Libre cours
Naim KAMAL

J’ai évoqué dans le précédent numéro le faible du ministre de la Communication pour l’interdiction ainsi que les formes de jouissances qu’elle lui procure en soulignant que personne n’ignore l’arrière pensée religieuse qui commande ses reflexes prohibitifs. J’ai également rappelé la propulsion médiatique que l’interdiction impulse à l’interdit. De même que j’ai parlé des risques d’appauvrissement que peut induire la prohibition. La décision en août 2015 d’interdire la publicité des jeux de hasard dans l’audiovisuel public et privé, puis aujourd’hui sur les sites web en attendant de passer à la presse papier se traduit par un réel manque à gagner pour ces derniers et pour les caisses de l’Etat et les opérateurs de ce secteur. Elles sont trois entreprises publiques à se partager ce marché : La Société Royale d’Encouragement du Cheval (SOREC), la Marocaine des Jeux et des Sports (MJDS) et la Société de Gestion de la Loterie Nationale (SGLN). Entre 2010 et 2015 ils ont versé aux impôts près de 5 milliards de dirhams. Presque 4 autres milliards sont allés au soutien des sports et des actions sociales.

Avant de prendre sa décision, il est établi que le ministre de la Communication n’a pas pris la peine de consulter les opérateurs du secteur ni de procéder à une étude de faisabilité pour cerner l’efficacité effective de pareilles décisions. Mais cela lui importe peu tant est forte sa velléité de sortir le Maroc du droit positif en vue de le rapprocher, à défaut de le mettre en conformité avec la charia. Bien entendu, Mustapha El Khalfi n’a pas entièrement tort lorsqu’il avance que les jeux de hasard ne sont pas exempts de conséquences de nature sociale et économique néfastes pour certains. Le risque d’addiction en est un. Mais a-t-il seulement pensé un seul instant à commander une étude qui nous définirait exactement l’ampleur des supposés problèmes que produirait les jeux de hasard ? Ma main à couper que non. Il agit par foi et préjugés. J’ai dans mes amitiés des joueurs qui s’amusent à jouer sans cesser d’être responsables. Pour autant, je ne peux pas jurer des autres tant que je n’ai pas à ma disposition des statistiques fiables. Mais au-delà de toutes ces considérations, une question se pose : En interdisant la publicité des jeux, voire les jeux, est-il sûr que leurs amateurs cesseront de s’y adonner ? Et là je peux être catégorique : C’est établi, la prohibition fait prospérer invariablement ce qu’elle interdit. C’est la prohibition de l’alcool aux Etats-Unis qui a accouché d’Al Capone. L’interdiction des jeux de hasard ou de leur publicité ne peut produire que des effets similaires, l’éclosion en dehors de tout encadrement des jeux clandestins, qui existent déjà, les livrerait pieds et mains liés aux réseaux du crimes organisés et aux filières du blanchiment où vont se croiser drogue et banditisme.