistage car nous n'avons pas les moyens pour effectuer ces tests. Même au sein de la CGEM, plusieurs membres et fédérations refusent l’idée car ils n’avaient pas été consultées. Nous sommes d'accord pour discuter une solution adaptée aux TPE-PME avec l'appui du ministère de la santé. En plus les prix sont inadaptés pour les TPE, et c'est fardeau de plus pour ces types d'entreprises qui n'ont bénéficié ni d’accompagnement pendant ces 3 mois de confinement ni de mesures de soutien pour financement. Qu’on ne vienne pas à la fin de confinement leur demander de payer le dépistage. Avec quoi ils vont le faire ? Si le président de la CGEM et ses collègues au sein du patronat peuvent le faire, nous, on n'a pas les moyens. Nos homologues africaines au sein de notre confédération Africaine des TPE-PME ont été associés dans les comités de veille dans leurs pays. Au Maroc, nous avons encore un long chemin à parcourir pour que la voix des TPE-PME et Auto-entrepreneurs soit entendue.