Libre cours
Naim KAMAL

TAÏEB SEDDIKI PRATIQUEMENT À LA RETRAITE, Ahmed Taïeb Laalaj décédé, que reste-il du théâtre marocain ? Rien sinon le souvenir de quelque chose qui se construisait, resté à l’état de l’inachevé. Ce n’est peut-être pas le moment de faire l’éloge funèbre des planches marocaines, mais la disparition de Sî Ahmed qui fut avec un, deux, trois ou quatre autres, l’un des piliers du théâtre, contraint au constat du néant. Il y a à Rabat un théâtre qui ressemble à un théâtre.

Il y a à Marrakech un théâtre qui ressemble beaucoup à une très mauvaise plaisanterie. Il y a ailleurs des salles dites culturelles à usage polyvalent censé satisfaire toutes les demandes et qui, en définitive, n’en contente aucune. Jadis - c’est comme ça que l’on dit pour signifier il y a longtemps ? - jadis donc, les salles de cinéma servaient de refuges aux groupes théâtraux, mais où sont désormais les salles de cinéma ? Plus dramatique, les hommes du théâtre l’ont déserté. Mohamed Ljam, l’un des derniers créateurs à pouvoir remplir un théâtre, disciple de Laalaj, s’est exilé dans les sitcoms et les spots publicitaires, assurément plus rentables. La pauvreté, au sens culturel du terme, du théâtre au Maroc, est précisément que la culture y est déjà marginale et dans cette marginalité généralisée, l’absence de culture théâtrale tranche avec le reste.

CETTE CARENCE, même le prolifique, Taïeb Laalaj, cent pièces à son compteur, ne pouvait la combler. Entre bons et mauvais, il y a un patrimoine que des pionniers, à l’image de Abdessamad Kanfaoui et Taïeb Seddiki, ont accumulé au fil des représentations. Mais le processus s’est subitement arrêté, comme stoppé dans son élan par une stérilité épidémique. Il y a de jeunes créateurs qui s’essayent à la destruction des tabous. Mais où peut-on trouver actuellement un menuisier, c’est son métier de base, capable de façonner les planches à la manière d’un Taïeb Laalaj ? Un artisan devenu artiste par la grâce d’un esprit vif, curieux des choses, drôle et ouvert, tout en restant authentiquement marocain. Quand il adapte Molière, c’est un Molière aux accents d’ici. C’est Molière mais c’est autre chose, auquel la magie de Laalaj a insufflé un esprit estampillé local.

C’est ainsi que nos mères ont pu voir l’Avare sans s’y sentir étrangères. Auteur, metteur en scène, comédien, dialoguiste, parolier et adaptateur, il a peuplé les salles, mis en scène les meilleurs, fait chanter les plus grands. Qu’il ne compte pas sur nous, comme dirait aljazzal Ahmed Lamseyeh, pour nous sentir orphelins. Un jour le théâtre intégrera nos programmes scolaires. Vivront alors ses pièces dans les cahiers de nos enfants. аудит seo