Opinion. Toujours pas d’impôt sur la fortune
Le Chef du gouvernement, Sau00e2d-Eddine El Otmani, pru00e9side la ru00e9union hebdomadaire du conseil de gouvernement. 23072020 u0096 Rabat.

Par Issam Benhayoun, Professeur de l’enseignement supérieur (ENCG Meknès) 

 

Face à ce débat houleux du PLF 2021 qui a introduit des nouvelles dispositions fiscales appelées à faire face aux retombées négatives engendrées par la crise pandémique notamment sur les finances publiques et les indicateurs économiques, nous constatons bel et bien que l’effet attendu est loin d’être atteint. Avec l’institution de ce nouvel impôt, dit Contribution de solidarité, le Maroc fait ses premiers pas pour la concrétisation de l’adage populaire ‘’ impôt unique, impôt inique’’, supposé participer à l’absorption du déficit budgétaire à hauteur de 5 milliards de Dhs.

En effet, cette contribution a fait couler beaucoup d’encre et a fait l’objet de controverses notamment par les professionnels en matière fiscale en soulignant son rôle inéquitable. Pour les personnes physiques, un taux fixe de 1,5% pour un salaire net mensuel supérieur à 10.000,00 Dhs et pour les personnes morales, un taux de 2,5% pour un bénéfice net se situant entre 5 et 40 Mdhs et 3,5% au-delà et à notre surprise pas de contribution pour un bénéfice inférieur à 5 Mdhs. Une mesure qui va taxer davantage la classe moyenne et la consommation des ménages et va ainsi participer à l’aggravation des écarts sociaux. Un salarié percevant 10.000,00 Dhs en net verra son salaire diminuer à 9.850,00 Dhs alors qu’un autre salarié percevant 9.999,00 Dhs aura son salaire inchangé. En outre, pour les entreprises dont le bénéfice net est inférieur à 5 MDhs, généralement structurées sous forme de SARL à associé unique ou à deux associés, seront plus avantagées avec un revenu moyen mensuel de près 416.000,00 Dhs et les associés n’auront rien à payer. Comment se fait-il qu’avec un salaire de 10.000 on est supposé payer des impôts de plus alors qu’un autre individu avec un revenu mensuel qui, le moins que l’on puisse dire, peut procurer chaque mois un bien immobilier se verra exonéré de contribuer à la solidarité nationale ?

Une question qui laisse perplexe surtout que d’autres voies peuvent être empruntées pour paver la route à l’équité sociale et pour permettre à la fiscalité de bien jouer son rôle d’instrument de politique sociale. Ou bien cherche-t-on, comme toujours, la voie facile en acceptant d’éreinter les salariés qui contribuent le plus aux recettes de l’IR en comparaison avec les autres contribuables (professions libérales, détenteurs de revenus fonciers …etc.) ?

Parmi les mesures que le gouvernement n’a pas eu l’audace de prendre nous citons l’exemple de l’impôt sur le capital. Un type d’impôt jusque-là toujours non institué par le Maroc et qui participe profondément à la résorption du déficit budgétaire et à l’équité sociale puisqu’il consiste à taxer, au-delà d’un seuil spécifié, la fortune accumulée pour une certaine période des individus qui en disposent. En France, on parlait de l’ISF auparavant (l’impôt sur la fortune) avant qu’il soit remplacé par l’IFI (l’impôt sur la fortune immobilière) qui n’est autre que l’assiette la plus visible de la fortune. Depuis les recommandations des Assises fiscales de 2013 consistant, entre autres, à mettre en place un impôt sur la fortune, aucune disposition visant à instituer un impôt sur la fortune par les 8 PLF qui ont été établis depuis. Est-ce une volonté politique ? Peut-être que cela dévoilerait les fortunes marocaines ?