Etats-Unis : Trump joue avec le feu
Mireille Duteil

Que cherche Donald Trump ? Le président américain aura mis trois mois pour oublier la politique isolationnisme dont il avait fait profession de foi avant son installation à la Maison Blanche. Le 6 avril, deux jours après le bombardement – manifestement au gaz sarin - de la population de Khan Cheikhoum par l’aviation de Bachar el-Assad, il répliquait en frappant une base syrienne. Deux jours plus tard, à des dizaines de milliers de kilomètres de la Syrie, le porte-avion américain USS Carl Vinson et son escadre qui avaient mis le cap sur l’Australie étaient déroutés vers la péninsule coréenne. Une intimidation. Washington accuse la Corée du Nord, de mener, en dépit des résolutions de l’ONU, des essais de missiles à longue portée, certains porteurs de têtes nucléaires, qui pourraient atteindre les Etats-Unis. Pyongyang a déjà procédé à cinq tests atomiques dont deux en 2016.

Donald Trump a donc décidé de montrer ses muscles. Il fait d’une pierre plusieurs coups. En répliquant au bombardement chimique de Bachar el-Assad, et en menaçant la Corée du Nord d’une frappe, il se pose comme l’anti-Obama qui avait reculé en Syrie, en août 2013, lorsque el-Assad avait franchi « ligne rouge ». Trump a tout à y gagner en politique intérieure, alors qu’il a multiplié les échecs, en matière d’immigration et sur l’abolition de la couverture universelle de santé. En outre, il montre qu’il n’est pas l’homme de Poutine, comme l’accusent les démocrates. Trois de ses proches ont dû se récuser ou démissionner pour avoir entretenu des liens avec la Russie.

Le président américain vient donc de reconquérir le camp républicain traditionnel et de se poser comme l’homme qui assurera la sécurité de ses concitoyens. Il ne faut pas oublier qu’il a promis de passer à 4% du PIB la part du budget consacrée à la défense.

Cette politique n’est pas sans risque. En frappant la Syrie, et en menaçant la Corée du Nord, Trump s’attaque de front à la Russie. Il en rajoute : un haut responsable américain déclarait récemment que « les Etats-Unis cherchent à savoir si la Russie est complice dans le bombardement chimique de Khan Cheikhoum. » Le 12 avril, à Lucques, en Italie, lors de la rencontre des ministres des Affaires étrangères du G7, Rex Tillerson, secrétaire d’Etat américain et ex-PDG d’Exxon Mobil, virant casaque, annonçait que les Etats-Unis espéraient le départ de Bachar el-Assad.

Depuis janvier, Trump semblait s’en accommoder. Poutine ne décolère pas. Il a fait savoir qu’il ne rencontrerait pas Tillerson pour son premier voyage officiel à Moscou, les 13 et 14 avril. Il ne sera reçu que par son homologue russe, le très chevronné Sergueï Lavrov. Parallèlement, dans un communiqué, les Affaires étrangères russes précisaient qu’elles veulent « comprendre en priorité dans quelle mesure les Etats-Unis ont conscience de la nécessité de stabiliser et normaliser leurs relations. (….) Elles n’ont jamais été aussi difficiles depuis la fin de la guerre froide. »

Les uns et les autres semblent jouent à se faire peur. Peut-il y avoir des dérapages ? Personne ne semble y croire. Mais les Russes ont mis fin à la concertation entre les deux armées de l’air dans les ciels syrien et irakien pour éviter des rencontres malencontreuses. Seul espoir : que cette situation volatile pousse Poutine à faire pression sur Assad pour enclencher des négociations de paix sérieuses. Y est-il prêt ?