Libre cours
Naim KAMAL

Moulay Mhammed Khalifa est une figure istiqlalienne de premier plan. Un pur produit made in Marrakech, un excellent animateur de débat et un polémiste remarquable. A la tête du groupe parlementaire istiqlalien, dans l’opposition de l’avant l’alternance, quand celle-ci avait encore du sens et un discours construit, ce ténor du barreau était à lui seul une attraction qu’arrive à peine aujourd’hui à égaler un Abdalilah Benkirane du haut de sa fonction de chef de gouvernement. Comme l’actuel ministre des Affaires générales, Mohammed El Ouafa, Moulay Mhammed Khalifa était un proche de l’ancien patron de l’Istiqlal, Mhammed Boucetta. A ses côtés il a été l’un des principaux artisans de l’alternance de 1998. Istiqlalien de souche, il a été de tous les combats de son parti. Energique, battant, d’une culture arabophone certaine, son monolinguisme ne lui a jamais posé de problème, ni dans ses contacts et relations ni dans son ouverture sur le monde. Fidèle compagnon de Boucetta, il était aussi l’ami de son successeur, Abbas El Fassi dont il a été pour un temps le beau frère. Personnage central dans la direction du parti, il n’aura pourtant pas beaucoup de chances avec l’Istiqlal. Lors de la formation du premier gouvernement de Abderrahmane Youssoufi, il est laissé en rade de la nouvelle et « historique » équipe ministérielle. Son absence de la liste des ministres est si incompréhensible que l’on parla à l’époque d’assassinat politique. Son ami Abbas El Fassi, alors fraichement « élu » secrétaire général de l’Istiqlal, en a-t-il été le commanditaire ou l’exécuteur ? Toujours est-il que Moulay Mhammed Khalifa se rattrapera plus tard comme ministre des affaires administratives puis de l’artisanat. Mais pas pour longtemps. Depuis, entre lui et le « néo »Istiqlal quelque chose s’est cassé. Ce qui ne l’empêchera pas de monter au créneau après le 20 février 2011 pour défendre l’alliance avec les islamistes du PJD qui n’est pas loin du référentiel religieux de l’Istiqlal, mais l’Istiqlal de Allal El Fassi. Rien donc d’étonnant qu’à l’occasion de la commémoration en mai 2014 du quarantième anniversaire du décès du leader historique, on le retrouve aux côtés des fils du fondateur de l’Istiqlal établissant un inventaire peu reluisant des pertes et profits du parti. Le brillant avocat se voyait bien en 2012 ministre de la justice dans le gouvernement de Abdelilah Benkirane, mais encore une fois le train passe sans s’arrêter à sa gare. C’est donc tout naturellement qu’il trouve normal que Hamid Chabat qui a succédé à Abbas El Fassi demande un remaniement pour débarquer du gouvernement les ministres dont la tête ne lui revient pas. Hélas, les choses se gâtent et le remaniement se transforme en passage de l’Istiqlal à l’opposition. C’est à ses yeux une erreur même s’il continue d’affirmer que la rupture de l’après dernier congrès n’avait pas lieu d’être du moment qu’il était évident que le choix du secrétaire général était téléguidé de l’extérieur du parti. Ce qui est juste ! Mais il en a toujours été ainsi à l’Istiqlal depuis le décès en 1974 de son fondateur historique❚