L’espoir entre les barreaux
Vincent HERVOUET

L’effervescence en Syrie, dans l’opposition et jusque dans la diaspora. Des petits groupes attendent à la porte des prisons de Homs, d’Adra, de Saydanya près de Damas... On répercute la rumeur des parloirs. On guette des nouvelles d’un frère, d’un ami, d’un voisin. L’amnistie générale décrétée par Bachar el Assad une semaine après l’élection présidentielle est la cinquième depuis que le pays a sombré dans la guerre. Son annonce a été accueillie avec un puissant scepticisme. Les précédentes n’avaient été suivies d’aucune libération. D’ailleurs, ce que dit ou fait Bachar El Assad provoque en général un haussement d’épaules, tant il semble le jouet des évènements et l’otage des diables qui l’entourent. Que le régime qui a précipité la Syrie en enfer ose parler de réconciliation nationale ne pouvait susciter que mépris. Et puis la surprise est arrivée : les premiers détenus ont été relâchés. Des disparus sont ressortis des enfers. Les services de sécurité ont relâché des opposants qu’ils soumettaient systématiquement à la torture. Aux captifs, la libération ! Et l’amnistie promise réveille l’espoir, puisqu’elle concerne en théorie aussi bien les terroristes condamnés par les tribunaux que les suspects détenus par la police, les djihadistes étrangers qui ont un mois pour déposer les armes et les ravisseurs qui acceptent de libérer leurs otages, les trafiquants en tout genre comme les militaires déserteurs. Si la promesse est tenue, une foule de Syriens doit recouvrer la liberté. Selon l’Observatoire syrien des Droits de l’homme qu’animent des Frères musulmans, plus de 100 000 personnes sont détenues dont 50 000 dans les geôles des services et 18 000 considérées comme des disparus car leurs familles ne connaissent rien de leur sort. Le pardon de Bachar el Assad est comme l’élection de Bachar el Assad la semaine dernière. Cela ressemble à une farce. Mais la réalité qui s’impose, c’est que le régime est assez puissant pour prendre le risque de cette mise en scène. Le scrutin présidentiel a été organisé sur la moitié du territoire regroupant plus de 60% de la population. Il s’est déroulé dans le calme. Le pari a été gagné et les diplomates étrangers n’en sont pas revenus. Ils ne donnaient pas cher de la peau du clan Assad, il y a deux ans. Il a résisté, il a survécu, il semble incontournable. Le vent tourne. La situation militaire montre que le régime a reconquis tour à tour chacun des bastions de l’opposition sur la frontière libanaise. La prise du massif de Qalamoun avait permis d’unifier le pays alaouite. Les insurgés ayant évacué le centre de Homs, c’est toute la Syrie utile que contrôle désormais le régime. Le pullulement des groupes djihadistes, on en compte près d’un millier, la lutte à mort qui oppose les frères ennemis d’Al Qaida, l’EIIL et le Front al Nosra, la menace terroriste que ces fanatiques font peser sur le Proche-Orient, l’Europe et le Maghreb et qu’illustre la tuerie du musée juif de Bruxelles, les 170 000 morts recensés et l’épuisement des civils qui ne réclament plus rien d’autre qu’un cessez le feu, les régions kurdes qui s’autogèrent à la frontière de la Turquie et la « somalisation » de l’Irak, tout conforte Damas. Les pays voisins en prennent leur parti. Le président iranien est allé en début de semaine en visite officielle à Ankara. Le meilleur allié de Bachar et son pire ennemi sont tombés d’accord. Les deux voisins de la Syrie veulent coopérer pour faire baisser la tension. Les Saoudiens ont renoué plus discrètement le dialogue avec Téhéran mais cela revient au même. Washington suit ces manoeuvres avec attention. Elles donnent raison à Barack Obama qui refuse depuis trois ans de verser de l’huile sur le feu. Tout converge et donne raison à Lakhdar Brahimi, l’envoyé spécial de l’Onu : il est temps de soutenir les efforts de paix plutôt que les efforts de guerre en Syrie ❚