Projet de loi de finances 2015 : Les professionnels présentent leur cahier revendicatif

D’après un sondage effectué par l’Observatoire de conjoncture à l’occasion de la préparation de la Loi de Finances (PLF 2015), 66,2% des opérateurs économiques pensent que les priorités du gouvernement pour l’année prochaine devraient porter sur la lutte contre le chômage. La réduction des dépenses publiques constitue une seconde priorité. La quasi-totalité des patrons marocains estiment que les dépenses de l’Etat devraient faire l’objet de mesures restrictives. Les premiers éléments de réponses figurent dans la lettre de cadrage envoyée par le chef du gouvernement aux différents ministères concernant le PLF 2015: relance de l’investissement, lutte contre le gaspillage et amélioration des grands équilibres macro-économiques. Le projet de loi prévoit également l’amélioration du climat des affaires et l’encouragement des investissements privés, la promotion des entreprises, notamment les PME, et le renforcement des exportations et des entreprises exportatrices.

La CGEM ne compte pas se laisser faire

Se basant sur l’étude qu’elle a menée sur les leviers de la compétitivité des entreprises, et au vu du plan d’accélération industrielle, la CGEM souhaite avoir un retour d’ascenseur après les concessions faites l’année passée. Au coeur des attentes du patronat la mise en place « d'ajustements fiscaux portant sur l’IS et la TVA », des mesures visant à favoriser l’intégration des TPE dans l’économie formelle et encourager la création de nouveaux emplois ainsi qu’une prise en charge du secteur informel considéré comme menaçant pour les entreprises dites transparentes. La confédération patronale propose que soit actionnés de manière effective et simplifiée les remboursements par l'Etat des crédits de TVA aux entreprises. Le but est de leur permettre de soulager leur trésorerie. Le patronat plaide aussi auprès du ministère de l'Economie et des finances pour obtenir des mesures de soutien à l'investissement, via par exemple des exonérations fiscales pour les bénéfices réinvestis. Concernant la réforme des système de retraite, la CGEM propose une stricte séparation entre le public et le privé.

Les doléances des exportateurs

L’ASMEX insiste pour la révision à la baisse de la TVA, à cause du poids de cette dernière sur la trésorerie des entreprises exportatrices. Le président de l’association, Hassan Sentissi propose la mise en place régime d’achat en suspension de TVA pour l’acquisition des biens d’équipements. Un régime qui était déjà opérationnel dans le passé puis abandonné. L’ASMEX souligne également que la catégorisation proposée par l’Administration fiscale permet à l’entreprise catégorisée d’être remboursée de son crédit de TVA de 50 à 80% dès le dépôt de son dossier de remboursement selon son grade de catégorisation A ou B. « Ce taux doit être fixé à 80% pour l’ensemble des entreprises exportatrices avec une procédure très simplifiée leur permettant de bénéficier de cette catégorisation et de ses avantages », insiste Sentissi. Et d’ajouter : « Nous voulons aussi que les exportateurs indirects bénéficient des mêmes avantages que les exportateurs directs. L’exportateur indirect n’étant pas producteur, il ne bénéficie pas d’exonération de droits et taxes, ce qui le pénalise directement face aux concurrents étrangers dont les produits, eux, en bénéficient. Les producteurs exportateurs préfèrent naturellement importer leurs intrants, plutôt de recourir aux intrants des producteurs marocains, qui sont dans ce cas des exportateurs indirects. C’est un sérieux problème, d’ailleurs beaucoup d’entreprises du genre ont les clés sous la porte ». En outre, l’ASMEX préconise de mettre en place un soutien de l’innovation des secteurs exportateurs à travers des incitations fiscales et de supprimer la taxe de prélèvement à la source sur les intérêts des prêts obtenus, en devises, par les entreprises à l’étranger, pour permettre les sorties à l’international du privé.

Propositions des promoteurs immobiliers

« Nous avons axé le gros de nos demandes sur des mesures non budgétaires qui permettront de relancer le secteur et redynamiser la demande », explique Youssef Ibn Mansour, président de la FNPI. Et d’ajouter : «Compte tenu de l’état des finances publiques nous demandons juste de faire le point de toutes les taxes instaurées ces dernières années. Si ces taxes ont rapporté quelque chose, tant mieux, sinon, il faut les revoir. Soyons logique, ceci ne fait qu’augmenter la pression fiscale au détriment de la création d’emplois et la demande ». Au coeur des revendications du secteur immobilier, la révision de tous les plans adoptés par le passé censés augmenter le niveau d’épargne des ménages. « Ces plans ont échoué, il faut les revoir par l’instauration de plus d’incitations fiscales pour les relancer », souligne Ibn Mansour qui réclame aussi la révision des taxes sur le sable et le fer béton qui ne font, selon lui, qu’alourdir les charges des promoteurs et ont une incidence sur le prix final dans l’immobilier. « On ne doit taxer les intrants, mais plutôt les résultats », clame-t-il. La CGEM voudrait réduire le taux pratiqué de 20% à 10% sur les biens immobiliers, ce qui serait encourageant selon la FNPI pour l’accès à la propriété. Cette fédération plaide aussi pour le déplafonnement des loyers du locatif social. « Nous voulons non seulement que le plafond de 1.200 DH soit débloqué et variable selon la loi du marché, mais aussi élargir ce mécanisme pour le logement de la classe moyenne ». Concernant la Taxe sur les profits immobiliers (TPI), la FNPI milite aussi pour le retour à l’ancien barème. Puisque d’après Ibn Mansour, le passage de 20 à 30%, l’année dernière, n’a fait que brider les transactions. Autre revendication : l’actualisation de la valeur vénale des biens dans le cadre de la succession. « Cette disposition a freiné les transactions au moment où se pose le problème de rareté et de cherté du foncier », insiste le président de la FNPI.

Les attentes du secteur touristique

La Confédération nationale de tourisme (CNT) met l’accent sur le seuil d’éligibilité qui est fixé pour les conventions d’investissement à 200 millions de dirhams. « Ce seuil reste trop élevé au regard des montants d’investissement sur les projets hôteliers et touristiques (projets d’animation….) et ne peut s’appliquer qu’aux projets hôteliers de haut standing, excluant ainsi les projets de moyen standing et les équipements à vocation touristique », explique Saïd Tahiri. Et le directeur général de la CNT d’ajouter : « L’adaptation et la mise en place du dispositif de la Charte d’Investissement intégrant des réponses aux contraintes des investisseurs sont essentielles pour dynamiser l’investissement ». Le prolongement du délai d’exonération de la TVA, actuellement de 24 mois pour l’adapter à la spécificité des projets touristiques est une autre revendication de la CNT qui propose d’appliquer une durée de 36 mois à partir de la date d’autorisation. Les primes d’investissement font partie du dispositif incitatif prévu dans le cadre la Vision 2020. À ce jour, ces Primes ne sont pas encore mises en place. La CNT est catégorique : « Ce dispositif est essentielle à l’atteinte des objectifs de la vision 2020 ». Par ailleurs, la CNT préconise de généraliser la TVA de 10 % à l'ensemble des équipements touristiques : golfs, parcs d’animations, équipements de loisirs, etc.). Du reste, vu que le foncier représente une part importante (entre 12% et 25%) du montant de l’investissement, Tahiri propose que les dispositions relatives à l’exonération des droits d’enregistrement du foncier concernant les projets d’investissement touristique soient rétablies. Que fera le gouvernement de toutes ces propositions ? Les prochains jours le diront❚