Pour que Aid-Al Adha ne se transforme pas en catastrophe
Il faut choisir entre sacrifier son mouton, sans risque de Covid-19, ou sacrifier les siens en versant dans une dangereuse imprudence.

 

En dépit d’un contexte marqué par une crise sanitaire et un pouvoir d’achat durement impacté, Aid Al-Adha sera maintenu. Les préparatifs vont aujourd’hui bon train. Et une série de mesures est prévue pour éviter de virer vers une catastrophe.

Mounia Kabiri Kettani

 Les égorgeurs professionnels de moutons et même ceux occasionnels seront dépistés. Les transporteurs de bétail aussi. Les garages destinés pour la vente seront interdits. Une trentaine de souks seront aménagés pour éviter les grands attroupements. Et divers dispositions telles que la lecture de la température, la désinfection des mains…seront prévues à l’entrée des lieux de vente…bref « c’est tout un arsenal de mesures de contrôle et de sécurité qui seront adoptés afin d’éviter que l’on devienne un vecteur de propagation du covid-19 », rassure Mohamed Karimine, président de la Fédération interprofessionnelle des viandes rouges, (FIVIAR). Les professionnels et occasionnels de l’abattage sont ainsi appelés à s’inscrire auprès des autorités pour effectuer leurs tests qui seront, selon Karimine, pris en charge par le ministère de la santé, l’ONSSA et le ministère de l’agriculture.  les citoyens eux soivent être vigilants«ils doivent faire attention et ne faire rentrer chez eux que ceux qui portent des badges attestant qu’ils sont négatifs au covid-19 avec le respect de toutes les recommandations nécessaires telles que le port du masque, la désinfection des outils… »

Un pouvoir d’achat impacté

Selon un sondage lancé par l’Observateur du Maroc et d’Afrique qui a touché près de 4.000 personnes de diverses catégories socio-professionnelles , 60% des répondants estiment qu’il fallait maintenir Aid-Al-Adha cette année. 40% eux, préfèrent l’annuler. Et ce pour diverses raisons liées en premier lieu à la crise sanitaire qui sévit actuellement sur territoire et puis aux capacités financières des ménages lourdement affectées par la pandémie. Les exploitants redoutent une baisse de la demande. Et Jamal Farhane, secrétaire général du syndicat du transport des viandes rouges ne cache pas son inquiétude autour de la question. «le pouvoir d’achat des acheteurs dont la plupart issus de la classe moyenne et populaire est fortement impacté aujourd’hui. Et je crois que maintenir l’Aid est une mauvaise idée. Maintenant que cela a été décidé, l’organisation doit être différente des années précédentes », déclare t-il. Et pour expliquer il ajoute «le secteur de la vente des viandes est en mauvaise passe. La demande est en berne. Et tous les indicateurs montrent que beaucoup de marocains ne pourront pas célébrer cette occasion. C’est à partir de là que nous avons formulé une série de propositions aux pouvoirs publics pour s’adapter au contexte ». Il s’agit selon lui, d’éviter les publicités, la sensibilisation des citoyens de la part du ministère des habous et affaires islamiques pour que ceux qui n’ont pas les moyens ne se sentent pas obligés d’acheter…En même temps, Farhane préconise que les boucheries restent ouvertes avant et après l’Aid. « Une fermeture va porter atteinte non seulement aux citoyens mais aussi aux professionnels qui à leur tour ont été touchés de plein fouet par cette crise », insiste t-il.

Une opportunité pour le rural

Contrairement Jamal Farhane, pour Mohamed Karimine, ne pas tenir l’Aid aurait été une mauvaise une idée. « Il faut penser aussi aux producteurs et éleveurs du monde rural », déclare t-il. D’après lui, généralement à l’occasion de l’Aid, ce sont  entre 6 et 6,6 millions de têtes qui sont sacrifiés avec un budget allant de 8 à 9MMDH. « Ce budget est l’un des seuls transferts conséquents du milieu urbain vers le milieu rural », assure t-il avant  d’ajouter que l’aspect social est très important surtout que 2020 est une année de sécheresse qui a un impact conséquent sur les agriculteurs et les éleveurs. «ils sont près de 250.000 producteurs qui ont des familles d’au moins de 10 personnes soit l’équivalent de 2,5 millions de personnes qui seront encore plus en difficulté si on annule cette occasion sans parler des métiers parallèles », détaille t-il. Même son de cloche du ministère de l’agriculture qui souligne que Aïd Al-Adha constitue une opportunité pour améliorer le revenu des agriculteurs pour lesquels l’élevage du petit bétail constitue la source principale de subsistance, en particulier au niveau des grands pâturages. Ces ressources financières contribuent à stimuler les activités économiques dans le monde rural. « Le chiffre d’affaire moyen à l'occasion de Aïd al-Adha dépasse les 12 milliards de dirhams. La plupart de ces fonds sont transférés au niveau des zones rurales, permettant ainsi aux agriculteurs de couvrir les dépenses des autres activités agricoles, en particulier celles se rapportant aux préparatifs de la prochaine campagne agricole », note le ministère.

Côté offre, l’opération d’identification prendra fin le 15 juillet 2020 avec plus de 8 millions de têtes identifiées attendues. Les services vétérinaires de l'Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires(ONSSA) rassurent sur la qualité sanitaire du cheptel. Conscient des difficultés financières des ménages, le président de la FIVIAR appelle les secteurs public et privé à soutenir les fonctionnaires et les salariés et leur accorder des crédits sans intérêts comme c’est le cas pour le ministère de l’enseignement.