Libre cours
Naim KAMAL

Le Prince Moulay Hicham a livré dans Le Monde diplomatique de janvier 2013 une longue analyse sur le «printemps arabe». Son point de vue a les qualités et les défauts des analyses rétrospectives. S’il s’avère correct dans la compilation du passé et le recueil du factuel, il reste dans le spectre de l’incertain et du flou lorsqu’il s’agit de prospecter l’horizon, ce qui le condamne à avancer uniquement sur le terrain de l’éventuel et du probable. Le Prince livre ses inquiétudes pour l’avenir des monarchies arabes qui ont besoin, à juste titre, de profondes réformes s’ils veulent renouveler et reconduire leur légitimité. Il a tort néanmoins de les appréhender comme un bloc uniforme. J’y reviendrai dans une prochaine chronique. En assurant que le « printemps arabe », qu’il met un soin constant à placer entre guillemets, n’est pas un évènement mais un processus, Moulay Hicham formule un truisme. L’histoire est ainsi faite et le monde arabe n’en a pas fini effectivement avec les ondes de choc qui affectent et affecteront la configuration interne des pays qui le composent aussi bien que les rapports géopolitiques au sein de la sphère qu’il occupe. Que le Prince me pardonne de résumer très sommairement son analyse, mais ni l’avènement des islamistes ni la dispersion des forces adverses favorisant cet avènement ne sont une surprise. Et contrairement à ce que l’on croit ce n’est pas en Tunisie que tout a commencé, mais en Algérie plus de vingt ans auparavant. N’est-ce pas dans ce pays qu’on a pu vérifier que l’ouverture du système politique à la suite de l’explosion sociale d’octobre 1988 profitait d’abord aux islamistes ? La conjoncture internationale de l’époque avec la première guerre du Golfe et la bourde du FIS condamnant dans un premier temps l’invasion du Koweït par Saddam Hussein avant de faire marche arrière sous la pression de la rue, un double positionnement qui lui a valu la suspicion des Américains, a permis à l’armée algérienne de retourner la situation au prix de dizaines de milliers de morts. Mais le fait est là, comme en Tunisie, comme en Egypte, les islamistes sans être réellement majoritaire ont remporté les élections. Car en face il y a la division, la désertion ou l’indifférence.

L’analyse de Moulay Hicham ne manque pas de pertinence. Elle est toutefois brouillée par son espoir que les islamistes une fois bien installés ne se retourneront pas contre la démocratie. C’est vite oublier les propos peu démocratiques du leader tunisien Ghannouchi lors d’une réunion avec les salafistes de son pays, révélés par un enregistrement vidéo. Ils en disent long sur les intentions d’Annahda. C’est aussi faire fi de la manière dont le président égyptien Morsi est passé pratiquement en force avec sa constitution faite sur mesure. Sans parler des exactions auxquels se livrent les islamistes un peu partout, dès qu’ils en ont l’occasion. Sans rappeler que pour les islamistes la soumission aux règles de la démocratie est un pis-aller tactique. Qu’à cela ne tienne, le Prince a un plaidoyer : En Occident, dit-il en substance, le sécularisme n’a pas précédé la démocratie. Il va donc falloir s’accommoder dans nos pays à une phase transitoire de théocratie. Pour une longue chape de plomb encore ? De toute façon, précise-t-il, « le libéralisme politique ne peut émerger que d’un stade ultérieur de la consolidation de la démocratie ». L’argument, qui vaut pour tous les systèmes en évolution, n’est pas faux. Mais il ne doit pas justifier l’acceptation d’une prise de risque réelle qui déboucherait sur une réémergence de la dictature, cette fois-ci au nom de la religion. La démarche du Prince et la défense qu’il fait ou du moins la compréhension qu’il a pour cette transition incertaine sont d’autant plus troublantes qu’elles sont en totale contradiction avec sa conclusion sur le choc confessionnel qui pointe son nez dans la constellation arabo-islamique. C’est bien lui qui avance que ce choc risque « d’assombrir durablement l’horizon du ‘‘printemps arabe’’ ». каркасно панельные дома