Ce que disent les chiffres

«2013 a été marquée par une sensible atténuation des déficits jumeaux et une amélioration de 2,7% à 4,4% de la croissance, avec toutefois un profil opposé à celui de 2012 », a souligné Abdellatif Jouahri, Gouverneur de Bank Al Maghrib lors de la présentation du rapport annuel de la Banque centrale sur la situation économique, monétaire et financière au titre de l’exercice 2013. En effet, 2013 a connu une importante progression de 19% de la valeur ajoutée agricole après une baisse de 8,9% un an auparavant portant la croissance globale à 4,4% après 2,7% en 2012. En revanche, en lien avec le contexte extérieur globalement peu favorable et les difficultés inhérentes à certaines branches, les activités non agricoles se sont inscrites en forte décélération, avec un rythme revenant de 4,4% à 2,3%. Détails Au niveau du secteur secondaire, les difficultés que connaissent plusieurs branches se sont accentuées en 2013, alors que certaines filières à fort potentiel de croissance ont poursuivi leur dynamisme. Ainsi, les industries hors raffinage ont poursuivi leur ralentissement, enregistrant une progression de 0,8% après 1,5% en 2012 et 2,3% en 2011. Cette évolution s’explique essentiellement par un repli de 2,7% de la valeur ajoutée de la branche textile et cuir, contre une hausse de 2,8% en 2012, et une décélération de 4% à 2,5% de celle de l’agroalimentaire et de 0,9% à 0,3% de celle des industries mécaniques, métallurgiques et électriques, en dépit du dynamisme des filières automobile et aéronautique. En revanche, après une contraction de 0,7%, la chimie et parachimie a marqué une reprise de 3,7%. Pour le BTP, après un cycle de croissance rapide entamé en 2003, le secteur s’est inscrit depuis 2009 en ralentissement, avec une croissance à 1,4% en 2013, contre 2,1% en 2012 et 4,2% en 2011. Cette évolution s’est reflétée au niveau des ventes de ciment qui, après avoir progressé de 8,8% en moyenne entre 2003 et 2008, ont affiché un fléchissement de 1,6% en 2012 et 6,3% en 2013. Malgré la persistance d’une conjoncture difficile dans les pays émetteurs, le nombre d’arrivées touristiques a augmenté de 7,2%, franchissant ainsi pour la première fois la barre des 10 millions de visiteurs, objectif fixé dans le cadre de la vision 2010. Cette évolution reflète des hausses de 8,2% de l’effectif des marocains résidant à l’étranger à 4,7 millions et de 6,2% des touristes étrangers à 5,3 millions. Cela représente la partie remplie du verre. Quid du reste ? Un taux de chômage qui s’accentue « Le ralentissement de la croissance non agricole en 2013 s’est répercuté sur la situation du marché du travail en milieu urbain, lequel a poursuivi sa dégradation, avec une création de 26.000 emplois contre 48.000 en 2012 et 103.000 en 2011 », note le rapport de BAM. Au total, l’économie nationale aura créé 114.000 postes, alors que le nombre d’arrivées sur le marché du travail a atteint 157.000, ce qui s’est traduit par une hausse de 0,2 point du taux de chômage à 9,2%. Au niveau sectoriel, l’emploi dans le BTP s’est de nouveau contracté avec une perte de 50.000 postes, alors que le secteur des services se confirme comme le premier pourvoyeur d'emplois, avec une part de 39,8% de la population active occupée devant l’agriculture qui s’attribue 39,3%. La part de l’industrie poursuit sa tendance baissière revenant de 13,4% en 2000 à 11,4% en 2013. L’endettement bat tous les records Après avoir franchi en 2012 un niveau jamais atteint auparavant, à savoir 120,3 milliards de dirhams (MMDH), le recours à l’endette- ment crève le plafond avec 175,2 MMDH en 2013, soit une hausse de près de la moitié (45,6%). Plus inquiétant que ces montants colossaux, la cadence du recours à la dette intérieure augmente crescendo depuis l’investiture du gouvernement Benkirane. Sur une année, entre 2012 et 2013, l’augmentation de la dette a doublé en passant de 24% en 2012 à 45,6% en 2013. Rappelons dans ce sens qu’à fin 2012, le montant global des levées de fonds par l’Etat était de 120,3 MMDH, alors qu’il s’élevait à 96,521 MMDH en 2011. Petit bémol, après une importante dégradation en 2012, l’exercice 2013 s’est soldé par un allégement du déficit budgétaire de près de deux points du PIB. (7,4% à 5,5%). Cette évolution est attribuable essentiellement au relèvement des prix des carburants et à la réactivation du système d’indexation des prix des produits pétroliers, entrainant une baisse sensible des dépenses de compensation, qui représentent 4,8% du PIB contre 6,6% en 2012. Elle tient également aux décisions prises par le gouvernement pour contenir les autres dépenses, notamment celles d’investissement. Au niveau des recettes, l’année a été marquée par une régression des produits fiscaux, la deuxième durant les vingt dernières années après celle de 2009. Ce recul est attribuable essentiellement à celles du produit de l’impôt sur les sociétés et des droits de douane. Au total, le déficit budgétaire hors recettes de privatisation a atteint 5,5% du PIB contre 7,4% en 2012. Les levées du Trésor sur le marché intérieur ont toutefois, sensiblement augmenté et négativement affecté les conditions de son financement. En conséquence, la dette du Trésor a poursuivi sa trajectoire ascendante entamée depuis 2009, franchissant le seuil de 60% du PIB, avec une hausse de 12,6% de sa composante interne et de 11,1% de celle externe. BAM explique la vulnérabilité budgétaire par la masse salariale. Son poids par rapport au PIB s’est établi à 11,3% en 2013, l’un des plus, élevés de la région. « Aujourd’hui, le revenu moyen du fonctionnaire marocain représente 4 fois le PIB par habitant, niveau largement supérieur à celui observé de par le monde, en particulier au niveau des pays à revenu moyen où ce ratio se situe à 1,4», tient à souligner BAM. Concernant l’investissement, celui-ci a de nouveau diminué, bien qu’à un rythme en atténuation de 0,7% à 0,1%, sous l’effet d’un ralentissement à 0,2% de la hausse de la formation brute de capital fixe. Sa contribution à la croissance est restée ainsi négative à hauteur de 0,1 point de pourcentage. Outre le recul des dépenses du Trésor, cette diminution serait imputable au manque de vigueur de l’investissement privé comme le laisse indiquer l’évolution de plusieurs indicateurs. Le ralentissement du crédit bancaire confirmé Après une hausse de 4,6% en 2012, le crédit bancaire a ralenti à 3,9%. Son ratio au PIB s’est établi à 85,6% contre 86,9%. Selon le rapport de Bank Al-Maghrib, cette situation est imputable aussi bien à l’affaiblissement de la demande qu’à la prudence des Banques en raison de la montée des risques au niveau de certaines branches d’activité et des ménages. Il est à noter que les créances en souffrance ont enregistré une nette augmentation de 23,8% en 2013, et leur ratio a atteint 5,9% après 4,9% en 2012. . Par objet économique, le ralentissement du crédit bancaire en 2013 a concerné l’ensemble de ses composantes, à l’exception des crédits à l’équipement. Par secteur d’activité, le rapport annuel fait ressortir une faible dynamique des crédits accordés aux activités non agricoles, notamment des industries manufacturières qui ont connu un ralentissement à 2,4% après une hausse de 3,2% en 2012. Quant aux prêts alloués aux activités agricoles, ils ont enregistré une hausse de 3,6%, après une baisse de 1,4% en 2012, grâce à la «bonne» campagne agricole. Pour le secteur tertiaire hors activités financières, l'encours des crédits a connu une baisse de 5,4%, contre une hausse de 12% en 2012. Enfin, les prêts accordés aux activités financières ont affiché une amélioration de 16,9%, après 4,2% une année auparavant. Une leur d’espoir : les IDE Les investissements directs étrangers ont atteint un niveau record de 39,6 milliards de dirhams, en hausse de 23,4% après 22,8% une année auparavant. Les flux d’IDE proviennent principalement de la France qui demeure le premier investisseur avec une part de 36,8% en 2013 et un volume en hausse de 19,2% à 14,6 milliards de dirhams. En revanche, les investissements des Emirats Arabes Unis, deuxième émetteur, ont reculé de plus de moitié à 3,4 milliards, après une hausse de 68,2% un an auparavant. L’année 2013 a connu également une importante acquisition par un opérateur Singapourien dans le secteur agroalimentaire pour un montant de 3,2 milliards de dirhams. Par secteur d’activité, les investissements ont bénéficié essentiellement au secteur de l’industrie manufacturière avec une part de 38,7%. Ils ont progressé de 2,5% à 7,5 milliards pour le secteur de l’immobilier et de 1,7 milliard de dirhams à 3,7 milliards pour celui de l’hébergement et de la restauration. D’un montant de 3 milliards de dirhams en 2013, les investissements directs marocains à l’étranger demeurent relativement faibles et sont destinés à hauteur de 56,3% à l’Afrique sub-saharienne. En somme, malgré quelques certains indicateurs positifs, Benkirane n’a pas vraiment de quoi pavoiser ❚