ALGERIE - La fin du tout-pétrole est pour demain
Mireille DUTEIL

Comment se porte l’économie algérienne ? Pour les uns, l’argent du pétrole a transformé le pays. Pour les autres, les 38 millions d’Algériens doivent composer avec une administration pléthorique, des règlements d’un autre âge et une corruption croissante qui ankylosent le pays et freinent le dynamisme économique.

Tout cela est vrai et faux à la fois. Le pays est devenu un immense chantier. Logements, barrages, usines de dessalement d’eau de mer, routes et autoroutes, métro, équipements publics, l’Algérie a réalisé plus d’infrastructures en dix ans (de 2003 à 2013) que les quarante années précédentes. Il est vrai que les vingt premières années d’indépendance n’ont guère vu de bâtiments sortir de terre.

A l’origine de cette folie du béton : la manne pétrolière et gazière. Alger a engrangé 550 milliards de dollars en quinze ans. Ils ont permis d’améliorer le niveau de vie de la population (ou au moins d’une partie d’entre elle) en augmentant les salaires de la fonction publique et en résorbant une partie du chômage (10% officiellement). Le PNB par tête a plus que doublé depuis 1999 pour atteindre 5600 dollars en 2013.

Pourtant dans ce pays qui pourrait être bénit des dieux avec sa longue bande côtière et ses importantes ressources naturelles, les explosions de colère sont récurrentes et la jeunesse n’a qu’une envie : partir.

Le chômage des jeunes dépasse toujours 20%. La mauvaise qualité de l’enseignement, l’absence de formation professionnelle, la multiplicité des freins administratifs, la frilosité des banques, bloquent les initiatives de ceux qui veulent monter leurs entreprises.

Or les Algériens savent qu’ils doivent se prendre en main. Ils vivent mieux, consomment beaucoup, mais les produits viennent de l’étranger. En 2013, le pays a importé la somme gigantesque de 60 milliards de dollars. Les excédents commerciaux sont en train de s’évanouir. Et les 190 milliards de réserves de change placées sur les places financières occidentales – une nouveauté bienvenue de l’ère Bouteflika – risquent, elles aussi, de s’évanouir. Le FMI estime qu’à ce rythme, l’Algérie devra commencer à emprunter de nouveau après 2024.

Car le gaz et le pétrole ne seront pas éternels. La production des gisements a commencé à diminuer depuis cinq/six ans. L’Algérie a produit 10% de moins d’hydrocarbures en 2012 qu’en 2008. En 2013, 47 milliards de m3 de gaz ont été exportés, mais il était prévu que ce total atteigne 65 milliards de m3. Alger essaie d’attirer des sociétés pour explorer dans le grand sud. Certains espèrent aussi que les réserves de gaz de schiste, considérées comme les troisièmes du monde, pourraient suppléer la baisse des hydrocarbures.

L’Algérie doit préparer l’après-pétrole et gaz, diversifier son économie, reconstruire un outil industriel – 5% du PIB en 2013 –, attirer des investisseurs étrangers. Ali Benflis, le rival de Bouteflika a promis de supprimer la loi qui interdit aux non-Algériens de posséder plus de 49% du capital d’une société. Bref, le pays doit se moderniser et cesser de croire qu’il vit en vase clos. Est-ce possible avec Bouteflika IV ? Les Algériens en doute.