Libye - Le grand dessein du général Haftar
Le gu00e9nu00e9ral Khalifa Haftar

Le général Khalifa Haftar, chef autoproclamé de l’Armée nationale libyenne et grand patron de la Cyrénaïque, dans l’est libyen, aux confins de l’Égypte, va-t-il réussir son OPA sur le pays ? Tout semble y conduire. À commencer par l’impossibilité à mettre autour d’une table les différents acteurs du pays, qui risque de conduire le plus fort à s’emparer du pouvoir. Un état des lieux de la situation libyenne n’a rien de réjouissant.

La première évidence est l’échec du gouvernement d’union nationale du Premier ministre Fayez al Sarraj. Désigné, sous l’égide de l’ONU, par l’accord de Skhirat en décembre 2015, il est installé à Tripoli et ne règne guère, au mieux que sur l’ouest du pays. Choisi sur des bases boiteuses, Al-Sarraj n’est pas parvenu à fédérer les multiples acteurs, militaires et civils, du pays. La violence s’accroit ces dernières semaines. Dernièrement, le convoi du Premier ministre lui-même a été attaqué, dans la capitale, par des hommes armés. Il en est sorti indemne.

Deuxième évidence : l’échec de Sarraj est inversement proportionnel à l’émergence du général Khalifa Haftar. Si cet ancien officier de Kadhafi est devenu incontournable, c’est qu’il contrôle depuis plusieurs mois les terminaux pétroliers du centre et de l’est du pays. Sans oublier que ses proclamations anti-islamistes (en particulier anti-Frères musulmans, proches de certains partis du gouvernement d’union nationale) et son combat contre l’État islamique, le font apprécier des Occidentaux et des Russes. Khalifa Haftar s’est rendu à deux reprises à Moscou en 2016, et en janvier dernier, il discutait lutte contre le terrorisme avec des responsables russes sur le porte-avion Amiral Kouznetsov que Moscou avait envoyé croiser dans les eaux libyennes.

Si l’Égypte et l’Algérie voient d’un œil favorable la place prise par Haftar dans le paysage politique libyen, la majorité des pays de la région disent vouloir redonner un second souffle à l’accord de Skhirat en réconciliant les Libyens. Vœux pieux. Tunisiens et Algériens multiplient les rencontres avec les représentants des différents partis libyens et des milices islamistes ; Rached Ghannouchi a de nombreux contacts avec les Frères musulmans libyens. Même les anciens de Kadhafi réfugiés en Tunisie et en Égypte n’ont pas été oubliés. Dans l’immédiat, le dialogue n’est pas à l’ordre du jour. Une première rencontre, au Caire, il y a deux semaines, a tourné à l’échec. Au dernier moment, le général Haftar a refusé de rencontrer Al-Sarraj tant que l’organisation politique du pays ne serait pas modifiée. Depuis, Haftar a obtenu la nomination d’un Haut conseil - dont il est membreet qui, placé au-dessus du gouvernement aura la haute main sur l’armée. Une seconde réunion à Tunis, le 19 février entre les ministres des Affaires étrangères de la région n’a pas été plus probante. Qu’importe à Haftar, qui a demandé aux Russes de réactiver les contrats d’armement pour lutter contre l’EI et dit se réjouir de l’arrivée de Donald Trump, ce chantre de la lutte contre le terrorisme. Il se dit prêt à travailler avec les deux pays, qui pourraient ne pas se faire prier pour appuyer celui qui semble le futur homme fort de la Libye.

Pourra-t-il y réussir sans engager une guerre civile totale ? Rien n’est moins sûr.