L’Afrique a besoin de grands groupes

La date est emblématique. En février 2014, le roi Mohammed VI avait déclaré à Abidjan que « l’Afrique n’avait pas tant besoin d’aides humanitaires que de partenariats mutuellement bénéfiques ». Pour le Souverain, il est nécessaire pour l’Afrique de « s’affranchir de son passé et de ses problèmes politiques, économiques et sociaux, en comptant essentiellement sur ses capacités propres pour réaliser son développement ». La stratégie africaine du Maroc trouve, dans ces déclarations, son fondement. Sur le terrain, elle apparaît à travers les nombreux accords signés avec plusieurs pays du continent, notamment dans le domaine de l’agriculture à laquelle le roi Mohammed VI accorde une importance particulière. Il s’agit de rendre utile la grande réserve de terres non exploitées en Afrique. Quand on sait qu’il s’agit de 60% de toutes les terres en friche à l’échelle mondiale, on peut évaluer l’intérêt de son exploitation et donc des semences. Le Groupe OCP apparait alors comme l’opérateur idéal. Il est déjà sur le terrain. Ainsi, 2,3 milliards de dollars ont été investis dans deux usines d’engrais, l’une au Maroc et l’autre au Gabon. La politique africaine du Maroc qu’on peut qualifier de politique africaine de développement, encourage les opérateurs économiques à s’investir dans tous les secteurs : la finance, l’assurance, les télécommunications, les matériaux de construction, l’immobilier, les mines, l’énergie y compris renouvelable… Presque tous les grands groupes marocains ont déjà pied en Afrique. Les relations avec les opérateurs économiques africains ont été facilitées par les voyages royaux qui comprennent toujours des hommes d’affaires. Le Maroc, déjà investisseur de poids en Afrique, est devenu un point de passage pour les groupes internationaux intéressés par l’Afrique. Il s’agit alors d’un partenariat triangulaire ou chacun met du sien. Les implications de la politique africaine vont se retrouver, bien entendu, dans le groupe SNI qui s’est transformé pour s’intégrer à la nouvelle orientation (pas très nouvelle néanmoins puisqu’elle a commencé en 1999 avec l’intronisation du roi Mohammed VI). Comme le financement des projets africains exige de grands capitaux, il fallait trouver le moyen de répondre à cette nécessité. D’un groupe opérationnel s’impliquant dans la gestion de ses filiales, la Société nationale d’investissement (SNI) passera au statut de fonds d’investissement, après son désengagement de l’opérationnel et la cession d’entreprises très performantes. « Tourné vers un développement national et régional à vocation africaine en particulier, ce fonds opérera surtout dans de nouvelles activités de développement, soit dans des secteurs où les entreprises marocaines ne sont pas en mesure de réunir les capitaux ou l'expertise nécessaires, soit dans des secteurs où elles peuvent manquer d'ambition », explique le groupe. SNI sera donc un investisseur en capital risque, spécialement pour des projets stratégiques pour le pays et l'économie nationale. Elle sera désormais un fonds d'investissement, constitué d'un portefeuille de participations dans des activités diversifiées. Son objectif est de détenir des participations non majoritaires, afin de s'ouvrir au profit d'investisseurs institutionnels nationaux et étrangers. Le processus de transformation est mené de bout en bout par Mounir Majidi, l’architecte de la vision royale. Il est toujours intéressant de revenir sur le processus de développement d’un groupe à vocation internationale. Dans le cas de SNI, la refonte a été déployée en une stratégie à trois temps : entre 2002 et 2004, Mounir El Majidi a lancé un diagnostic du portefeuille de l'actionnaire qui a abouti à une opération de restructuration du capital du groupe. Ce remaniement a été accompagné d'un plan stratégique visant une diversification des activités, un recentrage pour se consacrer aux métiers stratégiques et un positionnement sur des secteurs- clés de l'économie par le développement de relais de croissance, à moyen et long termes. Entre 2004 et 2010, le groupe a mis en oeuvre le plan stratégique défini et le développement des relais de croissance, notamment les télécoms (INWI), l'énergie (Nareva), le tourisme, les activités de BTP avec la participation dans Sonasid et Lafarge Maroc, l'immobilier (ONAPAR) et la grande distribution (Marjane). La dernière étape porte sur la période 2010-2014. Elle a été marquée par la fusion de ONA et de SNI en 2010 permettant le désengagement du secteur agroalimentaire ❚