Libre cours
Naim KAMAL

LE CHEF DU GOUVERNEMENT, Abdelilah Benkirane, l’a dit sans ambages et il faut lui en reconnaître le mérite : l’État ne peut accueillir toute la misère des diplômés chômeurs. Le message est clair, outre qu’ils doivent se conformer aux lois régissant le recrutement dans le public, est une invitation à la recherche d’autres voies et solutions pour leur insertion dans le circuit productif de la société.

Il n’en fallait pas plus pour que l’imagination des diplômés chômeurs se mette enfin au niveau de leurs diplômes. Ils étaient tout de même marrants ces bacs plus quelque chose imitant les « frachas », ces vendeurs ambulants qui servent aux passants tout et rien à même le sol. La réplique n’a pas besoin de décrypteurs. Un docteur pour vendre des poireaux ou du persil, non merci, c’est très peu pour lui.

De toute façon il a un métier, depuis des années, vraisemblablement plus rémunérateur : professionnel du sit-in devant le parlement. C’est certainement plus gratifiant de jouer tous les jours que fait Dieu au chat et à la souris avec les forces de l’ordre que d’essayer de fourguer à un client désargenté des Ray Ban de contrefaçon. Néanmoins je ne sais pas s’il faut mettre l’inventivité des diplômés chômeurs sur le compte d’une truculence qu’on ne leur soupçonnait pas ou sur celui d’un mépris enfin avoué pour ces petites gens, sit-ineurs à leur manière, qui tentent de survivre sans trop gêner leurs semblables, ou juste un peu en encombrant les rues.

L’autre soir, par inadvertance, je me suis retrouvé, aux abords de la scène principale de Mawazine à Rabat, noyé dans une vague humaine large à perte de vue. Par grappes, des milliers de jeunes se rendaient au spectacle de Pitbull. L’image me ramena à l’interrogation, l’année dernière à la même époque, d’un jeune activiste du mouvement du 20 février. Il se demandait pourquoi toute cette multitude ne venait pas renforcer leurs rangs. Ma réponse, pas nécessairement un peu courte, a été simple. Ces jeunes sont très bien comme ça et n’ont pas envie que ça change.

Embouteillé au milieu de ces flots de jeunes, des propos de Youssef Al Qaradaoui, président du Conseil international des oulémas et référence prééminente des islamistes dans la sphère arabe, me revinrent à l’esprit. Il comparait tous ceux qui s’opposent aux frères musulmans d’Égypte au peuple du prophète Loth, un ramassis d’hédonistes et de jouisseurs. Tout comme ces jeunes. Or on sait ce qu’est advenu du peuple de Loth dans les récits bibliques et coraniques. Il a été condamné, selon les versions, à l’anéantissement ou transformé en statues de sel. finnish to english translator